Hall Baltimore, écrivain qui a bâti son petit succès sur le
genre de la sorcellerie/polar, termine le tour de ses dédicaces dans un
petit village perdu des États-Unis. Personne ne semble vraiment se
soucier de son passage ici, si ce n'est le shérif de la ville, fan de
l'écrivain et désireux de lui présenter ses ambitions de roman, basé sur
un massacre non élucidé d'enfants qui a eu lieu, des années
auparavant, dans sa petite ville. Hall a évidemment d'autres chats à fouetter: une femme
qui lui demande de payer les dettes du foyer, un éditeur qui lui réclame
encore de la sorcellerie... Hall veut écrire, entre deux gorgées
d'alcool, un roman personnel. Dans ses rêves de soulard, il rencontre V.,
victime non retrouvée du massacre d'enfants. Elle lui rappelle
sa fille, décédée dans un accident de bateau, elle a le même âge
qu'elle, 12 ou 13 ans. Il croise aussi Edgar Allan Poe, qui aurait
séjourné dans l'hôtel où a eu lieu le massacre. Se donnant comme excuse
l'idée de travailler avec le shérif, Hall reste dans cette ville sordide pour écrire
l'histoire de V. et le roman de sa vie.
Francis Ford Coppola rapproche ce scénario de sa propre vie, trouvant son double en Hall Baltimore et en Edgar Allan Poe, un écrivain raté, et un célèbre. Le premier porte comme lui la culpabilité de la mort de son enfant. Il a beau n'avoir eu aucune part à cette mort, Hall se reproche de n'avoir pas accompagné sa fille alors qu'elle lui avait demandé de venir en bateau avec elle et ses amis; de la même manière, Francis Ford Coppola a au fond de lui le sentiment que, s'il avait accompagné son fils le jour de sa mort, il aurait pu empêché son décès. Quant au rapprochement avec Edgar Allan Poe, il se fait aussi via la perte d'un être cher; le célèbre écrivain hante les lieux d'un amour perdu, tout comme Francis Ford Coppola est hanté par la mémoire de son fils. On trouve des fantômes dans les méandres des regrets; des vampires, et toute une imagerie gothique qui permet la mélancolie.
Au-delà de ces considérations très personnelles au réalisateur - et qui, bien souvent, ne permettent pas la critique... comment voulez-vous dire du mal d'un film d'un type qui a pensé à son enfant mort en le faisant, hein?! -, on peut surtout établir des parallèles entre les délires alcooliques de Hall et sa morose réalité. L'écrivain préfère se plonger dans son imagination pour supporter le souvenir de sa fille, la présence de sa femme, les contraintes de son éditeur... et trouver l'inspiration dans l'alcool. La majeure partie du film se déroule donc dans cette ambiance grisée et brumeuse, illuminée de touches de couleurs kitchs. Hall Baltimore est un écrivain raté, du genre populaire dont le style ampoulé plaît aux adolescents en quête de frissons. On le compare dans le film à un Stephen King à la petite semaine, ce qui le définit plutôt bien. Ses descriptions redondantes mettent toujours en scène un lac, du brouillard, un petit matin...
Ses rêves sont du même acabit, kitchissimes au possible. Les fantômes sont les plus clichés possible, les victimes se languissent, les vilains sont pris de tics, la forêt s'anime. Les similarités entre les romans de Hall Baltimore et sa vision d'un monde imaginaire stylisé pourront être adorés par le même public, ébloui par des effets faciles. Peu de mise en scène - dixit Francis Ford Coppola, "les spectateurs ne s’intéressent pas particulièrement à la mise en scène" - et un scénario qui tire des cheveux. C'est du Tim Burton sans âme, sans Johnny Depp, faiblement remplacé par Alden Ehrenreich, sombre et torturé, au rôle incertain.
Ai-je besoin d'en dire plus? A trop vouloir être proche de son personnage, homme triste et sans talent, Francis Ford Coppola réalise de la même manière, sans rien montrer de ses capacités de réalisateur chevronné.
Twixt
de Francis Ford Coppola
avec:Val Kilmer, Bruce Dern, Elle Fanning,...
sortie française: 11 avril 2012
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