Tuesday, February 9, 2010

In the air, de Jason Reitman

Ryan Bingham est licencieur professionnel. Des entreprises louent ses services pour qu'il se charge du sale boulot, celui de virer les employés et de prendre dans la figures leurs pleurs, leur colère et leur incompréhension. Ryan aime son job; bonimenteur avéré, il prend avec distance les problèmes de ces personnes auxquelles il enlève leur raison de vivre, sans ressentir la moindre culpabilité. Son travail lui permet de voyager, et il accumule les miles en caressant le rêve de devenir la 7ème personne au monde à en avoir assez pour obtenir une carte de fidélité d'exception et de s'asseoir un instant à côté du pilote. Sa maison est dans les aéroports; il enchaîne les discours dans lesquels il vante les mérites de se détacher des choses comme des gens. Son bonheur risque cependant de passer à la trappe alors qu'il apprend qu'une jeune fille révolutionne son entreprise, et, grâce aux miracles de la technologie, propose de sédimentariser les licencieurs. La jeune Natalie part pour un dernier voyage aux côtés de Ryan, pour se familiariser au terrain. Non contente de changer la façon de travailler de Ryan, elle va aussi s'immiscer dans sa vie personnelle, et le faire reconsidérer une relation occasionnelle qu'il fréquente entre deux aéroports...


Ce film, plein de bon sentiments, est le troisième du réalisateur après Thank you for smoking, et Juno. On se souviendra que j'ai déjà détesté Juno, une bonne déception de 2008. Tout ce que je reproche à Juno revient dans In the air. On n'y trouve pas de rythme, autre que celui, ronflant, soporifique, des allers et retours dans des aéroports. Où est le pic d'adrénaline, la montée en puissance des sentiments, la puissance des caractères? Le tempo reste désespérément linéaire, quasi horloger. Les villes défilent, toujours introduites de la même manière, par un plan vu d'avion, le nom de la ville inscrit en gros caractères sur l'écran. Un nouveau chapitre s'ouvre, sur une série feuilletonante. Les personnages ne sont jamais extrêmes, toujours modérés, et c'est peut-être le grand tort de Jason Reitman: il n'ose pas haïr ou aimer à la folie ses personnages.


Ryan, malgré un job détestable, inhumain, malgré ses idées égoïstes, reste un grand charmeur. Il paraît sympathique dans son travail, sachant répondre avec justesse à la détresse des employés qu'il vire pourtant froidement; son manque d'attachement aux choses matérielles est assez positif; et son refus d'attachement sentimental passe pour de l'indépendance plutôt que de l'insensibilité. Au contraire, la gentille Natalie ressemble à un monstre, à vouloir licencier les gens par écran interposé. C'est elle qui refuse le contact personnel. Son doux rêve de prince charmant et de vie de femme de maison n'est pas mignon, mais niais. Et pourquoi s'applique-t-elle à saboter l'équilibre de Ryan, à lui imposer ses idées, et le schéma de vie, basique, qu'elle a choisi pour elle-même? 


Le mariage, les weekends à la campagne, les deux enfants, un garçon et une fille, le chien et le poisson rouge, voilà la vie idéale selon bien des couples. C'est aussi le rêve de la sœur de Ryan, qui appelle son frère à la rescousse lorsque son futur mari est pris de doutes juste avant la cérémonie de mariage. La scène dégouline de bon sentiments, car, bien entendu, à se fouiller les méninges pour trouver des points positifs sur la vie à deux, Ryan finit par en trouver... et s'en convaincre en même temps que le fiancé. On touche pourtant, dans le film, des points sociaux sensibles: l'économie qui flanche, les licenciements abusifs, inhumanité de la modernité technologique; loin d'être corrosif, Jason Reitman oublie de s'appesantir sur ces thèmes essentiels, et fait à la place l'éloge du conformisme, des valeurs traditionnelles.


Du cynisme, s'il vous-plait, Monsieur Reitman!


In the air
de Jason Reitman
avec Georges Clooney, Anna Kendrick, Vera Farmiga,...
sortie française: 27 janvier 2010

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