Wednesday, September 28, 2016

Bleeder, de Nicolas Winding Refn

Dans les années 90, à Copenhague, Lenny travaille dans un magasin de location de vidéos. Cinéphile introverti, il n'ose pas parler à Lea qui s'ennuie en vendant des burgers. Son ami Leo vit avec sa petite amie Louise. Lorsqu'elle tombe enceinte, Leo prend peur ; le monde dans lequel il vit ne lui semble pas idéal pour devenir père. Par peur de la violence tout autour de lui et en premier lieu incarnée avec le frère de Louise, Louis, Leo perd pied.



Avant Drive, avant The neon demon, avant même Pusher II et III, Nicolas Winding Refn réalise en 1999 le premier film avec lequel il s'affirme en tant que réalisateur (c'est lui qui le dit). Et on trouve effectivement dans Bleeder ces tics de celui qu'on nomme à présent par ses initiales NWF. Alors oui, il y a des filtres de couleurs vives et des fondus au rouge. Aujourd'hui, il enjolive, surjoue avec ses signatures visuelles. A l'époque, Bleeder est une explosion brutale, par laquelle le réalisateur décide de s'affranchir de ses idoles, et d'être lui-même à 100%.


Il y a deux histoires dans Bleeder, celle de Leo et celle de Lenny. Les deux amis se ressemblent par leur manière d'extérioriser de manière inhabituelle leurs émotions. Lenny est le double du réalisateur, d'autant plus que Lenny cherche à séduire Lea, alors que NWR démarre une relation avec l'actrice qui l'incarne. La douceur et la maladresse extrême de Lenny, qui ne devient volubile que pour lister interminablement des titres de films et de réalisateurs, provoquent un malaise mêlé de tendresse. Lenny et son patron, qui tient le vidéo-club, organisent des projections ; sont privilégiés les films d'actions, et en arrière-plan se déroulent combats, à la main ou à l'arme de poing. C'est dans ce contexte asocial qu'est nourri Leo d'images réelles et fictionnées.


Lenny raconte donc la vie privée du réalisateur, et Nicolas Winding Refn développe son imaginaire avec le personnage de Leo, dans une spirale de violence qui s'insinue par l'extérieur, et contamine Leo. Dans la scène qui fait basculer le personnage, un espace confiné, des mâchoires qui explosent, sur la base d'une broutille (raciste, la broutille, quand même) permettent à Nicolas Winding Refn de saturer l'écran de ces fameuses couleurs qui le caractérisent. L'impression de mise au pied du mur qui en découle est extrême. En contre-partie, la résolution de l'histoire de Leo se fera dans des cadres larges, où l'espace le laisse isolé, mais avec une seule voie d'issue (l'usine, la rue, face à Louis).


Bleeder est, contrairement aux derniers films de NWR qui l'ont fait connaitre, resté tout d'abord confidentiel. Nul doute que la notoriété du réalisateur fera aujourd'hui mieux passer la violence de son deuxième film et comprendre d'où il vient, pour expliquer ses tics d'aujourd'hui.


Bleeder
de Nicolas Winding Refn
avec :  Kim Bodnia, Mads Mikkelsen, Rikke Louise Andersson,...
sortie le : 26 octobre 2016 (inédit en France, produit en 1999)

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