Commencer le vélo de route un 1er janvier a été assez dingue. Je me remémore le récit à chaque fois que j'enfile ma tenue de lumière, le jersey boursouflé par le contenu des trois poches à l'arrière, le cuissard rembourré et moulant, les chaussures qui déforment la marche à pied et le casque qui nous donne à tous des gueules de gland. Je suis très fière d'enfiler cet accoutrement, généralement vers 6h30 le matin, horaire matinal rendu plus terrifiant l'hiver alors que les températures sont en-dessous de 0. J'ai terminé l'année 2016, une des plus belles de ma vie so far grâce au vélo, après l'enfer de 2015. Qu'est-ce qui nous attend en 2017 ? Je ne peux pas m'avancer pour l'humanité ; à un humble niveau, plus personnel, des kilomètres, des kilomètres, des kilomètres.
J'en ai roulé presque 10.000 en 2016, chiffre fatidique pas atteint, juste effleuré la dernière semaine de l'année sous l'influence combinée de Rapha et de Strava, deux membres inconnus de mon univers il y a 365 jours et des poussières. Cumuler 500 km entre Noël et le Nouvel An, alors qu'on s'alourdit de bûche et de champagne ne me fait pas peur ; après tout, j'avais commencé l'année sans m'étourdir, gardé la tête claire pour que les jambes s'activent le premier jour de l'an. Des 18 km effectués dans l'euphorie tremblotante et la solitude, début 2016, aux 630 km de la dernière semaine de l'année, dans l'allégresse, et entourée de plus beaux rouleurs que moi, il y a eu... des milliers de choses : des progrès, d'abord, de la confiance, des amis, des découvertes, des leçons, des humiliations plus motivantes que déprimantes, la naissance éclair d'une passion.
crédit photo @rohand
Des noms que je ne connaissais pas, en 2015, me trottent dans la tête et me font m'extasier ; des monts me troublent et m'attirent ; les côtes me narguent, les segments m'appellent, un nouveau vocabulaire enrichit mes phrases et la route m'attire. Je détestais déjà la neige, je maudis aussi la pluie ; rien ne m'enchante plus qu'un lever matinal pour aller rouler, droit devant, avec toujours le même plaisir, du moment que la route est sèche. Que de changements en une année !
Revenons fin 2016. Je me sens honorée à chaque fois que quelqu'un me propose un ride. C'est sans doute une chose qui me séduira toute ma vie, même si j'accomplis un jour des miracles sur la route. Je me sens toujours toute petite, en plein apprentissage. Qu'on m'accorde une place dans un peloton me remplit de gratitude. Paris-Honfleur-Paris, c'est la route de notre #Festive500. Nous sommes une dizaine. Il fait froid, tellement froid cette dernière semaine de 2016 ! Il ne pleut pas, il ne neige pas, alors la température est détail. Pas pour tout le monde, mais pour moi, si. Je ne sens plus, alternativement, mes doigts, mes pieds, mon front. Pourquoi me plaindre, je ne suis jamais aussi heureuse que sur mon vélo. Je suis éperdument contente d'être là, prête à dévorer 440 km, 2 jours de route, de suite, en bonne compagnie, oui, sous les 0°C et même quand je tremble de froid à la moindre pause. A Honfleur, on ne verra pas la mer. On arrive dans la nuit qui tombe à 17h ; on dîne à l'heure des poules et on se couche et s'endort alors que d'autres sortent célébrer les ténèbres et les lumières des fêtes de fin d'année.
On retrouve la nuit au petit matin. Les fêtards sont couchés. On profite de 30 km de soleil timide, qui étire les ombres sur des champs glacés. Le blanc du givre et le bleu du ciel sont des couleurs qui me resteront gravées à jamais. Pour les kilomètres restants, comme le jour précédent, ce sera le brouillard. Je me souviens de celui du Vietnam, et de son joueur de flûte fantomatique. Il faisait chaud au Vietnam ; j'ai pour le trajet du retour ma doudoune sur le dos, prévue pour une sortie en ville éventuelle. On roule plus lentement : il y a le vent, de face, le constant et imperceptible dénivelé positif, la fatigue de la veille dans les jambes. Je ne sens rien de tout cela. Je pense à cette année, passée sur la route. Aux PR, aux QOM ; non pas que je souhaite toutes les couronnes de Strava sur ma tête. Chaque petite victoire se fait sur moi-même, je me dépasse toujours un peu plus et je laisse derrière une carcasse immobile, pour endosser celle qui va plus loin. Devant moi, il n'y a pas Paris. Quand on s'arrête, à 60 km de l'arrivée, parce qu'un de nos compagnons souffre trop, je m'en fiche, de ne pas terminer le trajet. Il fait froid, il fait nuit, mon #Festive500 est déjà dépassé de plus de 100 km. On rentre en train et c'est très bien. Devant moi, il y a 2017, des défis encore plus excitants et terrifiants, un paquet de copains, du bitume et sans doute des déconvenues qui me feront le plus grand bien. Il y a un monde qui va mal, et je roule.
J'achève 2016 dans une béatitude idiote. Je suis reconnaissante envers tout le monde : mon club, le CSP, les amis sur deux roues que je ne pourrais pas tous citer, ceux qui m'ont donné des conseils, lâchée en cours de route, dépassée dans une descente, protégée contre une bourrasque, portée, motivée, engueulée. Ça fait un paquet de gens. Des gens biens, des gens fous, atteints par le vélo. J'en reparlerai, bientôt.
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