Oui, je sais, j'en ai déjà parlé. Mais c'était rapide, et, à chaque épisode que je découvre - j'arrive à la fin de la dernière saison -, je n'en reviens pas d'avoir depuis si longtemps laissé cette séries de côté. Alors je re-résume très rapidement pour ceux qui, comme moi, ne l'auraient pas vu dès 2001. La famille Fisher tient une entreprise funéraire, où sont "restaurés" les corps, exposés ensuite à la famille, puis enterrés, brûlés, selon les désirs du défunt ou les rites d'une communauté. Finalement, c'est une famille normale, mis à part cet étrange commerce. On se passe cette tradition de père en fils, on a des difficultés en couple, on se lève le matin et on va travailler. La saison 1 débute avec la mort du père Fisher. Restent sa femme, soudainement libre, son fils, qui reprend le commerce, sa fille, encore à l'école, qui ne sait pas quoi faire de son avenir; revient le premier fils, soudainement confronté à sa famille dont il s'était éloigné.
Au fil des saisons, Six feet under réussit à se renouveler, à se développer toujours plus tout en conservant cette structure de base. C'est d'abord une famille et ses liens qui sont au centre des préoccupations. Comment avancer tout en restant unis, travailler et vivre ensemble sans s'étouffer, gérer un commerce et des relations, voilà les principales questions qui confrontent Ruth, David, Nate et Claire. Autour de ce noyau dur, d'autres personnages gravitent, vont et viennent. Ce sont d'abord les conjoints de chacun, à des rythmes très divers. D'une femme veuve, mariée et mère très jeune, qui a dédié sa vie à son mari, on passe à des relations jeunes, de trentenaires qui font le choix de s'établir durablement. Nate et David composent à eux deux toute une gamme très vaste, étant très différents l'un de l'autre, l'un hétérosexuel et l'autre homo. Quant à Claire, la plus jeune, elle en est au stade de l'expérimentation. On trouve donc de quoi satisfaire toutes les curiosités.
Loin de se contenter de relations sentimentales, Six feet under ose approcher le sujet du sexe. Nombre de séries éteignent la lumière dès qu'on passe dans le lit conjugal. Six feet under
est loin d'être pornographique, mais demande franchement ce qui se
passe quand on se rencontre, qu'on reste ensemble un certain temps et
qu'on se lasse. C'est l'idée de la relation fusionnelle et passionnelle entre Nate et Brenda, qui débutent leur idylle par un coup tiré dans un cagibi d'aéroport. Nate est le personnage qui pourrait être considéré comme principal, du moins dans les deux premières saisons de la série. L'intensité de sa relation avec Brenda change effectivement sa vie et affecte également tous les liens familiaux; il reste à Los Angeles pour envisager son avenir avec elle; et la jeune femme, en prenant de plus en plus de place dans sa vie, finit par prendre de l'importance pour Ruth, qui n'arrive pas à l'apprécier, pour David, qui voit son frère se détacher des problèmes de l'entreprise pour elle, même s'il accepte également la charge de travail grâce à Brenda; quant à Claire, sa rencontre avec le frère de Brenda, artiste photographe, décide de son avenir. Dans la saison 3, Brenda s'en va, Nate est relégué soudainement à l'arrière-plan de la série, son rôle est affadi par la femme qui a pris le dessus sur Brenda...
Les relations, amoureuses, sexuelles des personnages, en s'entremêlant et en ricochant les unes sur les autres, vont au-delà de la comédie sentimentale. Elles témoignent simplement d'une plus grande complexité et de la vie tordue qu'on a tous, chacun pour soi et les uns avec les autres. Deux personnages notamment, qui restent dans l'ombre tout en ayant une personnalité très forte, m'ont plus marquée, par leur nature anti-héros et leur force dans le second plan des intrigues principales.
C'est le cas de Ruth, qui est certainement mon personnage préféré de la série. La mère de Nate, David et Claire semble mener une vie à part de celle de ses enfants; et même s'ils vivent tous plus ou moins régulièrement chez elle - ils se retrouvent au moins dans la maison maternelle pour travailler -, Ruth est déconnectée des intrigues tout en veillant sur eux. Son caractère lunatique lui crée son propre univers, et personne ne semble se soucier d'elle tant elle vit dans un monde indépendant, déconnecté de la réalité. Cependant, chaque chagrin, chaque étape de la vie de ses enfants impacte sur elle. Elle s'est dévouée à eux sans même qu'ils ne s'en rendent compte, et ils ont encore du mal à la considérer comme une femme plutôt qu'une mère. C'est le personnage qui évolue le plus, de femme mariée à veuve, de maîtresse de maison à femme indépendante, de mère à femme à hommes... Ruth est terriblement touchante.
Il se passe un peu la même chose avec Frederico, qui travaille pour le père Fisher; une fois que celui-ci est mort, n'ayant pas la même relation d'admiration avec David, et encore moins avec Nate, Frederico aurait pu voler de ses propres ailes. Il a un talent qui lui permettrait d'aller voir ailleurs, une vie de famille et un caractère légèrement raciste qui le rendent indépendant de la famille Fisher. Mais ses problèmes propres le lient de plus en plus à ce lieu, ce sous-sol où il officie chaque jour, et à David et Nate. Sans que personne ne se soucie de ce qu'il se passe pour lui, en-dehors de son travail, Frederico continue à hanter la maison Fisher et à supporter les problèmes largement plus écoutés et exposés de ses deux patrons.
Ce sont donc ces croisements de vies, qui évoluent les unes à côté des autres, parfois en parallèle, en se frôlant et s'influençant sans en avoir l'air, qui fait de Six feet under une série à voir absolument. D'une belle cohérence, les cinq saisons se lient à merveille. De la saison 1 à la saison 5, quelle évolution des personnages! Et pourtant, tous ces changements sont amenés doucement, fermement, étape par étape au fil du temps et des évènements. Les trois premières saisons sentent la jeunesse, et un vent de folie y souffle. Les deux dernières voient des personnages mûris, un peu usés aussi; certains tentent toujours d'amener de la nouveauté à leur vie; d'autres abandonnent des rêves; d'autres encore les raniment, au dernier moment. Au sein de chacune des saisons, depuis le premier épisode au final, pour chacun une porte est ouverte et se ferme. J'approuve hautement ce choix, d'homogénéiser un ensemble, tout en scindant distinctement entre elles chacune des cinq saisons.
Dans la forme, on retiendra évidemment les fondus au blanc, très lents, qui structurent les séquences dans un même épisode. Cette formule se révèle gagnante, et, de 2001 à 2005, ne change jamais. Ces fondus font l'identité de la série autant que son thème ou ses personnages. Je regrette cependant le manque de changement dans le générique de début, longuet et surtout jamais renouvelé. Vous porterez également attention à la place de la religion, autant abordé que le sujet du sexe. La foi est vraiment un phénomène culturel de choix aux Etats-Unis, et Six feet under peut, par son réalisme, être analysé comme un cliché authentique d'une époque et d'un milieu social à Los Angeles dans les années 2000. Ce dernier point marquera d'autant plus nos esprits européens qu'on a moins l'habitude d'approcher ce sujet, inhérent à la culture américaine.
Dernier point rigolo: avoir découvert cette série des années après permet de s'étonner des performances d'acteurs de série aujourd'hui bien différents, notamment Michael C. Hall, qui est devenu Dexter, Rachel Griffiths, qui a joué dans Brothers and sisters, Jayma Mays qu'on retrouve dans Glee,...
Six feet under
créé par Alan Ball
avec: Peter Krause, Michael C. Hall, Frances Conroy,...
5 saisons complètes diffusées entre 2001 et 2005 sur HBO
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