Tuesday, April 27, 2010

La comtesse, de Julie Delpy

Elizabeth Barthory a été élevée pour résister et grandir noblement et richement, insensible à la mort et aux épreuves de la vie, imperméable aux sentiments; mariée très jeune, à un homme toujours en guerre pour son pays, elle devient également veuve rapidement, après avoir donné trois enfants à son mari. A la tête d'une grande richesse, Elizabeth ne laisse pas son statut de femme l'abaisser aux yeux du roi. Ayant toujours géré la fortune et les terres de son mari, elle compte bien continuer ainsi, à envoyer ses soldats combattre inlassablement pour le roi, et ne pas se laisser marcher sur les pieds par ce dernier, qui conserve des dettes envers elle. Elizabeth, veuve, devient un bon parti; Gyorgy Thurzo souhaiterait la faire sienne; mais Elizabeth offre son coeur, pour la première fois de sa vie, au fils de Gyorgy, Daniel; jeune, élevé loin de la cour, il l'attire par sa pureté, et son innocence. Gyorgy, cependant, refuse cette union; il éloigne son fils d'Elizabeth qui se sent alors trahie, et se laisse envahir par les sentiments. Elle se voit alors vieille et défraichie, répugnante face au lisse Daniel. Après un malheureux incident, elle se met en tête que le sang de jeunes filles vierges redonne jeunesse à sa peau. Ses seules faiblesses, l'amour qu'elle porte à Daniel et sa fascination pour la sorcellerie dont on accuse son amante et amie Anna Darvulia, la poussent à rechercher dans le sang une vitalité et une beauté perdues, pour reconquérir un jeune homme dont elle ne sait pas que le silence est forcé par son père qui détourne ses missives. Commence alors un massacre dont les jeunes filles de son entourage, puis de tout le voisinage, sont les malheureuses victimes.


Julie Delpy incarne cette comtesse, dont l'histoire est réelle. Associée au comte Dracula, Elizabeth Barthory vit dans le même château reculé, dans un pays sauvage et toujours embrumé. Les assassinats dont elle est la commanditaire se comptèrent par centaines, et elle finit emmurée dans son propre château, condamnée par le roi, qui stoppa ainsi un massacre sans nom et le remboursement de ses dettes. Etrange et fascinante, la comtesse Elizabeth Barthory de Julie Delpy séduit autant qu'elle répugne. Comme le sadisme auquel elle s'adonne auprès d'un amant masochiste, pour trouver réconfort après la perte de Daniel, ses idées et manières repoussent tout en gardant ce parfum d'interdit et de magique qui attire.


La réalisatrice commence par de brèves scènes, trop brèves d'ailleurs, et concises, explicitant un peu trop l'enfance de la jeune Elizabeth, à laquelle on apprend à regarder la mort en face, qu'on éduque à avoir l'esprit suffisant pour régner sur un domaine. Cet avant-propos se présente sous la forme d'une succession de saynètes, dont les dialogues sont directs et instruisent sur la personnalité de la future comtesse. On oublie quelque peu, après le générique, cette mise en scène trop succincte, au profit d'une histoire plus fluide mais toujours aussi froide. Les décors et l'époque contribuent à ce climat gelé; les châteaux sont faits de larges pierres, les robes sont à col montant, les cheveux sont tirés, les sentiments absents. On comprend alors facilement la chaleur qui envahit Elizabeth alors qu'elle se sent séduite par un jeune homme dont les poses enfantines et la peau grasse, lui montrent un univers inconnu, à elle, qui a toujours été prête à faire face à toutes les situations.


Ces éléments parfaitement mis en place, la suite est aussi logique et compréhensible. Ouverte aux sciences, Elizabeth se montre curieuse envers ce que l'époque nomme sorcellerie; d'autant plus que la jolie sorcière qui est son amie comble également ses besoins sexuels, alors que son mari est toujours absent. Les sentiments, toujours refoulés, qu'elle découvre auprès de Daniel, associés à cette ouverture d'esprit envers les forces de la nature et de l'humain, font d'Elizabeth la candidate idéale pour devenir une comtesse Dracula. Sans mise en scène dramatique, ni cris à outrance, Julie Delpy se sert du climat froid, et de ce personnage puissant, installés depuis le début du film, pour montrer la folie, la mort et le sang dont se repaît amèrement Elizabeth. Julie Delpy reste dans le classicisme pour créer une atmosphère parfaitement morbide et terrifiante, et brosser un portrait sans chichi d'une comtesse tristement célèbre.


Efficace donc, le film pourra séduire ceux qui sont adeptes de magie noire comme d'Histoire; et repoussera tous ceux dont les ambiances malsaines et la bizarrerie humaine mettent mal à l'aise.


La comtesse
de Julie Delpy
avec Julie Delpy, Annamaria Marinca, Daniel Brühl,...
sortie française: 21 avril 2010

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