Thursday, July 14, 2011

Blue Valentine, de Derek Cianfrance

Un couple constate, douloureusement, la fin de son mariage. Alors que Dean tente encore de rattraper les morceaux, maladroitement, et vainement, Cindy accepte le fait qu'ils ne s'aiment plus. Un dernier effort pour raviver la flamme réveille au contraire les souvenirs heureux, plus cruels encore face à leur petite tragédie.


Blue Valentine est une romance, qui, sans être totalement noire et tragique, se pose la question du divorce et de la fin d'une relation plutôt que de mettre des paillettes et de l'espoir dans sa vision de l'amour. Pas joyeux, vous allez me dire, mais pas spécialement triste non plus, pour faire simple. Il est agréable de regarder une histoire d'amour dont on connait la fin, et que cette dernière ne soit pas ensuite gâchée par un absurde et incompréhensible retournement de situation, avec pour seul but de plaire aux producteurs, certains que le spectateur préfère largement les happy endings. Voilà donc un film qui ne nous prend pas pour des imbéciles, et aborde son sujet de front, mais non sans sensibilité.


Car, pour mieux percevoir le désastre, les flashs backs des moments les plus heureux sont utilisés de manière, que j'ai trouvé heureuse au début du film, un peu confuse vers la fin. Il est agréable de voir que le réalisateur fait suffisamment confiance à son histoire pour ne pas abuser de procédés lourdauds, tels que le passage en sépia - ou tout autre étalonnage caractérisé - ou qu'un fondu en entrée et sortie des passages du passé; il mise plutôt sur l'humeur de ses personnages pour les situer dans le temps. Il s'aide évidemment de ses décors, et s'appuie sur des lumières: le passé se déroule dans la rue, à l'hôpital, sur le lieu de travail de Dean; tandis que le présent est dans la maison, fermée, dans un hôtel plutôt glauque, à l'ambiance froide, ou à l'hôpital, lieu de travail de Cindy, qui se prête difficilement au glamour et s'agrémente de tenues anti-sexe comparativement à la rencontre de Dean et de Cindy. Les séquences passé/présent s'entrelacent dont étroitement sans jeu de mise en scène; et ces enchaînements sont effectivement facile à suivre, rien qu'en voyant un sourire de Cindy, un regard perdu de Dean. Vers la fin du film, on se perd cependant dans les époques; et mettre plusieurs secondes à parfaitement se situer nous fait malheureusement perdre le fil.


Le sujet du divorce, puisque c'est bien de cela dont il est question - je ne sais pas pourquoi je ne l'ai pas nommé dès le début de mon post... - est aussi abordé, un peu légèrement, mais sans équivoque, du point de vue d'un enfant. L'attachement au quotidien de deux parents est évidemment lié au destin d'une enfant élevée par l'un comme par l'autre. Et la petite Frankie est un personnage extrêmement juste, qui joue inconsciemment de son aura. Au-delà d'une histoire d'amour qui se repasse ses débuts, Blue Valentine se place aussi du côté de celle qui a complété ce couple. Frankie est celle qui réunit ses parents, tout en étant celle sur qui les disputes sont les plus aisées; elle aime autant son père que sa mère; et pourtant, chacun prend à son compte les défauts d'éducation de l'autre, les défauts d'affection également. Et la peur de la petite, coincée entre deux ennemis qui n'osent se déclarer la guerre, joue à la fois le rôle de drapeau blanc et de déclencheur de bataille.


Mais ce sujet encore plus sensible que celui de la fin d'un mariage parasite légèrement la narration; on ne sait trop où se placer, finalement, du côté de l'enfant ou de celui des parents, dans le passé et la légèreté, ou dans le présent et sa tristesse. Heureusement que les acteurs, qui portent à deux le film, sont excellents. Michelle Williams incarne une Cindy un peu exaspérante de sécheresse et de sévérité, alors qu'elle a définitivement tiré un trait sur le bonheur avec Dean. Malgré un rôle agaçant, trop féminin et trop vrai sans doute, qui privilégie la bouderie à l'action, elle est adorable de justesse, autant dans son désespoir que dans ses espérances de jeune fille charmeuse sans même le décider. Ryan Gosling, quant à lui, est un Dean qui manque de séparations entre passé et présent. De bout en bout, c'est lui qui est amoureux, qui décide de changer de vie pour Cindy, qui tente de recoller les morceaux. Malgré un personnage trop pâle donc, l'acteur s'en sort avec brio. Je le découvre d'ailleurs, avec Blue Valentine, Ryan Gosling est loin de l'acteur hollywoodien beau garçon qui joue de ses charmes; d'ailleurs, il est canadien. Également compositeur, musicien, scénariste et réalisateur, c'est la première fois qu'il joue un rôle d'amoureux. Ses autres films le mettent dans des situations plus extrêmes encore, dans la peau d'un néo-nazi (The Believer, de Henry Bean), d'un étrange et gentil psychopathe (Lars and the real girl, de Craig Gillespie), parmi tant d'autres. Acteur discret et charismatique, il a, à seulement 30 ans, une filmographie passionnante.



Blue Valentine a l'avantage de m'avoir fait découvrir cet acteur, que je ne connaissais finalement que grâce à l'excellent Half Nelson, de Ryan Fleck. Pour ce qui est du film lui-même, les sujets sont joliment choisis, manquent cependant d'énergie dans leur traitement. Blue Valentine perd de sa force sur la longueur.



Blue Valentine
de Derek Cianfrance
avec: Ryan Gosling, Michelle Williams, Faith Wladyka,...
sortie française: 15 juin 2011

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