Monday, April 23, 2012

L'amour et rien d'autre, de Jan Schomburg

Martha partage la vie de Paul, à Cologne, en Allemagne. Ils sont mariés, heureux, ont leurs coutumes du quotidien, tous les deux. Elle est prof, lui termine d'écrire une thèse de médecine, apparemment bien reçue par son tuteur. A la fin de ce travail, on propose à Paul un poste à Marseille, en France. Rêvant de ciel bleu et d'une ville rien qu'à eux, Martha et Paul font leurs cartons, disent au revoir à leurs amis et se préparent à déménager. Paul part le premier, Martha doit le rejoindre la semaine suivante. Une fois Paul parti, une étrange nouvelle change la donne et Martha reste, seule au milieu des cartons, à Cologne.


Cette nouvelle, elle a beau surgir en début de film, après quelques séquences d'intimité qui suffisent à construire la complicité entre Martha et Paul, cette nouvelle, je ne vous l'annoncerai pas. Alors que je lis les critiques, des papiers autour de ce film, que je revois la bande-annonce... je m'aperçois que rien n'a jamais filtré du bouleversement qui change totalement la mise et lance réellement le sujet du film. Le déroulement de ce dernier ne souffrirait pourtant aucunement de cette révélation. La nouvelle est bien un point de départ du cauchemar puis du conte qui dure 90 minutes par la suite. Bien mené, ce temps développe l'impulsion et l'aura de la lumineuse et meurtrie Martha.


Elle réagit d'abord de manière spectaculaire, lorsqu'elle comprend qu'elle demeurera seule à Cologne. Non pas en se noyant dans un océan de larmes, qu'il aurait été logique de trouver là. Mais par son calme; le choc et l'incompréhension, la honte qu'elle éprouve la rendent muette. Pour se protéger, elle s'invente alors une fantaisie, au hasard d'une rencontre. Elle rebâtit autour d'elle son monde de repères, hyper sécurisé, qu'elle connaît sur le bout des doigts. On comprend Martha et son désir de contrer la douleur et sa perte. La mise en abyme est subtile cependant, et on hésitera toujours entre la folie douce qui pourrait avoir pris Martha, ou son enracinement dans le sens commun. Terriblement réel au départ, le film devient irréel alors qu'un autre homme entre dans sa vie et joue son jeu, sans que l'on sache ses motivations.


La fiction qu'elle s'invente se heurte sans cesse à la vie réelle. Des différences avec sa vie d'avant, avec son couple d'avant, surgissent ici et là; Martha continue à vivre, réapprend à rire, rencontre d'autres gens, en dehors de sa fantaisie, elle recommence à avoir des rêves. Et comment une femme qui vit elle-même dans un monde imaginaire, peut-elle rêver? Le scénario est parfaitement maîtrisé et fonctionne également et surtout grâce à son interprète principale, Sandra Hüller. Présente sur tous les plans, elle maintient l'illusion, dans la douleur, dans sa vie rêvée, et aussi quand elle décide de recommencer à prendre pied dans la réalité. Frêle, et avec ses courts cheveux blonds, enfantine et fragile, elle dégage une intensité à la hauteur de l'incarnation de Martha.


Le cadre qui l'entoure est un jeu à chaque séquence. Une scène entière, pour vous donner l'exemple, est filmé dans le reflet troublé de miroirs. Les silhouettes qui s'y réfléchissent sont plus fantomatiques que ces images. Sans être pompeuse, cette réalisation sait conserver un certain minimaliste. Elle ne complexifie l'espace que pour mieux répondre aux chemins tortueux qu'a pris l'esprit de Martha.


Le dénouement, lumineux et trop tranquille, n'est peut-être pas assez tragique. Mais, tout comme le point de départ, je ne vous dévoilerai évidemment pas cette fin...



L'amour et rien d'autre
de Jan Schomburg
avec: Sandra Hüller, Felix Knopp, Georg Friedrich,...
sortie française: 18 avril 2012

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