Tuesday, October 15, 2013

Prisoners, de Denis Villeneuve

Les familles de Keller et Grace Dover, et de Franklin et Nancy Birch se retrouvent pour fêter Thanksgiving, entre voisins. Leurs filles de 6 et 7 ans s'éclipsent, et disparaissent. L'inspecteur Loki relâche le principal suspect après une garde à vue qui n'a rien donné, et continue son enquête. Keller, fou de douleur, continue de croire Paul Dano coupable.

Il est plus compliqué d'écrire à propos d'un flm qu'on a aimé, qu'à propos d'un film durant lequel on a le temps de s'interroger et d'analyser. Pourquoi est-ce que je ne rentre pas dans cette intrigue? Est-ce à cause de l'histoire qui ne me touche pas, des personnages dans lesquels je ne me reconnais pas, des acteurs à côté de la plaque, du rythme, de la mise en scène,...? Quelles sont les séquences qui me plaisent plus, celles qui m'empêche d'accéder à l'expérience cinématographique? Prisoners m'a fait jubiler en tant que spectatrice, et du coup, j'aurais besoin de revoir le film pour le regarder avec cet œil plus lointain. Les rouages de cette intrigue policière sont particulièrement huilés, complexes, et construits sur des bases très fortes. Il y a le bon dosage entre l'implication intime des personnages dans une froide analyse policière.


Une galerie de personnages tisse un contexte crédible autour de la disparition d'enfants. Certains tombent dans la dépression et refusent d'arrêter de pleurer, d'autres se mettent en mode automatique et continuent le quotidien. Le scénario laisse ces réactions en toile de fond pour mettre en exergue des comportements particulières. Keller agit de manière désordonnée, impulsive, et semble toucher du doigt la vérité; l'inspecteur Loki, impliqué de manière professionnelle, a des méthodes rigoureuses qui paraissent moins concluantes. Leurs suppositions rebondissent les unes contre les autres pour mener à la conclusion de l'enquête, mais ont aussi un effet révélateur sur leurs personnalités opposées. Cette balance entre le public (l'enquête, dont les médias s'emparent, et que les supérieurs de Loki commentent) et l'intime fait de Prisoners un thriller passionnant.


Si tous les acteurs méritent qu'on leur tire le chapeau, Jake Gyllenhaal entre tous, peut-être parce qu'il a un rôle extérieur à la famille, trop impliquée émotionnellement, habite son personnage de l'inspecteur Loki. Il lui donne, avec ses tics et sa retenue, une intensité, sans interférer dans le déroulement du scénario. Il ne devient pour autant donc jamais le personnage principal et unique de l'histoire; on continue de bout en bout à le voir comme un instrument pour approcher la vérité.


La vérité d'une fiction, c'est antinomique sur le papier (sur l'écran). Pourtant, durant le film, je me suis surprise à m'adresser directement (et intérieurement) à Loki. Un peu à la manière dont les gamins peuvent prévenir Guignol d'un coup de bâton au théâtre de marionnettes, vous voyez le genre? Plusieurs fois, Denis Villeneuve donne quelques secondes d'avance au spectateur, en plaçant dans son cadre ce que le personnage ne saurait tarder à voir... Le spectateur anticipe avec angoisse cette découverte, craignant, sans fondement, que sur l'écran, le personnage passe à côté.


Denis Villeneuve joue aussi avec le spectateur en lui demandant de prendre parti, ou, au moins, de s'interroger. De victime, Keller passe au statut de bourreau. Même s'il convainc Franklin, puis Nancy, est-il juste, est-il un assassin? Le malaise qui naît de cette question sans réponse engage aussi le spectateur dans le film.


2h30 passent en un instant. Je retarde en ce moment même le moment d'aller passer plus de trois heures dans une salle pour aller voir le dernier Kechiche, qui ne passera sans doute pas de la même manière...


Prisoners
de Denis Villeneuve
avec: Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis,...
sortie française: 09 octobre 2013

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