Thursday, October 10, 2013

Robert sans Robert, de Robert Sasia et Clémentine Yelnik

1980, Dernier été, un des premiers films de Robert Guédiguian est aussi le premier film sur lequel travaille Robert Sasia, il est 1er assistant réalisateur. A partir de Ki lo sa? en 1985, Robert Sasia est le monteur de Robert Guédiguian, jusqu'en 2011 et Les neiges du Kilimandjaro (et pour combien de temps encore?). Robert (Sasia) replonge dans quarante ans de rushes et parcourt la filmographie de Robert (Guédiguian) avec l'oeil du monteur, de l'admirateur et de l'ami.

Il n'y a pas qu'à Robert Sasia que Guédiguian est fidèle. Son équipe technique se compose bien souvent des mêmes personnes et ses films mettent en scène trois acteurs: Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin. Ce sont ceux-là que Robert Sasia caresse de l'oeil, les personnages, pas les acteurs, qu'il ne fréquente pas sur les tournages. Il les découvre héros, tour à tour femme, mari ou amant, rôles sans cesse redistribués entre eux. Il les suit et les transforme en jouant des rushes. Robert sans Robert est uniquement construit avec les images des films de Guédiguian; n'y sont ajoutés qu'un pointeur de souris, parfois, sur ces images, ou quelques plans sur le clavier coloré du monteur devenu cette fois réalisateur. Les personnages de Guédiguian deviennent ceux de Robert Sasia.


La voix off qui raconte n'explique pas. C'est à peine si quelques passages explicitent le travail du monteur, parlent raccords dans l'axe ou faux raccord. Les images expliquent mieux par l'exemple: Robert Sasia teste différentes musiques sur les mêmes images, pour leur donner un tout autre ton; il rembobine, change le contre-champ, et l'histoire diffère soudain; le personnage vit et ne meurt plus. Il s'amuse à tout ré-inventer, sans jamais trahir le réalisateur avec qui il a passé toutes ces années.


Les films de Guédiguian sont politiques; les mêmes acteurs reviennent, et aussi les mêmes thèmes (ou la même cafetière, mais c'est plus anecdotique). Ses personnages d'ouvriers vivent à Marseille et rêvent souvent de se soulever contre les patrons. Robert Sasia relève toutes les révoltes, qui évoluent subtilement au cours du temps. Comment réveiller le spectateur en ressassant, dans le fond, toujours les mêmes revendications, et également évoluer avec son temps? Les personnages de Guédiguian vieillissent, Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin s'assagissent. Robert Sasia se tourne résolument vers l'avenir, toujours aussi curieux, après quarante ans, de découvrir les nouveaux visages du cinéma de Guédiguian.


Robert sans Robert
de Robert Sasia et Clémentine Yelnik
sortie française: 02 octobre 2013

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