Wednesday, September 16, 2015

Youth, de Paolo Sorrentino

Fred Ballinger retrouve en Suisse, dans un hôtel thermal, son vieil ami Mick. Fred a pris sa retraite mais est toujours reconnu comme un célèbre compositeur ; Mick est en pleine écriture, à la tête d'une jeune équipe, de son "scénario-testament". L'un et l'autre partagent ou oublient des souvenirs communs, se donnent des nouvelles de leur prostate, et contemplent le temps passé qui se reflète dans l'ennui apparent des clients de cet hôtel figé.


Paolo Sorrentino revient au cinéma anglophone, quatre ans après This must be the place. C'est rigolo car en relisant cette review, j'ai apparemment adoré le film et deux ans plus tard, en écrivant à propos de La grande bellezza, j'avais apparemment un très mauvais souvenir du film. Aujourd'hui... je n'ai plus de souvenir du tout, il faudrait que je revois This must be the place. Je ne suis pas certaine que Youth reste dans ma mémoire comme Le conseguenze dell'amore dont l'introduction reste définitivement gravée dans mon esprit. Ce qui est certain, c'est que je commence (oui, il serait temps, après avoir vu l'ensemble de sa filmo, sept films donc) à reconnaître au premier coup d’œil le style Sorrentino et ce style, quoiqu'il raconte, je l'aime.


Paolo Sorrentino est grandiloquent, et s'appuie sur les paysages verts et vides de la montagne suisse. L'espace sied particulièrement à sa caméra avide de mouvements fantasques et doux, aérés et ouverts. Le réalisateur a un sens du cadre parfait, décalé et souvent ironique, accentué par le rythme qu'il donne au film. Un cauchemar de Fred par exemple, est frontal, brutal, et s'y intercale un gros plan qui souligne une évidence, alors que bien souvent, le rêve se traduit par des plans bancals et des mouvements flottants. Cette manière millimétrée de placer la caméra laisse toujours la place à la poésie, dans la lumière ou le propos, comme lorsque Fred dirige un troupeau meuglant et cliquetant de vaches avec leurs cloches.


L'espace et la précision collent au propos du film, qui pose un regard désabusé sur le temps qui passe et les sentiments qui s'effritent, se dissolvent, ou se dissimulent de mieux en mieux. Perdus dans l'immensité et chacun dans leurs pensées, les clients de l'hôtel cachent leurs réflexions dans un apparent ennui. Mais leur univers interne est riche : un jeune premier travaille un nouveau rôle dur à porter, Miss Univers a aussi un cerveau en plus de la beauté, un couple muet a certainement des choses à se dire... Nos deux héros combattent eux-aussi des démons.


Leur âge, d'abord, et leur santé, a priori défaillante, sont au cœur de leurs préoccupations. Mais la passion est au cœur du propos de Paolo Sorrentino. Celle d'un travail auquel ils ont chacun consacré leur vie, et auquel il leur faut renoncer. Fred a tourné la page mais on continue de le reconnaître comme un grand compositeur et la Reine d'Angleterre elle-même veut le voir à l’œuvre ; Mick s'acharne, alors qu'on ne le reconnaît plus. C'est drôle comme la notion du temps qui passe peut avoir des traitements différents selon les films... La passion, donc, dans le travail et dans la beauté de la jeunesse, aussi. Tout le film tend à révéler un lien tendre et triste de Fred pour sa femme.


Au vide se succède la révélation d'un cœur trop plein, derrière l'indifférence se cache une passion durable. Ces sentiments sont parfois bien cachés et peuvent avoir du mal à nous toucher, mais Paolo Sorrentino a depuis longtemps fait de la beauté sa priorité.


Youth
de Paolo Sorrentino
avec : Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz,...
sortie le : 9 septembre 2015


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