Monday, March 5, 2012

Martha Marcy May Marlene, de Sean Durkin

Marlene fuit la maison dans laquelle elle vit. Elle redevient Martha en appelant à la rescousse sa sœur, chez qui elle s'installe, le temps de reprendre ses esprits. Durant deux années, elle n'a pas donné de ses nouvelles. Elle était alors Marcy May, prisonnière volontaire de cette maison au style hippie, au sein d'une communauté quasiment auto-suffisante, en apparence idyllique. A la tête du petit groupe vivant là, dans une ferme isolée, Patrick, charismatique et envoûtant, l'a renommée, possédée corps et âme. Alors qu'elle reconnecte avec la réalité dans la tranquille vie de Lucy et de son mari, Martha reste obsédée par l'idée de la revanche de cette secte dont elle a du mal à décrocher.


Martha Marcy May Marlene possède un charme indéniable, à l'image de son sujet, fascinant et dérangeant à la fois. Une secte y est-elle réellement décrite? On se prend presque à rêver, comme Martha, à devenir Marcy May. Car, dès le début du film, en mélangeant l'époque présente quand Marlene redevient Martha chez sa sœur, et des souvenirs, on prend plutôt l'idée d'une image positive de cet endroit d'où elle a fuit. C'est l'histoire d'un début de reconstruction. Même en connaissant la fin - la fuite, forcément due à quelque tragique goutte d'eau qui aurait fait déborder le vase; la peur, la paranoïa d'être rattrapée, et de devoir y retourner... -, le petit groupe avec Patrick à sa tête semble agréable à vivre. Il faut beau et doux dans la ferme. Les tâches sont partagées, chacun avance à son rythme. Chez Lucy au contraire, Monsieur fait du boudin car il ne profite pas de ses vacances, avec cette présence étrangère dans la maison; Lucy se tait et ne questionne pas, par peur ou par pudeur; la communication n'est pas le fort de ce couple, et les règles sociétales le régissent.


Comment ne pas alors comprendre Martha, attirée par la vision d'un autre possible? Au fur et à mesure de ses souvenirs cependant, la véritable nature des relations au sein de la ferme surgissent. C'est plus subtil qu'un gourou faisant les poches de ses fidèles. Patrick manipule délicatement les membres de sa secte, annihilant leur personnalité, supprimant leur instinct de propriété, jusqu'à finalement en faire des marionnettes à sa merci. Pour autant, la vie "normale" ne donne pas envie d'être vécue. Lucy et son mari demandent à Martha de répondre à des conventions sociales qu'elle a oubliées, de penser à un avenir qu'elle n'envisage pas, de répondre à leur norme, et cela sans même tenter de la comprendre. L'écoute, qui manque cruellement dans une société moderne exigeante en terme d'apparences, n'est pas leur fort, et l'idée n'effleure même pas Lucy de demander à sa sœur des explications, une confession, un témoignage.


Plus prosaïquement, et sans même chercher du côté de ces explications profondes et mystiques qui donnent de l'allure à un film, Martha Marcy May Marlene se distingue aussi par la grande douceur de sa mise en scène, en accord avec son personnage principal, magistralement interprété par Elizabeth Olsen. Les souvenirs de la vie dans la ferme de Martha sont mis à jour alors qu'un détail, un son, un mot, un geste, une situation, résonne avec ce qu'elle a vécu là-bas. On passe alors d'un univers à l'autre avec une simple transition, sans chercher à imposer une nouvelle ambiance. Cette dernière est simplement générée par le contexte, et Sean Durkin ne s’embarrasse pas d'explication supplémentaire et factice.


Cohérent dans sa forme, et intelligent dans le fond, il manque toutefois à Martha Marcy May Marlene une petite dose de sympathie pour le spectateur. Lui qui est au courant de la situation passée de Martha, souffre de voir sa sœur Lucy ne pas réagir de la manière la plus basique qui semble être pourtant évidente, et qui ne viendra qu'au final, après avoir poussé Martha à bout: pourquoi Lucy ne parle-t-elle pas, ne voit-elle pas que Martha a subi bien plus qu'une mésaventure amoureuse? Elle a besoin de parler, de ré-apprendre à s'exprimer, et si Lucy n'ose pas la pousser, l'idée lumineuse de confier sa sœur à un tiers médical ne lui effleure même pas l'esprit. Peut-être le spectateur a-t-il trop tôt l'information de la vie au sein d'une secte de Martha, et a-t-il alors du mal à adhérer à la vie, pourtant banale, de Lucy. On ressent une trop grande compassion pour Martha et on ne peut être qu'agacé par les évènements déroulés par Lucy pour sa sœur, à l'opposé semble-t-il de toute réaction logique.


Le film touche donc presque trop bien sa cible, et c'est le seul reproche que je peux lui faire. Tout le reste, du thème, de sa délicatesse et de sa douceur, des interprètes et de la mise en scène, je ne peux qu'en faire des louanges.



Martha Marcy May Marlene
de Sean Durkin
avec: Elizabeth Olsen, John Hawkes, Sarah Paulson,...
sortie française: 29 février 2012

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