Martha partage la vie de Paul, à Cologne, en Allemagne. Ils sont mariés,
heureux, ont leurs coutumes du quotidien, tous les deux. Elle est prof,
lui termine d'écrire une thèse de médecine, apparemment bien reçue par
son tuteur. A la fin de ce travail, on propose à Paul un poste à
Marseille, en France. Rêvant de ciel bleu et d'une ville rien qu'à eux,
Martha et Paul font leurs cartons, disent au revoir à leurs amis et se
préparent à déménager. Paul part le premier, Martha doit le rejoindre la
semaine suivante. Une fois Paul parti, une étrange nouvelle change la
donne et Martha reste, seule au milieu des cartons, à Cologne.
Cette nouvelle, elle a beau surgir en début de film, après
quelques séquences d'intimité qui suffisent à construire la complicité
entre Martha et Paul, cette nouvelle, je ne vous l'annoncerai pas. Alors
que je lis les critiques, des papiers autour de ce film, que je revois
la bande-annonce... je m'aperçois que rien n'a jamais filtré du
bouleversement qui change totalement la mise et lance réellement le
sujet du film. Le déroulement de ce dernier ne souffrirait pourtant
aucunement de cette révélation. La nouvelle est bien un point de départ
du cauchemar puis du conte qui dure 90 minutes par la suite. Bien mené,
ce temps développe l'impulsion et l'aura de la lumineuse et meurtrie
Martha.
Elle réagit d'abord de manière spectaculaire, lorsqu'elle
comprend qu'elle demeurera seule à Cologne. Non pas en se noyant dans un
océan de larmes, qu'il aurait été logique de trouver là. Mais par son
calme; le choc et l'incompréhension, la honte qu'elle éprouve la rendent
muette. Pour se protéger, elle s'invente alors une fantaisie, au hasard
d'une rencontre. Elle rebâtit autour d'elle son monde de repères, hyper
sécurisé, qu'elle connaît sur le bout des doigts. On comprend Martha et
son désir de contrer la douleur et sa perte. La mise en abyme est
subtile cependant, et on hésitera toujours entre la folie douce qui
pourrait avoir pris Martha, ou son enracinement dans le sens commun.
Terriblement réel au départ, le film devient irréel alors qu'un autre
homme entre dans
sa vie et joue son jeu, sans que l'on sache ses motivations.
La
fiction qu'elle s'invente se heurte sans cesse à la vie réelle. Des
différences avec sa vie d'avant, avec son couple d'avant, surgissent ici
et là; Martha continue à vivre, réapprend à rire, rencontre d'autres
gens, en dehors de sa fantaisie, elle recommence à avoir des rêves. Et
comment une femme qui vit elle-même dans un monde imaginaire, peut-elle
rêver? Le scénario est parfaitement maîtrisé et fonctionne également et
surtout grâce à son interprète principale, Sandra Hüller. Présente sur
tous les plans, elle maintient l'illusion, dans la douleur, dans sa vie
rêvée, et aussi quand elle décide de recommencer à prendre pied dans la
réalité. Frêle, et avec ses courts cheveux blonds, enfantine et fragile,
elle dégage une intensité à la hauteur de l'incarnation de Martha.
Le cadre qui l'entoure est un jeu à chaque séquence. Une scène
entière, pour vous donner l'exemple, est filmé dans le reflet troublé de
miroirs. Les silhouettes qui s'y réfléchissent sont plus fantomatiques
que ces images. Sans être pompeuse, cette réalisation sait conserver un
certain minimaliste. Elle ne complexifie l'espace que pour mieux
répondre aux chemins tortueux qu'a pris l'esprit de Martha.
Le dénouement, lumineux et trop tranquille, n'est peut-être pas
assez tragique. Mais, tout comme le point de départ, je ne vous
dévoilerai évidemment pas cette fin...
L'amour et rien d'autre
de Jan Schomburg
avec: Sandra Hüller, Felix Knopp, Georg Friedrich,...
sortie française: 18 avril 2012
de Jan Schomburg
avec: Sandra Hüller, Felix Knopp, Georg Friedrich,...
sortie française: 18 avril 2012
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