Monday, March 26, 2012

Chacun cherche son chat, de Cédric Klapisch

Vous l'aurez remarqué, je ne suis pas souvent au cinéma ces temps-ci. Vous l'aurez compris, surtout si vous me suivez sur Twitter, je déménage, je ne suis plus qu'un bouquet de nerfs, je ne critique plus rien. Je vis actuellement mon dernier week-end - ce texte a été écrit le dimanche 25 mars, vers 11h le matin - dans mes vingt mètres carrés, vides et nus. Je squatte mon matelas, comme un matelot navigue sur les moutons de poussière. Hier soir, après une nuit blanche d'angoisse, une journée de déménagement - j'ai des amis fantastiques, qui sont tous arrivés en retard, et tous en même temps, puis ont été d'une efficacité remarquable -, une après-midi de détente à la piscine, qui m'a achevée, je n'étais plus bonne à adorer le samedi soir. J'ai donc bullé dans mon studio, entre les murs qui résonnent. Sur mon petit écran d'ordinateur - le vidéo-projecteur est précieusement emballé dans son carton -, accompagné du son pourri intégré à la machine, j'ai regardé, béatement, Chacun cherche son chat, film datant de 1995, d'il y a quinze ans, film de Cédric Klapisch.


On ne peut pas dire que ce soit un excellent film, mais il a l'avantage, en sus de sa jolie nostalgie de compter en francs, de se dérouler à deux pas de mon nouveau quartier, dans lequel je serai effectivement et physiquement, mardi soir. La frêle Chloé, qui partage vers la Place de la Bastille un appartement avec son ami terriblement gay, part une semaine en vacances méritées. Elle laisse son chat à la garde Mme Renée, sur les conseils de la serveuse du Pause Café, qui l'envoie vers la boulangère, qui l'oriente vers le boucher, qui lui dit d'interroger les disponibilités du voisin... pour atterrir chez Mme Renée qui, comme Chloé depuis son appartement en colocation, entend distinctement les coups de la batterie d'un voisin fou de musique. Depuis le Pause Café où Chloé  a ses habitudes, jusqu'à la Place Voltaire, les petites vieilles, poussées par Mme Renée, ratissent le quartier à la recherche du chat de la jeune fille . Point de Gris-gris, mais des rencontres, au fil des errances, viennent égayer la vie de Chloé, quelque peu effrayée par cet emballement du voisinage qui se plie en quatre pour elle et pour son chat.


Ce n'est pas tout à fait mon quartier, de la Bastille à la rue Keller, mais l'ambiance village qui règne là est bien celle d'une petite Paris, où les hostiles effluves, réservées aux touristes et aux provinciaux, n'existent pas. Je suis parisienne pure souche, née même entre les murs de la ville, pas dans une lointaine banlieue au delà du périphérique. Cédric Klapisch, avec Chacun cherche son chat, et déjà avec Le Péril jeune, plus tôt, ou L'Auberge espagnole, plus connu, a le chic pour capter l'atmosphère vraie d'une ville par les yeux de ses habitants qui l'aiment. Ces derniers sont souvent cruels, fermés au monde, voire racistes, mais la même tendresse pour les murs qui les protègent les réunit.


L'histoire de Chacun cherche son chat n'est pas tant celle d'une bête perdue et retrouvée, que celle d'une cohésion anonyme et planquée juste à côté de Chloé. La jeune fille s'attache et rend sa confiance, alors qu'elle était habituée à garder tout pour elle, ses peurs et ses sentiments. L'amour, évidemment, confiance aveugle et suprême, don de soi absolu, sera au bout du chemin et du film. Christophe Honoré a lui aussi le goût de ces histoires sans autre fil que les pas de ses personnages d'une rue à l'autre. Voilà pourquoi sans doute, tout bobo que ses films le donnent à percevoir, j'adore m'y perdre dans les quartiers de Paris et m'enorgueillir de la gentillesse des Parisiens.


Ce dernier weekend, alors qu'internet est coupé chez moi, que le printemps s'annonce et que je ne compte plus retraverser de sitôt la Seine, je décide de passer mon dimanche en vadrouille. L'objectif est de prendre un café, après avoir marché en flânant surtout, m'arrêter seulement à une terrasse ensoleillée. On a changé d'heure, et, même à 11h le matin, les Parisiens dorment encore. Je suis dans un film au public restreint aux frontières de la capitale, que beaucoup méprisent. Il faut dire qu'en restant oisive à la terrasse d'un café quartier St Germain des Prés, Ray Ban sur le nez, et l'air intellectuel plongé dans mon Moleskine, griffonné au bic à l'ancienne, j'ai toutes les caractéristiques d'une Parisienne prétentieuse. Ce texte sera le dernier de la rive gauche, au gré de mon stylo autant que les pas de Chloé hier soir, qui la menaient au hasard.













Chacun cherche son chat
de Cédric Klapisch
avec: Garance Clavel, Zinedine Soualem, Renée Le Calm,...
sortie française: avril 1995

1 comment:

Mingou said...

J'ai une tendresse particulière pour ce film imparfait mais touchant.
La scène finale, surtout, m'avait touchée, cette course folle sur la musique de Portishead...