Tuesday, July 13, 2010

Copacabana, de Marc Fitoussi

Elizabeth, dite Babou, a exercé toutes les professions dans tous les pays du monde et toutes les villes de France; pendant des années, elle a traîné sa fille, Esméralda, dans ses frasques. Maintenant toutes deux installées en Belgique, Esméralda rêve de stabilité, tandis que Babou s'emmerde. Cependant, piquée au vif par la demande d'Esméralda de ne pas venir à son mariage avec le barbant Justin, pour faire plaisir à sa fille, lui prouver qu'elle peut, par amour pour elle, rentrer dans la norme, et aussi accumuler un petit magot pour lui faire un beau cadeau de mariage, Babou accepte de rameuter le client à Ostende et de lui vendre des appartements en multipropriété. Elle s'installe dans un des trois-pièces à vendre, en colocation avec une autre nouvelle vendeuse, face à la mer, en plein hiver, totalement hors-saison, et s'accroche... mais ne perd rien à sa fantaisie.


Ce scénario joue sur deux tableaux: celui du drame familial, d'une mère rejetée par sa fille, d'une fille qui se sent trahie par sa mère; et celui de la comédie satyrique, qui grince joyeusement sur les pratiques compétitives d'employeurs cyniques et sur les désillusions de chômeurs désabusés et hostiles. 
Côté drame, on rit. Isabelle Huppert endosse son manteau de fausse fourrure et ses collants fushia, applique copieusement un maquillage coloré, et se joue de la vie, insouciante. Elle montre à sa manière son amour pour sa fille adorée, regrette leur complicité passée et sa volonté de s'installer dans la routine. Face à Babou, Esméralda est un peu terne et triste, mais elle montre un grand attachement à sa mère, tout en se laissant convaincre par ses futurs beaux-parents qu'il ne vaudrait mieux pas la voir au mariage. Elle ne manque cependant pas de fantaisie: pour la dédouaner, elle invente un voyage au Brésil, la plage de Copacabana,... Finalement, son imagination n'est pas aussi close qu'elle pourrait le souhaiter. Et quant Babou et Esméralda se retrouvent à Ostende, dans un décor loin d'être idyllique pour des retrouvailles complices, le drame prend encore des allures de comédie. Babou, en effet, même lorsqu'elle est conventionnelle, prend des chemins détournés pour garder sa liberté.


C'est bien dans un joli restaurant, d'une classe au-dessus de la moyenne à Ostende, qu'elle invite sa fille chérie. Mais elle a aussi trois autres invités de marques, un couple de SDF avec qui elle s'est liée, et leur chien... De même, si Babou réussit dans son nouveau boulot, c'est grâce aux autochtones croisés un soir dans un petit bar. Son empathie spontanée pour les autres, c'est ce qui fait sa force.  Elle communique, elle partage, fonctionne au coup de cœur. Le réalisateur se place à 100% du côté de son enthousiasme. Son altruisme, sa manie de marcher au désir, plutôt qu'à l'intellect, lui permettent de réussir. Ces qualités sont ses faiblesses aussi: malgré tous ses efforts pour sympathiser avec ses collègues, ceux-là, trop conventionnels, la voient comme une ennemie.


Et la satyre prend le pas. Les situations incongrues, les quiproquos s'enchaînent, et font rire aussi, mais jaune, parfois. L'air de rien, sous couvert de l'histoire de famille, Marc Fitoussi propose une critique acerbe, mais rigolote, d'un monde du travail aseptisé, où la performance fait loi. Les patrons sont des salauds, les employés se mangent entre eux, les femmes ont de la poigne quand elles ont du pouvoir, quoique, pas toujours; Aure Atika, en gérante insupportablement sèche engoncée dans son costume, livre une jolie performance.


Mais, bien entendu, celle qu'on voit le plus, c'est Isabelle Huppert. Toujours belle, toujours à se renouveler, elle étonne, et fait oublier qui elle est en tant qu'actrice, au profit de son personnage. Elle sait jouer la femme frigide, glacée; elle détonne par sa chaleur et son laisser-aller.lorsqu'elle interprète Babou. Lolita Chammah, adolescente boudeuse tout autant que femme gracieuse, fait aussi oublier qu'elle est la fille d'Isabelle Huppert, mais Esméralda est toujours celle de Babou... Vous suivez?


Ajoutez à cela un final un peu absurde, comme une dernière pirouette de l'exubérante Babou. Le drame est charmant, désopilant; on ne criera pas non plus au génie, mais Copacabana rassure sur l'état du cinéma "à la française".




Copacabana
de Marc Fitoussi
avec Isabelle Huppert, Lolita Chammah, Aure Atika,...
sortie française: 07 juillet 2010

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