Joong-ho, proxénète, s'inquiète de voir "ses filles" disparaître. Sans nul doute, elles empochent l'argent qu'il leur avance et fuient avec. Mettant ses qualités d'ancien flic au service de cette enquête, il s'aperçoit que les fugueuses se sont toutes fait la malle après avoir vu un client identifié par les 4 derniers chiffres de son numéro de portable; client auprès duquel il vient juste d'envoyer un de ses employées les plus rentables, Mi-Jin. Malade, cette dernière a même été tirée du lit où elle se reposait, malade, et a laissé sa petite fille de 7 ans seule chez elle. Le fameux ..4885 s'avère être un tueur sadique et sexuellement impuissant. Rattrapé, presque par hasard, par Joong-Ho, il avoue à la police qui le recueille avoir assassiné 12 filles. Tandis que les autorités se démènent pour rassembler des preuves afin d'obtenir un mandat d'arrêt en règle, Joong-Ho, toujours persuadé que l'homme a revendu ses filles, continue à sillonner les rues pour trouver la maison du tueur et retrouver son argent. Seule la fille de Min-Jin, qu'il a récupéré en chemin, pressent réellement qu'il est arrivé quelque chose de grave à sa mère...
Le cinéma coréen se fait beaucoup connaître pour sa violence maîtrisée et son suspens angoissant. Le premier film du réalisateur Na Hong-Jin ne fait pas exception à cette règle. Le film montre parallèlement les courses-poursuites vaines de Joong-Ho, l'air inutilement brassé de la police et la peur de Min-Jin, blessée et ligotée dans la salle des tortures de son bourreau. Les courses-poursuites, il est nécessaire de le noter, ne sont pas après l'assassin la plupart du temps; ce dernier est démasqué, et arrêté, au début du film. Joong-Ho court donc après son argent, après ses employées, il court pour trouver au plus vite la cache de ..4885, car peut-être Min-Jin n'est-elle pas encore morte.
Les "cuts" sont brefs et intenses, les images chocs osent montrer le sang et la saleté. Mais Na Hong-Jin ne choisit pas la facilité des os qui craquent et des corps qui se brisent. La violence qu'il montre n'est peut-être pas tant ragoutante que poignante surtout. En effet, le spectateur n'est jamais confronté à l'image brute d'un crâne écrasé, ni au son stressant d'une ossature désarticulée par la force des coups. Les moments les plus violents sont plus subtiles, moins frontaux, adoucis par une musique classique et par des ralentis élaborés. De même, lorsque la petite fille comprend que sa mère risque de mourir pour de bon, ses pleurs déchirants, ainsi que le silence peiné de Joong-Ho, sont vus depuis l'extérieur de la voiture où les personnages se trouvent; l'oreille ne perçoit alors que la pluie qui frappe la carrosserie.
La bestialité du film, compensée par cette recherche dans l'image, l'est également par les moments d'absurdité du propos. On rit, malgré la douleur. La critique de la police est souvent facile, mais n'est pas ici radicalement peinte en noir ou blanc; le réalisateur nuance de gris, montrant le réel dilemme qui torture les policiers face à la paperasse; ils tentent tout pour coincer ce tueur, et se heurtent avec peine à leur propre administration. On rit, mais on rit jaune aussi parfois, face à cette absurdité; ainsi, lorsque Min-Jin, enfin, parvient à fuir, et appelle la police depuis une petite épicerie, elle retombe entre les griffes de l'assassin, relâché par la police, et qui se trouve en manque de cigarettes sur le chemin du retour. Il est alors même filé par une jeune policière, qui surveille de loin ses pas dans l'espoir qu'ils les mènent au lieu où tous espèrent encore retrouver Min-Jin vivante. La jeune femme attend à l'extérieur de la boutique que son suspect ressorte, alors qu'il est chaudement accueilli par l'épicière, rassurée par sa présence alors qu'un fou rôde et qu'une femme en sang s'est réfugiée chez elle.
Enfin, il y a le personnage de Joong-Ho, dont on apprend par bribes savamment distillées l'histoire. Ancien flic, renvoyé pour proxénétisme, alors que son collègue et complice dans l'affaire conserve sa place, il se reconvertit entièrement dans le trafic de filles. Joong-Ho apparaît d'abord comme un homme plein de rancoeur, un homme amer, qui n'hésite pas à harceler verbalement ses "employées", les tirant de leur lit pour aller satisfaire le client, traitant comme un sous-fifre le garçon qui l'aide dans son commerce. Il a des méthodes abruptes, il est antipathique; persuadé que ses filles ont fuguées sans rembourser leurs dettes, puis que ..4885 les a revendues, sa seule motivation pour attraper celui qui s'avèrera être un tueur est l'argent. Il évolue doucement aucours du film, notamment au contact de la petite fille de Min-Jin; et sa motivation alors pour retrouver la mère de cette dernière devient plus sentimentale.
The Chaser, qui était en compétition l'an dernier dans la sélection officielle, est donc un excellent film à tous niveaux, rappelant étrangement par certaines scènes Old Boy, de Park Chan-wook (une référence, dans la scène où Joong-Ho, au-dessus du tueur, reste immobile un instant, le marteau à la main, avant de frapper?); certains citent également Memories of murder, de Joon-ho Bong, ou A bittersweet life, de Kim Jee-Woon... Les Américains l'ont bien remarqué, et réussiront sans doute à le bousiller, comme ils ont pu le faire avec Infernal affairs, d'Andrew Lau et Alan Mak par exemple, dans un remake où Leonardo di Caprio est pressenti pour le premier rôle...
The Chaser
de Na Hong-Jin
avec Kim Yoon-seok, Ha Jeong-woo, Yeong-hie Seo,...
sortie française: 18 mars 2009
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