Monday, April 30, 2012

Tyrannosaur, de Paddy Considine

Joseph contient sa colère, tous les jours, tout le temps. Parfois elle éclate, et la violence qui l'accompagne peut le pousser même à tuer, son propre chien. Il passe ses moments plus sereins au pub et ne rentre qu'à la nuit tombée dans sa maison vide. Son chemin croise celui de Hannah, jeune femme pieuse qui sait l'amadouer et supporte ses bouffées de colère en lui parlant de dieu. Derrière son apparence de fille sage et simple se dissimulent aussi des terreurs. Finalement, Hannah et Josaeph se ressemblent.


Tyrannosaur, par le milieu qu'il décrit - un quartier populaire de Glasgow -, se pose forcément en comparaison des films de Ken Loach ou de Mike Leigh, réalisateurs d'un cinéma dit social, qui interroge les états d'âme et les conditions de vie de travailleurs, d'ouvriers, souvent banlieusards, petites gens simples qui se heurtent au système. Dans ce quartier oublié du développement culturel, entre la frénésie des villes et la pauvreté de la campagne profonde, on survit sans trop de bruit et refermé sur son voisinage. Face à Joseph, une femme accepte la brutalité de son petit ami, toujours accompagné de son chien énervé. Le fils de cette femme, innocent encore, grandit sous l’œil passif de Joseph. Joseph a déjà vécu la vie de cet enfant; le petit ami de la femme aussi, il l'a été. Cassé par son passé, désabusé par le futur de tous, il ne fait plus rien pour changer le destin de cet enfant, un futur qui se dessine terne et rude, ni pour le prévenir.


Hannah semble être à l'opposé de cette pensée fataliste et pessimiste. Joseph la rencontre dans un magasin de charité qu'elle tient bénévolement. Hannah croit en dieu et prie, elle offre son temps aux autres. Elle porte en elle l'espoir d'une lumière. Sous sa douceur pourtant se cache exactement la même vie que les autres, pétrie de violences.


Elle est pire quand on la devine, cette violence. Si vous avez vu la bande-annonce, qui promet beaucoup de coups et de démonstrations de force, ne vous attendez pas à cela tout au long du film. Le rythme y est beaucoup plus calme et la rage, contenue. Lorsqu'elle explose, elle est d'autant plus brutale qu'elle est soudaine, surprenante, insupportable. A l'image de ses personnages, qui jamais n'avouent les coups, ni les recevoir ni les donner, le film se déroule dans le silence. Jamais explicites, les détails ne sont qu'insinués. Il faut comprendre les similarités des vécus, de Joseph et d'Hannah, le miroir des voisins et du petit Sam, pour compléter les silences, en piochant chez l'un ou chez l'autre les pièces manquantes.


Hannah et Joseph se ressemblent presque trop cependant. Et ces deux personnages, si forts, aussi bien interprétés l'un que l'autre - la caméra laisse d'ailleurs parler les corps des acteurs, sans surenchère de style - et livrant une performance géniale, ils donnent quasiment trop de tension au film. Autant d'intensité annule leurs jeux. Joseph n'est plus le personnage principal, Hannah lui vole aussi son aura, et cela fait un personnage de trop. Pour se protéger de tant de force, le spectateur se blinde, se ferme, et reste parfois au dehors.


Mais peut-on vraiment reprocher à deux acteurs de tant donner? A un film d'être trop puissant? Tyrannosaur est d'une brutalité qu'il faut pouvoir supporter, quasiment sans éclat de sang, et presque en silence.


Tyrannosaur
de Paddy Considine
avec: Peter Mullan, Olivia Colman, Eddie Marsan,...
sortie française: 25 avril 2012

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