Friday, November 26, 2010

Rubber, de Quentin Dupieux

Des spectateurs attendent, dans le désert, que le "film" débute. Pas d'écran, mais des jumelles. Pas de siège, mais un paramètre* défini au milieu de rien. Pas de projectionniste, et un scénariste qui n'a pas écrit le mot fin. Un non-sens incroyable, expliqué par un policier. Le "film" débute; un pneu se réveille, et se délecte de son pouvoir; il peut écraser des bouteilles, de petits scorpions, et même éclater la tête de corbeaux, lapins... humains? Les spectateurs commentent, mais le film n'est pas terminé. Comment alors faire disparaître le public? Et ce qui se passe au loin derrière l'écran imaginaire, est-ce bien un scénario? Ou la réalité?


Ce film, j'ai failli manquer sa sortie. J'avais vu, une seule fois, la bande-annonce, qui m'avait fait rire, et intriguée. Et puis, plus rien jusqu'à ce que je m'aperçoive que le film était déjà dans sa deuxième semaine de diffusion! Avant qu'il ne soit retiré de l'affiche, si petit qu'il est, si discret, je me suis ruée au cinéma. J'espère d'ailleurs que la salle 12 du Gaumont Parnasse a enfin réglé ses *#!`+!?!! de problèmes de son. C'est comme si la dernière petite salle de ce complexe avait été complètement délaissée. Deux films au son pourri que je vois là, alors je me permets de m'indigner un peu. Maintenant que cela est fait, il faut avouer que ça n'a qu'à peine gâché mon plaisir devant Rubber.


Le scénario improbable réunit des éléments absurdes à ne plus les compter: la mise en abyme, le film au milieu du désert à travers des jumelles, un pneu tueur comme personnage principal, un homme qu'on pourrait désigner comme projectionniste et qui répond aux ordres de son invisible "maître", un dindon empoisonné, un handicapé qui refuse de manger,... Ca n'a aucun sens pour vous? C'est bien normal. Et pourtant, dans Rubber, ces non-sens font mouche, et forment même un scénario absolument pas bancal. Quentin Dupieux, aussi connu sous le nom de Mr. Oizo - musicien électro -, est un tout jeune réalisateur; Rubber est son deuxième long-métrage. Il se délecte de ses absurdités et prend le temps de les pousser jusqu'au bout. 


Pour cela, il prend son temps, place sa caméra, et laisse le gag se dérouler de bout en bout. Chaque scène est ainsi construite, et le film dans son intégralité tient avec ce principe. Le personnage principal, le pneu tueur, est lui-même l'incarnation du gag maintenu, affirmé, alors que n'importe quelle personne un peu sensée vous dirait que ce n'est pas possible de mettre un pneu au centre d'un film. Quentin Dupieux réussit à faire vivre ce pneu, à lui donner des sentiments, un sens de l'humour, et une réelle personnalisation. Finalement, face à ce pneu, ce sont les personnages humains qui ont l'air presque faux - comme ce policier/metteur en scène qui, se faisant tirer dessus dans le cadre du "film", saigne de toutes ses plaies sans se décider à mourir alors que le scénario part en roue libre. Ou ce père qui envoie son fils chier alors qu'il donne tous les signes d'une mort prochaine.


Il y aurait à s'étendre encore sur tous les détails. Pourquoi un dindon plutôt que du poulet, une jolie brune plutôt qu'une blonde, une voiture rouge? Et pourquoi pas. No reason. En tout cas, Quentin Dupieux colle parfaitement à mon type d'humour et j'espère à celui de plein d'autres gens.



Rubber
de Quentin Dupieux
avec Stephen Spinella, Roxane Mesquida, Jack Plotnick,...
sortie française: 10 novembre 2010






*faute. Je voulais dire périmètre, merci lecteur attentif.

2 comments:

axx said...

« un paramètre défini au milieu de rien. » → un « périmètre » non ?

Sinon ouais, un bien bel ovni. Un éclatage du 4è mur en règle, où on ne sait pas si on est spectateur, co-conspirateur ou dindon (de la farce).

Dupieux prend un malin plaisir à faire durer plus que de raison ses idées bizarres et on ne sait plus trop quoi penser, mis à part qu'il y a là une sorte de connivence.

Je sais pas si j'ai forcément aimé, mais je sais que je m'en souviendrai.

Fanny B. said...

Je vais laisser ma faute juste pour que ton commentaire ait toujours une raison d'être. Je crois que même en relisant trente fois, il y a des fautes qui se dissimulent à mes yeux.

J'étais sur ton blog juste à l'instant. C'est fou.

Et aussi, oui, je ne sais pas si ce sera dans mon top 10 de la fin de l'année. Mais c'est quand même sacrément marquant. Des films qui me font vraiment rire, il n'y en a pas des masses.