Tuesday, March 10, 2009

Watchmen, de Zack Snyder

Les super-héros 1ère génération, hommes et femmes ordinaires qui ont décidé de singer les masques des voleurs pour pouvoir faire régner l'ordre en outrepassant cependant la justice et les lois, sont vieux et las; la seconde génération de justiciers en costumes a été forcée de prendre sa retraite après une interdiction formelle du gouvernement d'intervenir dans la société. Seul Rorschach ne relâche pas sa vigilance; lorsque que le Comédien est assassiné, il tient à enquêter et à prévenir ses ex-collègues qu'un danger semble les menacer tous. En effet, l'année 1985 voit la 3ème guerre mondiale approcher, à l'issue d'une guerre froide entre les Américains et les Russes, se menaçant mutuellement d'une attaque nucléaire.


Le scénario, malgré sa complexité (inspiré de celui d'Alan Moore), réussit le tour de force d'être limpide. En quelques images d'un générique inspiré, sont résumés la naissance et la mise au rebut des super-héros; la réalité alternative de 1985, où Nixon entame un 5ème mandat; une guerre du Vietnam gagnée par les USA, durant laquelle tout s'est joué grâce au Dr Manhattan, seul super-héros doté de super pouvoirs. Le détail de chacune des histoires personnelles des justiciers sera en temps voulu exposé par des flash-backs. Le réalisateur du film, Zack Snyder sait prendre son temps pour exposer toutes leurs situations; le film pourra alors paraître long, lent, voire, ennuyeux. Cependant, il était indispensable de ne pas bâcler la mise en situation, d'autant que les personnages sont nombreux et que leur passé est lourd. Enfin un blockbuster intelligent qui a plus à offrir qu'un étalage d'effet spéciaux et de combats rapprochés. La psychologie des personnages a son importance (plus encore dans la BD que dans le film, mais ce dernier durant déjà plus de 2h, il aurait été difficile de faire plus); les fanas d'effets spéciaux, de sang et de sexe auront également leur part de gâteau.


La narration du film suit de manière très proche celle de la BD. Si le film s'ouvre de manière plus graphique (la mise en scène du meurtre du Comédien, un combat tout en ralentis et accélérés façon Matrix, mais à mains nues), les grandes lignes de la BD sont reprises. On entend notamment les lignes du journal que tient Rorschach en voix off, tout comme on suit ses pérégrinations par écrit dans la BD. Pour en revenir à la partie violente et/ou grandiose du fil, le réalisateur n'a donc pas occulté cet aspect déjà présent dans la BD. Il en a conservé le kitsch (costumes de lycra pas trop ré-actualisés, vaisseau qui crache du feu lors de l'orgasme de ses occupants fornicateurs,...) et la force visuelle par les couleurs et l'intensité des coups portés. Il a également su transposer avec brio les mêmes éléments graphiques de la BD, notamment le Palais du Dr Manhattan sur Mars, tout en images numériques et en transparences, ou le Dr Manhattan lui-même. Néanmoins, Zack Snyder sait oublier les cadrages de la BD pour offrir une véritable adaptation cinématographique, et non un vulgaire copier/coller de cases dessinées.


Bien entendu, les différences avec la BD sont aussi présentes, et notamment la fin du film. Sujette à controverse, je la trouve tout à fait personnellement intelligente et plausible. De plus, la morale reste la même que dans la BD: les hommes et la Terre sont sauvés d'un danger venu de l'extérieur, et qu'ils ne maîtrisent absolument pas, contre leur volonté et pour leur bien. Quant à l'attaque finale, qui se joue dans plusieurs capitales du monde plutôt que seulement à New York comme l'avait écrit Alan Moore, si elle n'apporte ainsi rien de plus, elle ne dénature pas non plus le scénario original. Certains se plaignent également de la perte d'une histoire parallèle, un film dans le film, qui est originellement une BD dans la BD; cette histoire sera présente sous la forme d'un film animé dans le DVD. Ce dernier contiendra également un faux documentaire sur l'origine des différents personnages. C'est dire si 2h30 ne suffisent pas à retranscrire l'intégralité de la BD.


On ne saurait conclure sans aborder l'utilisation de la musique dans le film. Décriée par certains, adorée par d'autres, elle est certainement présente et extrêmement contemporaine. Encore une fois, totalement subjectivement, il est évident que Zack Snyder a réussi (de peu, avouons-le) à éviter le clip, prestation dont semblent se contenter un certain nombre de réalisateurs et de scénaristes, croyant sans doute cacher en-dessous la misère insipide qu'ils produisent. Ici, la musique aide souvent à la mise en scène, en liant notamment les séquences de flash-back, difficiles à intégrer graphiquement.


L'oeuvre d'Alan Moore et de Dave Gibbons est absolument culte, de part sa grande complexité, son développement extrêmement précis de la psychologie des personnages, sa portée politique, et de son ancrage profond dans une réalité alternative; le film de Zack Snyder ressemble fort à ce qui est une adaptation idéale en un seul film de la célèbre BD.



Watchmen
de Zack Snyder
avec Jackie Earle Haley, Patrick Wilson, Malin Akerman
sortie française: 04 mars 2009

9 comments:

Anonymous said...

Je suis pas mal d'accord sur ton analyse du film =)
Et, concernant la musique, c'est vrai que je l'ai trouvé totalement inadaptée à l'univers de la BD. En sortant, on a constaté qu'à première vue, Snyder avec repris la musique dont Alan Moore faisait mention à la fin de chaque chapitre/ numéro, du comics (enfin on a regardé vite fait donc a priori c'est ça mais pas sûr à 100%..). Mais malheureusement, je trouve que le rendu est très moyen lorsqu'il s'agit de transposer la BD à l'écran, ce qui ajoute parfois une dimension quasi-burlesque à certaines scènes, alors que ce n'est pas forcément l'effet voulu originellement... Un peu dommage donc, pour un film qui, comme tu le dis mieux que moi, est une excellente réadaptation de la BD

SCUDS.TV said...

Très bonne critique, top bien à lire ! Hélas je suis de ceux qui on moderement aimé le film (tu m'a rappelé d'ailleurs à quel point j'ai détesté la scène du vaisseau firejaculateur... digne d'un mauvais spot Perrier), mais merci pour ces quelques lignes.

TheOldCuban de SCUDS.TV

Fanny said...

Aaah, j'aime bien le terme de "ré-adaptation Maria", en effet c'est ce qui convient le mieux! Pour la musique, moi j'ai bien aimé, ça aidait à composer l'univers... Cela dit, je n'ai pas lu la BD, je l'ai juste pas mal parcourue depuis que j'ai vu le film; bref, je ne suis pas une pure et dure, fidèle d'Alan Moore et de Dave Gibbons, mon jugement est donc sans valeur :p

Et la scène du firejaculateur (haha! chouette terme aussi) est dans la BD hein, aussi peu subtile que dans le film... pour moi, la BD est un peu kitschounette, avec ce genre de scène, et les couleurs (ça fait mal aux yeux quand même... et puis c'est le bordel dans les images... non? Aïe, pas taper!) donc dans le film, ça passe également.

Merci de lire ma prose, je la trouve très mal écrite celle-ci, mais y'a trop de choses à dire, donc forcément c'est bordèlique.

Je voulais dire aussi que je n'ai pas aimé la scène du restau entre Dan et Laurie, POURQUOI c'est filmé derrière cette p***** de vitre? Ca ne sert à rien! Pis je déteste quand le son n'est pas raccord avec l'image, si on est derrière la vitre, on entend la rue, la pluie, les voitures, pas la conversation qui se déroule à l'intérieur du restau, de l'autre côté de la vitre!!!!

Et lorsque Rorschach tape le nain dans les toilettes, ok, cool le coup de la porte qui laisse entrevoir leur confrontation. Mais ensuite, il sort, tout le monde s'en va, et la caméra se retourne vers cette porte avec un lent pano pour voir le sang qui s'écoule. POURQUOI est-ce que la caméra pivote? Juste pour nous montrer cette image du sang, totalement injustifiée, on se doute bien qu'il y a eu un saccage. Il aurait suffit d'un regard d'un des personnages vers la porte pour justifier le pivotement de la caméra. Basique tout de même!

Fanny said...

... de "ré-adaptation", Maria...

Unknown said...

Wouaaa un blog de fille qui parle fringues films et geekeries !

Pour ce qui est du traitement de la violence ce film je dirais juste que n'est pas Tarantino qui veut. Je pense à reservoir dogs en particulier.

Mais on devrait pas parler de ça sur Scuds plutôt ??!!

SCUDS.TV said...

Bon ! Puisque mes subordonnés de Scuds se sont exprimés sur Watchmen, à mon tour. D'autant que, argh, j'ai un peu foiré mon intervention sur le film dans Scuds et que je n'en dors plus de la night.

J'en profite pour te dire bravo pour ton blog, ça fait des mois que j'essaie désespérément de trouver sans succès la bonne formule visuelle pour le mien et je trouve que le tien est aussi sobre qu'agréable à lire. Donc rebravo ! En plus t'as l'air plus douée que moi pour la manip des photos.

Pour Watchmen, je ne suis pas vraiment un inconditionnel de la BD d'origine : je n'avais même pas été jusqu'au bout en la lisant voici trois ans, surtout à cause du graphisme que je trouve assez laid (en revanche, l'histoire est passionnante). Je l'ai relue après le film, jusqu'au bout cette fois, et avec un peu de recul, je dirai le film est une excellente adaptation. Et ce malgré ses défauts et ses quelques fautes de goûts (l'abus de "bullet time" matrixien, les prothèses maquillage sur l'acteur qui joue Nixon et le vieillissement tout pourri de Carla Gugino...)

Mes moments préférés : le sublime générique d'ouverture, le meurtre du Comédien, toutes les scènes avec Rorschach (dont celle de son évasion, ça dépote), le monologue du Dr Manhattan avec la musique à l'orgue de Glass, les interventions anti émeute du vaisseau du Hibou, le meurtre de la vietnamienne enceinte par Le Comédien...

Bref, un film "de super héros d'auteur" super couillu et kamikaze commercialement (ses chiffres au box office le confirment hélas), d'autant que dés le début Warner et Snyder savaient très bien que Watchmen ne serait l'affaire que d'un seul film, même en cas de succès. Je dirais juste que peut etre que le film est peut être trop fidèle à la BD, même si ce n'est pas non plus du "case par case" à la 300, et ne parvient pas totalement à s'affranchir de l'ombre écrasante de son modèle.

Bon j'arrête de jacter, encore bravo pour ton blog, je crois que je vais me donner quelques coups de pied au cul pour réactiver le mien...

John Plissken

Fanny said...

Fiou, quelle fierté d'avoir réuni ici 3 Scuds-ers! On va tenter de participer au débat aussi sur votre prochaine vidéo!

Il faut que je lise aussi la BD de bout en bout quand même, ce serait chouette que des gens m'explique pourquoi les couleurs sont aussi criardes dans les comics, y'a de bonnes raisons?

Theoldcuban said...

Je laisserai Phillipe le grand spécialiste es super Héros, en dire plus sur les couleurs des comics, mais aillant quelques connaissances dans le print je dirais que les couleurs criardes viennent du fait qu'à l'origine les comics était imprimés dans des trames très grossières, en CMJK, et que sur une grosse trame t'a pas vraiment une gamme de couleurs très poussé. C'est peut etre aussi que les coloristes étaient des gros flemmards, mais je suppute...

Fanny said...

J'avais bien pensé que les modes de parution des comics devaient jouer là-dedans... Mais alors, pourquoi ne pas ré-imprimer tout cela joliment aujourd'hui??