Thursday, March 8, 2012

Phobie

Dans mon appartement, j'ai toujours eu un rapport particulier avec les animaux. Pas vraiment un problème, mais une malédiction, du genre inéluctable, du genre à réapparaître périodiquement à certains signes. On s'y attend et on l'attend comme une fatalité.


Le contexte est toujours le même. J'habite dans un petit appartement, on peut le nommer studio, n'ayons pas peur des mots, il n'y a bien qu'une seule et unique pièce. Ces vingt-cinq mètres carrés, écrits en toutes lettres, sont arrangés pour une vie peu sociale. Un quart de la surface est effectivement occupé par la salle de bain. Cela réduit considérablement l'espace pour recevoir. Ajoutez que la porte de cette pièce est vitrée, certes opaque, mais transparente. A côté des toilettes, qui se trouvent donc dans cette fameuse salle de bain, une découpe du mur ouvre sur le salon-salle-à-manger-bureau-cuisine-chambre. Le mur est de pavés de verre, mais certains sont parfois trop pudiques pour aller se soulager. Dans la pièce principale, salon-salle-à-manger-bureau-cuisine-chambre, j'ai préféré installer un lit, un vrai, grand et confortable, plutôt qu'un clic-clac à ouvrir, à ranger, à sortir, à fermer. Le bureau, sur lequel je dois parfois travailler, prend aussi de la place, d'autant que ma geekerie aigüe m'oblige à posséder deux écrans - ok, trois, si on compte le vidéo-projecteur.


Je ne possède donc qu'une petite table pliable, instable - le plancher n'est pas droit - entourée de 2 à 4 petites chaises plastique sur lesquelles peu de gens osent s'asseoir, de peur de les plier un peu trop sous le poids. J'ouvre donc peu ma porte au monde extérieur, même pour un simple café - ha, et je ne parle même pas de ma cafetière à l'italienne, format célibataire-une-seule-personne -, encore moins pour une petite sauterie entre copains amateurs de vin. Et, il se trouve que ma malédiction se révèle juste les rares fois où d'autres que moi prennent place autour de ma table, sur mon lit, dans mon décor. Les animaux alors se rebiffent.


J'ai moi-même combattu durant des mois une invasion de souris. Quand je me suis installée, il y à six ou sept ans de cela, les souris se baladaient joyeusement chez moi et mourraient dans d'atroces souffrances que j'ai honte de leur avoir infligées. C'était la guerre, que voulez-vous. Au bout d'un temps, je crois que les souris et moi, nous sommes arrivées à un certain équilibre. Nous avons chacune trouvé nos places, nos espaces et nos heures de sortie. Elles m'ont laissé la paix, j'ai arrêté de poser des pièges. Puis des gens sont venus, se sont installés plus ou moins durablement et les souris jaillissaient de nouveau de la corbeille à papier. Les gens sont partis, les souris se sont calmées. Puis, un pigeon s'est jeté dans la courette mitoyenne à ma salle de bain et à mon entrée. Le pigeon s'est fait prisonnier sous le filet qui était censé prévenir son intrusion, et qui l'empêchait finalement de sortir. Un chat a squatté la cage d'escalier et fait pipi sur les paillassons. Et d'autres anecdotes du même type.


Cela ne dure jamais que le temps d'une présence étrangère dans mon appartement. Ma théorie est que les animaux expriment leur mécontentement et manifestent dans le désordre notre équilibre rompu par cette agression venue d'ailleurs. La panique passée, ils trouvent de nouveaux repères, ou retrouvent les mêmes, un temps perturbés.


Il y a une semaine à peine, je recevais, contre tous mes principes d'hospitalité, quelques amis. Une araignée est alors immédiatement apparue. Soudainement, magiquement, au beau milieu du parquet, sans se cacher. Aurait-elle été là, si mes amis n'étaient pas venus? J'étais soulagée qu'ils soient là, pour m'en débarrasser et, dans le même temps, j'étais convaincue que, si chacun était resté chez soi, ou si nous étions allés dans un bar ou au restaurant, la bestiole n'aurait jamais été trouvée là. Je suis arachnophobe au point que le mot m'effraie et qu'il me répugne de devoir l'écrire.


Je me souviens de chaque araignée dans cet appartement. A la première, j'ai appelé mes parents. Elle était planquée dans les volets, d'infâmes plaques de fer rouillé qui se plient en trois. Je ne les ai plus ouverts jusqu'à ce que ma mère débarque, quelques jours - au moins quatre - après mon coup de fil affolé. A la seconde bête, une amie qui heureusement travaillait dans le coin est passée prendre l'apéro. Il y en a une que j'ai réussi à noyer sous la douche sans paniquer. Il était trois heures du matin et j'étais un peu pompette, ce qui annihilait ma peur. J'en ai vaillamment mangé une avec le petit aspirateur que je possède. Je n'en ai ensuite pas vidé l'estomac plein de poussière pendant des semaines, au cas où le cadavre en aurait jailli et se serait vengé.


Cette toute dernière araignée était énorme et noire et quelqu'un que je n'ai pas vu, l'a prise dans un papier et jetée dans les toilettes. Je dis la toute dernière car, bientôt, je déménage.


avis aux gens de ma connaissance, donc: dispos le 24 mars? ;)

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