Monday, August 31, 2009

Numéro 9, de Shane Acker

Numéro 9 s'éveille dans un monde que les machines ont ravagé, détruisant du même coup les hommes qui les ont créées. Fuyant loin du corps sans vie du savant qui l'a fabriqué, Numéro 9 se découvre des petits camarades, petites poupées de mécanique et de chiffons, aux yeux écarquillés. Ces survivants se terrent dans une ancienne église en ruine, et n'osent sortir ni se déplacer, par peur d'une dernière bête de métal qui erre et les attaque pour les anéantir, jusqu'au dernier. Numéro 9 les force à sortir et à affronter leur ennemi.


Numéro 9 est le développement en long-métrage d'un court maintes fois primé de Shane Acker. Tim Burton, touché par l'univers visuel et émotionnel du jeune réalisateur, a choisi de produire le film, qui, en effet, est graphiquement très proche de son propre monde imaginaire. Sur le plan de l'image, Numéro 9 ne déçoit pas: les personnages naïfs, expressifs, mélange astucieux de métal et de tissu type sac à patate, fourmillent de détails. Chaque partie de leur corps est étudiée pour s'adapter à leur univers post-apocalyptique. Les autres personnages, animaux terrifiants issus des mêmes matériaux, sont parfaitement grinçants et convaincants. Les décors quant à eux, tout d'ocres et de bruns, forment un paysage de désolation qui convient à merveille à cette époque d'après-guerre. Voilà pour la forme qui, si elle n'est pas d'une grande originalité avec ses machines de l'ère mécanique, est néanmoins réalisée avec minutie. Pour le fond par contre, la banalité du scénario n'est même pas compensée par une quelconque émotion ou un rythme intéressant.


La prise de pouvoir des machines sur les hommes qui les ont créées est un thème récurrent de la science-fiction. Un relent d'humanité reste bien souvent présent, et il doit souvent s'éveiller pour relancer le processus de vie. Le réalisateur choisit donc pour Numéro 9 la voie classique de sauveur des vestiges de l'homme. Cependant, son personnage a bien du mal à comprendre son rôle, et qui l'en blâmerait alors que les courses-poursuites incessantes ne lui laissent pas une seule seconde pour réfléchir? A peine a-t-il trouvé l'un de ses semblables que celui-ci est bouffé par la vilaine bestiole. Le premier but de Numéro 9 est donc de sauver cet ami connu quelques minutes durant. Le copain sauvé, la bestiole meurt; on aurait pu arrêter là les dégâts. Mais c'est seulement à présent que la véritable histoire débute: Numéro 9, poussé par la curiosité, déclenche sans le vouloir le réveil de l'ennemi suprême, un cerveau mécanique qui décide d'absorber tous les semblants d'âme restant sur Terre, et condensés dans les petites poupées numérotées.


Et voilà les courses-poursuites qui reprennent, sans un instant de répit pour réfléchir au pourquoi de cette extermination. De toute manière, il vaut probablement mieux ne pas y penser, sous peine de ne pas trouver la réponse; le réalisateur lui-même y a-t-il répondu? Nos personnages se perdent en décisions irraisonnées: Numéro 1 soutient depuis le début qu'il faut juste se planquer, Numéro 9 veut tuer l'ennemi. Les partisans de l'un et de l'autre se rangent tour à tour d'un côté puis de l'autre. Comme c'est le héros, Numéro 9 finira seul par prendre la bonne décision, et la mettra en oeuvre seul également. Mais le spectateur, lui, ne sait qui, de Numéro 1 ou de Numéro 9, a raison; de toute manière, quelque soit le choix fait, l'homme ne renaît pas, et les personnages de métal restent seuls, en possession de petits bouts d'âme qu'ils ne pourront pas réunir ni dupliquer. Le final, qui se veut probablement poétique et mélancolique, demeure vide de sens comme le reste du film.


Le court-métrage de Shane Acker ne valait peut-être pas de gagner en longueur avec un scénario aussi faible et aussi peu novateur. L'univers du réalisateur reste néanmoins à surveiller, et on peut espérer qu'il réussir à s'affranchir de ses références.





Numéro 9
de Shane Acker

avec Elijah Wood, Jennifer Connelly, Crispin Glover,...

sortie française: 19 août 2009

Thursday, August 27, 2009

Inglourious Basterds, de Quentin Tarantino

Shosanna a vu sa famille massacrée par un nazi, surnommé le "Chasseur de Juifs". Des années plus tard, à la tête d'un cinéma parisien sous une fausse identité, elle a l'occasion de se venger de l'homme qui a tué sa famille, mais aussi de tout le gratin nazi qui a choisi son cinéma pour une première. Le gouvernement anglais souhaite également mettre à profit cette soirée pour fomenter un attentat, avec l'aide de l'actrice allemande et agent secret infiltré Bridget von Hammersmark. Et les Inglourious Basterds, soldats juifs américains qui mènent de sanglantes actions contre les nazis, avec à leur tête le lieutenant Aldo Raine, se retrouvent eux aussi impliqués dans ce complot.


Les premiers chapitres du film servent à mettre en place le passé commun de Shosanna et du "Chasseur de Juifs", le colonel Hans Landa; puis, chaque groupe de personnages est soigneusement présenté, avec ses motivations et ses implications dans l'attentat. Le final réunit évidemment tous les éléments pour une explosion en fanfare. Une fois n'est pas coutume, Tarantino a choisi de découper minutieusement son film en chapitres, pour imbriquer avec une précision d'horloger tous les chaînons qui rendront les dernières scènes plus jouissives. Cela fait du bien de voir que le réalisateur sait maîtriser une narration, et ne se contente pas de s'amuser simplement avec ses références et d'enchaîner les séquences sans les lier. Peut-être Quentin Tarantino a-t-il besoin d'écrire ses scénarios lui-même (le premier depuis Pulp Fiction), et de les réfléchir longuement (dix ans...), pour enfin réussir à raconter des histoires.


En effet, la gestation a été longue et difficile. En 1998, la première mouture écrite, elle aurait pu servir à une mini-série de plusieurs épisodes d'une heure... Quentin Tarantino aurait même envisagé de la publier sous forme de livre, et renoncer à en faire un film, tant le contenu était dense. Heureusement, cocorico, Luc Besson est arrivé et lui a clairement dit qu'il se lançait dans la mauvaise direction. Ouf, notre sauveur, celui qui sait, du premier coup d'œil, distinguer un mauvais scénario d'un bon scénario (Taxi, Banlieue 13, Le Transporteur, mais si, mais si!) est intervenu. Bref, voilà Quentin Tarantino, piqué dans son orgueil, qui revoit sa copie.


La maîtrise de son scénario lui permet cette fois-ci de jongler avec les genres et de se régaler de sang sans partir dans d'ennuyeux exercices de genre qui conviendraient mieux au format court. A l'inverse de Kill Bill, ou de Death Proof, assommants d'incohérences, les incursions de Quentin Tarantino dans les styles et dans la violence sont justifiées par l'histoire. La violence, justement, ne survient pas non plus de manière totalement irrationnelle. Si elle est bien présente, et filmée en gros plan, elle intervient pour mieux souligner la démesure des Inglorious Basterds, monstres déchaînés qui terrifient alors à juste titre le régime nazi. Autre reproche souvent adressé au réalisateur, les dialogues ne sont ni longs ni inutiles, mais riches en informations et en pauses. Ce qui les fait durer, en effet, ce sont les temps que les acteurs prennent le soin de placer, emplissant les silences de significations.


La flopée d'acteurs prestigieux y est certainement pour quelque chose, Christoph Waltz, Prix d'Interprétation Masculine à Cannes en 2009, en tête. Son interprétation de fou à lier plein d'élégance est en effet magistrale. Brad Pitt-bull, toute mâchoire dehors, est lui aussi génialissime, notamment lorsqu'il se met à parler italien; Diane Kruger, séduisante, endosse parfaitement son rôle d'agent double. Le bémol vient du casting français; on ne sait si on doit accuser les acteurs, débitant leur texte d'une morne platitude sans le vivre ni le comprendre, ou si l'erreur vient de la traduction du script du réalisateur dans la langue de Molière. Tous, ces deux-là mis à part, prennent un joyeux plaisir à se soumettre au scénario brillant et aux dialogues heureux qui jonglent entre anglais, français, italien et allemand.


Quentin Tarantino, en signant un film à la hauteur de Reservoir Dogs ou de Pulp Fiction, justifie enfin que le public comme les critiques le considèrent comme un génie.





Inglourious Basterds
de Quentin Tarantino
avec Brad Pitt, Christoph Waltz, Diane Kruger,...
sortie française: 19 août 2009

Sunday, August 23, 2009

Sita chante le blues, de Nina Paley

L'histoire de Sita est connue dans toute l'Inde. Enfin, comme nous l'expliquent, un peu confus, les trois narrateurs, silhouettes de papier, marionnettes d'ombre se détachant sur la clarté de l'écran, chacun a sa propre vision de l'histoire; certains ajoutent des personnages, des détails, d'autres appellent Sita par d'autres noms,... La base de l'histoire, cependant, est la suivante: un jeune garçon devant être couronné roi respecte la décision de son père, lui-même tenant sa parole auprès d'une de ses femmes, et s'exile dans la forêt pendant, quatorze ans. Sita, sa jeune épouse, éperdument amoureuse, le suit malgré les dangers et les démons; Râma, son mari, la protègera. Le démon Râvana, qui s'éprend de la jeune fille, l'enlève. Sita ne succombe jamais à ses avances, et conserve l'espoir que Râma viendra la délivrer. Celui-ci en effet, aidé de Hanuman, le général de l'armée des singes, la sauve. Mais il doute de son innocence préservée. Sita passe alors l'épreuve du feu, et le couple, les quatorze années d'exil passées, revient prendre le trône du à Râma. Cependant, Sita tombe rapidement enceinte; Râma, à présent roi, doute encore de sa fidèlité, et, pour offrir à son peuple l'image de la vertu, renvoit Sita dans la forêt. Elle y élève ses deux fils dans le plus grand respect de leur père. Râma, des années plus tard, les entend chanter ses louanges. Il revient alors auprès de Sita qui, lasse de son manque de confiance, implore les dieux et retourne dans le sein de sa mère, la déesse Terre.


Nina Paley s'est inspirée de son propre parcours sentimental pour le mettre en parallèle avec celui de Sita. Son mari parti en Inde pour le travail, elle l'y rejoint mais se sent rejetée et, après un retour aux Etats-Unis pour y travailler, leur rupture est définitive. Ayant lu l'épopée de Sita lors de son séjour indien, elle choisit de la mettre en relation avec sa propre histoire. Elle découvre au même moment les chansons d'Annette Hanshaw, qui interprète les chagrins amoureux par le blues. Trois approches se mêlent donc dans ce film extraordinaire que Nina Paley a écrit, réalisé, animé, etc... Trois techniques d'animation, trois narrations différentes, se mélangent sans lasser et sans se confondre.


En premier lieu, l'autobiographie de Nina Paley est dessinée de manière traditionnelle, avec un trait tremblant, des lignes rondes et des couleurs appliquées avec une naïveté joyeuse. Malgré la déception du couple qui s'effondre, l'humour est présent dans les dessins. Les décors mixent avec bonheur des photos fixes et des backgrounds dessinés. Le décalage est total, l'innocence affichée est jubilatoire. Puis, c'est dans un théâtre d'ombres que nous pénétrons, où trois silhouettes dentelées bavassent entre elles, perdent leur fil conducteur, se bousculent, pour nous narrer l'histoire de Sita. En guise de décors, de fausses esquisses peinturlurées à l'indienne, grossièrement animées, pour illustrer les propos décousus de nos narrateurs survoltés. Enfin, des couleurs fraîches, explosives, des personnages en papier découpé, et Sita qui chante, en blues, ses aventures.


Les chansons d'Annette Hanshaw ont été intégrées telles que la chanteuse les interprétait, et donnent une couleur de bluette sentimentale au film. Elles n'ont évidemment pas été écrites pour le film, ni dans une tonalité indienne, mais leur blues mélancolique semble pourtant parfaitement adapté à toutes les situations dans lesquelles se retrouve Sita.


Sita chante le blues est un film au charme réjouissant, et l'illustration du talent incroyable de Nina Paley, qui a su tirer parti de sa tristesse pour fabriquer à elle seule une oeuvre d'art.


Sita chante le blues est visionnable sur internet à l'adresse suivante: http://www.sitasingstheblues.com/



Sita chante le blues
de Nina Paley
avec Aseem Chhabra, Bhavana Nagulapally, Manish Acharya

sortie française: 12 août 2009

Memory of love, de Wang Chao

He Shizu et Li Xun forment un couple d'apparence heureuse, mais on sent que leur amour s'essoufle. Lui est chirurgien et travaille avec son meilleur ami, Qian Chen; c'est lui qui, plus de trois ans auparavant, lui a fait rencontrer sa femme. Le lendemain de la soirée des fiançailles de Qian Chen, les deux amis se retrouvent à devoir opérer d'urgence un couple. La femme est He Shizu, l'homme est son amant. He Shizu, opérée, a la vie sauve, mais souffre d'une perte de mémoire; elle a tout oublié de son passé récent, sur trois années. Dans son esprit, elle s'apprête encore à quitter Qian Chen pour Li Xun.


Le film, sur cette base romantique, aurait pu envisager la suite sous plusieurs angles: faut-il faire croire à Shizu que ces trois dernières années n'ont pas encore été vécues, et les lui faire vivre à nouveau à l'identique, pas à pas? Faut-il que Li Xun lui avoue que leur mariage a failli, et qu'elle s'est alors jetée dans les bras d'un autre? Faut-il tout recommencer, mais sans les erreurs, pour que Shizu ne soit pas attirée un jour par cet autre, qui a failli les tuer? Peut-on exploiter l'oubli comme un renouveau, ou comme un recommencement?


Malheureusement, Wang Chao, le réalisateur, fait prendre à Li Xun des décisions faiblardes, et le scénario, comme le personnage, est indécis quant à la route à prendre. Confusément, on comprend que Li Xun tente d'abord d'emprunter à nouveau le même chemin que le couple a pris lorsqu'il s'est formé, et que leur amour débutait et grandissait. Mais cette partie se déroule dans un espace-temps approximatif, qui ne permet pas de savoir combien de temps cette mascarade se tient. Pourtant, par le nombre d'évènements que Li Xun fait revivre à sa femme, il semblerait qu'il s'écoule deux ans. Plus tard, Li Xun avoue tout à Shizu, leur amour qui faiblit, sa trahison avec un autre homme. Sans rien faire pour gommer ses fautes, sans autre motif que le renoncement sans bataille de la femme qu'il aime, Li Xun met Shizu face à son amant, la jette dans ses bras, et la laisse se souvenir et prendre les décisions. Il parle de destin, qu'il ne faut pas contrarier, comme seule raison absurde de sa lâche décision.


Rien n'est franc dans ce film, et tout est survolé avec la même médiocrité qui caractérise Li Xun, comme si le réalisateur avec décidé que la couardise offrait de l'émotion. Les violons, mélodramatiques, ajoutent une touche "téléfilm" à cette intrigue mal ficelée. Le tout est servi par une image de type réaliste, sans lumière charmeuse, sans décor accrocheur, qui auraient au moins eu le mérite de faire voyager le spectateur. La lenteur de plans n'a pas l'attrait oriental de nombreux films asiatiques, mais reflète plutôt la mollesse générale.


Memory of love reste un film fade, insignifiant et sans ambition, qui ne réussit pas à décoller, malgré un pitch de départ qui aurait pu, si le réalisateur avait fait un choix plus radical, offrir un point de vue passionnant sur l'amour.


Memory of love
de Wang Chao
avec Yan Bingyan, Naiwen Li, Jiao Gang,...
sortie française: 19 août 2009

Tuesday, August 18, 2009

Le temps qu'il reste, d'Elia Suleiman

Nazareth, 1948, Fuad, le père d'Elia, est un résistant à l'occupation de sa ville par l'armée d'Israël. Les années passent, Elia enfant se mue en jeune homme, puis en adulte, et on le retrouve enfin, interprété par Elia Sulieman lui-même, à l'époque contemporaine. Les souvenirs du réalisateur sont autant de photographies mouvantes qu'il met en scène dans un contexte de guerre sans fin. Pour les faire ressurgir de sa mémoire, il a parcouru les carnets personnels de son père et lu les lettres personnelles de sa mère aux autres membres de sa famille forcés de quitter le pays. Le réalisateur, par ce mélange entre autobiographie et bribes éparses des mémoires familiales, souhaite ainsi dresser le portrait de ces "arabo-israéliens", palestiniens restés sur leurs terres natales, minorité dans leur propre pays.



Le temps qu'il reste ne conte donc pas qu'une seule histoire, mais met en scène, par séquences, toute une gamme de personnages liés par le regard qu'Elia Sulieman a pu porter sur eux à différentes époques de sa vie. Le film qui en ressort est un mix subtil d'absurdités, liées par une seule et même vision. L'évolution du personnage principal, qu'Elia Sulieman incarne lui-même à l'époque contemporaine, est le fil rouge reliant toutes ces séquences entre elles. Son changement, quoique chaque fois radical - on le voit d'abord enfant, puis jeune homme, et enfin adulte, sans transition - se fait sans heurt, intégré à la narration. Elia Sulieman raconte des histoires donc; et pour ce faire, il a tendance à oublier les mots. Chez le réalisateur, c'est l'image qui raconte.


La caméra est souvent fixe, et les portes, fenêtres, rideaux, tout élément du décor, découpe à nouveau le cadre, magnifié. La caméra ne bouge pas, mais les personnages, qui évoluent sur tous les plans, surgissent à l'avant pour revenir à l'arrière du plan, créent une chorégraphie, souvent sans paroles, pour fabriquer le scénario. La redondance de certains épisodes, leur construction graphique, ainsi que l'utilisation parcimonieuse des dialogues, donnent au film un ton léger, et drôle. L'absurde domine, les personnages d'Elia Suleiman se laissent manipuler comme des pantins, au sein d'un contexte politique qui n'a pourtant rien d'amusant. La contradiction donne de la puissance aux images, et les rires qui surviennent ont un arrière-goût de terreur.


Le silence n'est pas seulement utilisé dans le but de faire rire ou sourire. Elia Suleiman le considère comme une arme de résistance, pris en horreur par les gouvernements. Il le voit comme une matière à réflexion aussi, à la manière qu'ont les réalisateurs asiatiques de laisser le spectateur contempler l'image, se laisser imprégner, et réfléchir à son pouvoir.


A la fois drôle et politiquement engagé, Le temps qu'il reste est par-dessus tout pour Elia Suleiman, son histoire personnelle et intime.




Le temps qu'il reste
d'Elia Suleiman
avec Saleh Bakri, Yasmine Haj, Leila Muammar,...

sortie française: 12 août 2009

Sunday, August 16, 2009

Dollhouse

Des critiques ciné sont en attente d'écriture, en attendant, un bref post sur Dollhouse, série US créée par Joss Whedon, diffusée depuis février 2009 sur FOX, achetée en France par M6, et prévue à la rentrée 2009/2010 sur Téva...


Dollhouse, la première saison, met en scène Eliza Dushku (qui a joué dans Buffy contre les vampires, grande référence pour les post-ados de type femelle de mon type) qui accepte d'intégrer l'organisation Dollhouse, une société illégale et donc plus que discète. Le projet permet à des quidam prêts à en payer le prix, de rencontrer l'âme soeur ou le conseiller dont ils ont besoin. Leurs désirs sont exaucés sur mesure, et sur disquette, pour fabriquer de toutes pièces une personnalité idéale, intégrée à des "doll", jeunes gens qui, par besoin ou par désespoir, ont abandonné leur identité et mettent leur corps vide entre les mains de l'organisation pour un temps déterminé. La saison 1 est d'une incroyable efficacité; composée de 12 épisodes, elle met en place rapidement les personnages et la société par laquelles ils sont utilisés; mais les épisodes ne se contentent pas de montrer une nouvelle personnalité de notre personnage principal, surnommé Echo. Un fil rouge conduit toute la série, et, au bout de trois ou quatres épisodes, prend le pas sur les relations client/doll, pour une évolution rapide et énergique de l'histoire.


Il y a quelques semaines, un épisode 13, nommé épitaphe, n'a pas été diffusé aux Etats-Unis. Il donne un aperçu de ce que va être la seconde saison, diffusée dès le 25 septembre 2009 sur la FOX. La série ne cesse d'évoluer toujours plus fort, avec une énorme tendance à la science-fiction bien ficelée.


Dollhouse, Epitath one:






Dollhouse
avec Eliza Dushku, Harry J. Lennix, Olivia Williams,...
2ème saison prévue dès le 25 septembre 2009 sur la FOX (US)
1ère saison prévue à la rentrée sur Téva (Fr)

Wednesday, August 12, 2009

Somers Town, de Shane Meadows

Tommo se rend à Londres, fuyant une vie qui n'a pas l'air bien heureuse dans les Midlands; Marek vit avec son père, ouvrier sur le chantier de l'Eurostar, qui l'a emmené loin de sa famille, loin de la Pologne. Le premier est un peu (trop) fonceur, pas trop réfléchi; le second est timide et se passionne pour la photo pour occuper ses journées. Les deux garçons se rencontrent et se retrouvent autour d'une même fille qui leur plaît, et grâce à leur solitude aussi qui les rapprochent.



Après This is England, Shane Meadows fait à nouveau tourner Thomas Turgoose, gamin culotté qu'il avait recruté lors d'un casting "sauvage" pour son précédent film. Le jeune garçon, comme son personnage, s'assagit tout en gardant la force d'un gosse des rues, forte tête et sensible à la fois. Mais il a grandi, et ses questions portent à présent sur l'amitié, sur les filles et sur l'amour. C'est en premier lieu l'histoire de deux garçons qui, dans un premier temps rapprochés uniquement par mutuel ennui et la même solitude paumée, se découvrent et apprennent à se connaître, à comprendre et apprécier le passé de l'autre. Mais ce que raconte aussi Shane Meadows, ce sont les différences entre les deux garçons, qui leur permettent de se trouver une place dans l'Angleterre ouvrière qu'ils côtoient. Dans ce monde de la débrouille, ils finissent par distendre un peu leurs rapports, pour mieux faire partie de l'ensemble et trouver leurs envies personnelles puis les concrétiser.


Le noir et blanc de l'image a, selon le réalisateur, la vocation de souligner le caractère de transition, en mouvement et en évolution, de ses personnages comme de la ville. Londres est au moment de la narration en plein changement, et le quartier dans lequel Tommo et Marek se rencontrent est en chantier, se recentrant sur les trois gares (Euston, St Pancras et King Cross). Shane Meadows a en effet souhaité prendre une photographie (à l'image de Marek, qui ne sort jamais sans son appareil photo accroché autour du cou) de Londres bouillonnante de changements, en pleine construction, et qui réunit alors à Somers Town une population ouvrière venue de tous horizons.


Shane Meadows signe là un film probablement moins puissant que This is England, mais le réalisateur étend avec Somers Town la palette de sa sensibilité.



de Shane Meadows
avec Thomas Turgoose, Ireneusz Czop, Perry Benson,...
sortie française: 29 juillet 2009

Sunday, August 9, 2009

Little New York, de James De Monaco

Staten Island (titre original du film) est l'un des cinq districts de New York. Face à Manhattan, l'île n'a pas la même prestance que cette dernière circonscription. Staten Island, isolée, comporte son lot de gangsters et de paumés. Les trois personnages du films font tous partie de ces catégories; ils partagent des existences minables, des rêves de grandeur et usent de moyens imparfaits pour tenter, en vain, d'y parvenir.

Tout commence et tourne autour d'une scène, dans laquelle les trois personnages principaux des trois chapitres de ce film sont réunis: Sully, vidangeur de fosses septiques, explose de joie face à Jasper le boucher, sourd et muet: il lui explique que dans deux mois, sa femme mettra au monde un futur petit génie. Ils sont interrompus par l'arrivée de Parmie Tarzo, chef mafieux, qui utilise les services discrets de Jasper. Trois chapitres s'ouvrent sur des panneaux décrivant les séquences et les motivations de chacun. Parmie Tarzo veut étendre son territoire à toute l'île de Staten Island; Sully souhaite le meilleur avenir possible pour son fils et a besoin d'argent pour cela; Jasper, quant à lui, passe ses journées à œuvrer dans l'ombre pour la mafia locale et ses soirées au tiercé. Le dernier chapitre réunit enfin nos personnages, dont les destins finissent par se lier de plus en plus étroitement.


Les histoires croisées peuvent être intéressantes, si on ne tombe pas dans les écueils du genre; en premier lieu, la même scène, vue plusieurs fois, depuis des angles différents, ne doit pas sembler redondante. James De Monaco met les pieds dans le plat et réutilise platement sa scène clé sans donner au spectateur un élément supplémentaire à chaque fois, qui correspondrait au personnage suivi par la caméra. Le deuxième piège, qu'il n'évite pas non plus, est celui de ne pas surpasser ses comparses. Alejandro Gonzalez Inarritu sait parfaitement imbriquer ses séquences et revenir en arrière pour revoir l'action d'un autre point de vue; Quentin Tarantino est souvent cité comme la référence de James de Monaco par les critiques, car ils ont en commun de le genre policier. Cependant, en terme de destins croisés et d'histoires parallèles, Amours chiennes ou Babel, avec leur structure éclatée par une dizaine de personnages, le chaos qu'ils expriment, et malgré cela, leur grande cohérence, sont un exemple de maîtrise du film choral.


Aucun des personnages de James De Monaco n'arrive à refléter suffisamment l'état de profond délabrement de Staten Island, ni le délaissement dans lequel ce district est abandonné. Les caractères de chacun ne sont pas suffisamment forts, ni charismatiques. L'autre décision critiquable de James de Monaco est de donner à chacun de ses chapitres un titre, qui scinde alors complètement le film, et explicite ce qu'il va se passer à chaque séquence. Le réalisateur montre alors qu'il ne fait pas totalement confiance à sa narration pour exprimer son idée.


Si l'idée est séduisante, le film ne tient pas la longueur, à cause d'un scénario trop faible sans doute, et d'une réalisation sans prétention ni ambition.





Little New York
de James de Monaco

avec Ethan Hawke, Vincent D'Onofrio, Seymour Cassel,...

sortie française: 05 août 2009

Sunday, August 2, 2009

Up, de Pete Docter & Bob Peterson

Carl a vécu une vie heureuse auprès d'Ellie, dans la maison où tous deux jouaient enfants aux grands explorateurs. Il s'agrippe à cette maison, à ses souvenirs, à ses habitudes passées et à son regret de ne pas avoir tenu la promesse faite à Ellie de l'emmener découvrir les "chutes du Paradis". Le monde change autour de lui, concrètement, via les grandes bâtisses verticales qui grandissent autour de sa maison, mais Carl reste fermement planté au milieu de son jardin. C'est en défendant ce passé qu'il a un geste malheureux de vieil homme aigri; ce geste sert aux entrepreneurs désireux de récupérer son terrain à l'obliger à aller en maison de retraite. Mais Carl profite de cet ultimatum pour mettre à exécution le projet de voyage qu'il avait avec Ellie, et gonfle des ballons à l'hélium pour changer sa maison en dirigeable et s'envole avec ses souvenirs vers les chutes du Paradis. Contre ses attentes, il embarque avec lui Russell, un jeune boy scout désireux de venir en aide aux personnes âgées.



Carl pensera évidemment à se débarrasser de cet intrus dont le blabla incessant l'empêche de discuter avec le souvenir d'Ellie. Mais le petit garçon se révèle être en quête de représentation paternelle, parfois débrouillard aussi, et prêt à offrir pas mal d'affection, même à un vieux grincheux égoïste. Ce n'est pas une véritable amitié de type indestructible-à-la-vie-à-la-mort qui se noue entre un vieillard et un enfant que raconte le film, mais plutôt un lien plus subtil, faible au départ, qui se solidifie dans la durée, qui se met en place. L'Amitié dans les dessins-animés est, bien souvent, décrétée sans concession; celle entre Carl et Russell est plus réelle, parfois mise à mal et souffre, aussi, des erreurs de chacun.


L'égoïsme de Carl est la source de bien des difficultés pour ce couple mal assorti. Le vieil homme a en effet comme but de poser sa maison à un endroit précis, tout en haut des chutes du Paradis, comme promis à sa femme bien-aimée. Il croit, dur comme fer, que l'accomplissement de cette promesse soulagera sa conscience. Russell est, lui, plus enclin à se dévouer aux autres, et s'il aide Carl dans un premier temps, il se tourne vers l'oiseau qu'ils croisent en cours de chemin, plus en difficulté qu'eux. Carl doit se faire à l'idée que l'achèvement de sa promesse n'est pas l'aboutissement de son rêve, ni de celui d'Ellie; il doit apprendre à abandonner son but pour le transformer, le changer en un objectif nouveau; et ce dernier, plus aventureux, le rapproche bien plus finalement de la promesse faite à Ellie, que le dépôt de ses biens matériels en haut des chutes du Paradis.


S'il y en a un qui n'a pas abandonné son rêve, c'est le héros d'enfance de Carl, que nos bonshommes croisent en chemin. Si, dans les premières minutes de leur rencontre, Carl se montré ému, il réussit ensuite à ouvrir les yeux sur la déchéance de cet homme que son obstination aura poussé vers la folie dangereuse. Voilà ce que pourrait devenir Carl s'il continuait à s'obstiner! Chute d'un rêve, chute d'un héros; le dernier Pixar semble loin de la féérie de Disney.


La première séquence du film, chef-d'oeuvre de concision et condensé de sentiments très forts, va aussi dans cette optique émotionnelle; mais le traitement général du film ne laisse pas la dérision de côté. Les premières minutes du film traitent donc d'un sujet terrifiant, celui de la mort d'un être humain et que le spectateur a appris, en quelques instants seulement, à aimer; ce n'est pas la mort d'un être humain de type "méchant", ni celle d'un animal. On s'attache à Ellie, connue petite fille, et on la pleure autant que Carl. Mais, dès la fin de cette séquence poignante, l'humour revient dans le quotidien plein d'os craquants de Carl, d'habitudes solitaires et drôles par leur redondance insistante. La féérie s'en mêle dès que la maison s'envole et survole la ville, au-dessus des yeux ébahis des citadins, illuminés des enfants. Le meilleur de Disney donc, dénué de ses classicismes, de ses thèmes parfois légers, et... de ses animaux intelligents et parlants.


Elément infiniment drôlatique du film, Doug, chien fidèle, qui s'attache à Carl, parle certainement... mais par le biais uniquement d'un collier qui traduit ses pensées, qui sont bien celles d'un chien, pas humanisées pour un sou. Le comique de répétition surgit maintes fois par son biais. Doug, le chien parlant et stupide, Carl, le vieil aigri bougon, et Russell, forment un trio explosif plein d'oppositions, prêtant à rire. Pour peu qu'on ait lu la presse spécialisée, on a beaucoup parlé du physique de Carl, carré comme une brique. Mais un autre atout des studios Pixar, c'est aussi d'avoir osé, avec Russell, un héros à l'opposé des codes du petit garçon américain stéréotypé/blondinet/yeux bleus.


Russell est un personnage qu'on ne doit surtout pas oublier dans ce film et dans nos critiques. En effet, c'est par lui que les changements en Carl s'opèrent, et il est une démonstration des pouvoirs narratifs des studios Pixar. On ne saura jamais toute l'histoire de Russell, alors qu'on a vu résumée la plus grande partie de la vie de Carl. Russell, malgré son empathie qui semble infinie, a ses problèmes, un physique un peu ingrat peut-être aussi pour un enfant, un évident manque d'amour paternel... Mais ses problèmes ne sont dévoilés que peu à peu, au fur et à mesure qu'une amitié se construit, et il ne se raconte jamais entièrement, laissant faire le temps. Or, dans un film d'une heure et demi, on peut souvent voir condensés des liens trop forts, qui mettraient en réalité des mois à se tisser. Il n'en est rien dans les histoires de studios Pixar; on y prend le temps de découvrir, de contempler chaque élément.


Ces histoires fortes sont au cœur même du succès des films des studios Pixar. La narration est l'élément qu'ils mettent systématiquement en avant, avec le résultat que l'on connaît... surpassé une nouvelle fois!


Up
de Pete Docter & Bob Peterson
avec Edward Asner, Jordan Nagai, Bob Peterson,...
sortie française: 29 juillet 2009



Bonus: le court-métrage qui accompagne le film, Partly cloudy, de Peter Sohn