Monday, July 12, 2010

Splice, de Vincenzo Natali

Lorsqu'on stoppe leurs recherches scientifiques, pour cause d'avancées trop novatrices, Clive et Elsa décident tout de même de profiter de leur liberté pour tenter de créer une nouvelle créature, mi-monstre, mi-humaine. Partant de leur première créature, créée uniquement sur des ADN animaux, ils réussissent alors à féconder une de ses cellules avec un ovule humain... L'expérience est gardée secrète et Clive et Elsa la surveille discrètement, tout en travaillant gentiment quelques laboratoires plus loin, sur des recherches qui ne les intéressent plus tellement. Le but était d'arrêter l'expérience lorsque l'embryon aurait quelque peu grandi, et avant "l'accouchement". La croissance ultra rapide de leur créature bouleverse les plans. Une fois sortie de son utérus artificielle, Clive voit qu'il est encore temps de la tuer, mais Elsa s'y attache, lui donne le nom de Dren, et commence à l'élever. La recherche scientifique se mue en expérience plus intime alors que Dren grandit et se rapproche de l'humain.


Le principe de base du film, la relation triangulaire, est à première vue passionnante. Le couple parfaitement uni, dans son génie scientifique, comme dans son amour rock'n'roll, formé par Clive et Elsa, se trouve-t-il ébranlé ou rapproché par une naissance un peu surnaturelle? Va-t-on pouvoir plonger dans les tréfonds du film d'épouvante pour se délecter de peur? En fait, pas grand chose de tout cela n'arrive. Vicenzo Natali exploite de manière assez banale l'idée du couple qui intègre une tierce personne dans son intimité; et on ne sursaute pas assez pour classer définitivement le film dans la catégorie "d'horreur". Ce que le réalisateur réussit parfaitement, c'est à instaurer un malaise, et à déstabiliser le spectateur en ajoutant une dose de sexe à la fois malsaine et fascinante dans son scénario. Dren est une créature qui possède les attributs de beauté humaine et androgyne: de grands yeux clairs, une peau lisse, un corps de liane. Le monstre est en effet interprété par une véritable actrice, qui donne à ses mouvement l'apparence de l'humain bien plus que des images de synthèse. Le personnage, se mouvant cependant sur des jambes à trois articulations, avec son regard surnaturel, son crâne lisse sa longue armée d'un dard, et ses onomatopées animales, ne peut pas se ranger du côté des humains. Son développement, et, inévitablement, sa fonction reproductive sont donc dérangeantes, car interdites et imprévisibles.


Le reste du scénario fonctionne sur des ressorts peu originaux. Le couple Clive/Elsa est un archétype inimaginable, à la fois geek et sexy. Leur relation est néanmoins assez peu développée, surtout lorsqu'ils présentent des divergences concernant Dren. Leurs points de vue sont complètement opposés à ce sujet. Pourtant, leur couple faillit à peine, et la question de leur amour ébranlé n'est jamais évoquée, ou à peine survolée. Elsa s'attache très vite à Dren, alors qu'elle a toujours refusé de porter un enfant; cet amour maternel et ce refus de grossesse sont facilement expliqués par une enfance difficile et une mère abusive.. Les clichés s'accumulent avec l'éducation de Dren, "petite fille" surprotégée par sa "mère" humaine, et qui refuse le contact avec un père, qui lui sauve pourtant la vie. Œdipe vient mettre son nez là-dedans et Dren, passé le premier stade, rejette sa "mère" pour développer une "envie du pénis" (c'est Freud qui le dit...). Pour qui connaît le complexe d'Œdipe - soit, tout le monde -, le scénario coule donc de source. Pas la moindre surprise ne vient en égayer le déroulement.


Le rythme du film est plutôt agréable et bien mené, avec notamment une accélération très vive dans la dernière scène avant la conclusion. Mis à part ce retournement de situation, qui, néanmoins, aurait pu être, lui-aussi, prévisible, il est agaçant de remarquer combien la mise en scène se veut toujours cacher un évènement dont on a déjà prévu l'arrivée. La caméra prend un malin plaisir à ne pas montrer l'évidence, et à la conserver jusqu'au bout... Mais, en chemin, le spectateur a deviné ce que le réalisateur, peu subtil, a écrit, et la surprise n'en est pas une.


Vincenzo Natali devrait encore être à l'affiche prochainement, avec deux films: Neuromancer, l'adaptation d'un livre de science-fiction de William Gibson, et Tunnels, une autre adaptation, un Harry Potter bis. On ne sait donc pas vraiment à quoi s'attendre de la part du réalisateur de l'excellent Cube, sorti il y a onze ans, et qui semble être capable du meilleur comme du pire ou, dans ce cas, d'une petite médiocrité.



Splice
de Vincenzo Natali
avec Adrien Brody, Sarah Polley, Delphine Chaneac,...
sortie française: 30 juin 2010

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