Wednesday, November 24, 2010

Mother and child, de Rodrigo Garcia

Elizabeth excelle dans sa carrière, débarrassée de toutes contraintes personnelles; elle ne se consacre qu'à son avancement professionnel, sans se soucier d'un mari, ni même d'autre chose qu'un amant, encore moins un enfant, ni d'un point fixe qui serait sa maison. Abandonnée à la naissance par sa mère, enceinte à l'âge de 14 ans, Elizabeth s'est blindée contre ce genre de mésaventure. Karen, sa mère, ne la connait pas, mais son souvenir hante sa mémoire. Elle s'occupe de personnes âgées dans un hôpital, et vit avec sa propre mère, cette dernière amère, sûre d'avoir gâchée sa vie. Karen ne s'est jamais attachée à personne non plus, trop possédée par la honte, par le souvenir de cette enfant née et laissée entre d'autres mains. Lucy ne peut pas avoir d'enfant. Son mari s'est fait à cette idée et a accepté d'adopter l'enfant d'une jeune mère. Cette dernière va tester leur résistance, et leur envie d'avoir un enfant avant d'accepter de leur abandonner le sien.



Trois histoire s'entrecroisent avec beaucoup d'émotion et de subtilité. Loin des clichés sur la maternité, Rodrigo Garcia s'interroge aussi sur la face sombre des relations parentales; chaque personnage a une histoire difficile avec l'idée de la parenté, en amont ou en aval. Malgré leurs résistances, physiques ou psychiques, la maternité est une chose qui semble indissoluble de la vie des femmes. C'est très loin d'être mon point de vue; mais le réalisateur a su ne pas imposer l'idée dans le film, ni dans l'histoire de ses personnages. Chacune vit à son propre rythme. Le réalisateur n'assène donc pas un message universel, mais explique, en trois cas particuliers, ce que chacune pourrait éventuellement éprouver.


Le rythme qu'il utilise est celui de la vie - oui, c'est pompeux, mais c'est ainsi. Un peu lent donc, car les vrais changement intérieurs demandent du temps. J'ai été surprise de découvrir soudain, au générique de cette merveilleuse série qu'est In treatment, le nom de Rodrigo Garcia. J'ai bien envie de vous dire que cela suffit, allez voir ce film et d'arrêter mon blabla ici. Cette simple référence démontre que le réalisateur a toute la subtilité requise pour parler d'un tel sujet. Il donne la parole à toutes, à celles qui refusent de tomber enceintes, à celles qui le veulent, à celles qui ont subi une maternité obligée; celles qui énoncent clairement que devenir mère devrait être "simple" et "naturel"; celles qui n'hésitent pas à passer par d'autres moyens pour avoir un enfant; celles qui ne supportent pas l'idée de porter un ventre énorme pendant des mois, celles qui rêvent de sentir grandir la vie en elles. Il n'existe pas une seule femme, il en est des milliards, et autant de désirs différents.


En plus d'un message doux et tranquille que nous fait passer Rodrigo Garcia, il y a une belle histoire et un enchevêtrement digne d'Alejandro Gonzalès Inarritu, producteur du film. Les trois femmes ne se croisent finalement qu'à peine, mais leurs problématiques sont si liées qu'il n'est pas besoin de plus de méli-mélo que ça. Annette Bening est particulièrement touchante; j'ai l'impression de la découvrir une deuxième fois seulement, alors que cette actrice a une jolie filmographie. Naomi Watts a un caractère un peu plus froid, et uniforme, mais son air dur et fatigué, lui sied. Elle montre parfaitement une certaine paix qui l'enveloppe, enceinte. Sans emportement, elle s'illumine. Kerry Washington est celle qui se bat, seule. Le personnage de son mari, tout comme les autres personnages secondaires, pousse Lucy au premier plan, par son silence ou ses mots mesurés. Trois combats sont mis en valeur, et la mise en scène, ou tout élément de la vie d'Elizabeth, de Karen ou de Lucy, donnent une résonance à leurs histoires.


Voilà donc un film sur la maternité, mais pas seulement; c'est aussi une très chouette histoire, et une très belle réalisation.


Mother and child
de Rodrigo Garcia
avec Annette Bening, Naomi Watts, Kerry Washington,...
sortie française: 17 novembre 2010

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