Thursday, January 19, 2012

J. Edgar, de Clint Eastwood

John Edgar Hoover a été le premier directeur général du FBI, nommé Bureau of Investigation à l'époque, en 1924. Le jeune J. Edgar est ambitieux, volontaire, idéaliste; il croit en son pays, et en ses compatriotes. Les méthodes qu'il met en place, et qui perdurent durant les 48 années de son "règne", sont controversées, aujourd'hui, mais déjà à l'époque. Vivant avec sa mère, et dans une relation platonique avec sa secrétaire, Helen Gandy, ainsi qu'avec son bras droit, Clyde Tolson, J. Edgar Hoover consacre tout son temps à son travail, et à la sécurité de son pays, exterminant les communistes, mettant à son service les scientifiques pour déceler les empreintes, remonter les pistes en partant d'un bout de bois sur un lieu de crime, fichant chaque Américain et chaque étranger mettant le pied sur son territoire.


Clint Eastwood se montre toujours extrêmement classique dans sa mise en scène, au moins autant que son personnage est lui aussi rigoureux dans son travail et dans sa vie. J. Edgar Hoover cache un lourd secret derrière le masque de la discipline. Clint Eastwood dissimulerait-il lui aussi un vice caché? L'histoire de J. Edgar Hoover se lit dans les livres d'Histoire américains; il a vu défiler nombre de présidents, et mit en place une structure telle qu'on la connait aujourd'hui derrière le sigle du F.B.I. Clint Eastwood choisit dans cette exceptionnelle carrière quelques morceaux, pour la parcourir en entier. Environ cinquante ans défilent alors sous trois chapitres: la relation mère/fils, la sexualité de J. Edgar Hoover, l'affaire Lindbergh. Ces chapitres ne viennent pas successivement s'afficher à l'écran, mais réduisent le travail de J. Edgar Hoover et toute la polémique sur ses méthodes à de grandes lignes où intervient peu la politique et plus l'aspect très personnel de sa vie.


J. Edgar Hoover revient lui-même sur sa vie, la dictant avec ses mots à un journaliste gentiment chargé de taper les lignes sans les commenter. Si la structure du récit de Clint Eastwood est donc basique et un peu ennuyeuses - les incursions en flashbacks, sans cesse relancées par ce que veut raconter J. Edgar au crépuscule de sa vie, sont un procédé facile et sans originalité -, Clint Eastwood tire néanmoins bien parti de la subjectivité de son narrateur. Effectivement, tout est retranscrit via l’œil d'un homme qui se retourne sur son propre passé, sur ses erreurs et ses succès. Il n'est donc pas certain que la vérité soit dite; ni même que J. Edgar Hoover ment; mais l'objectivité du propos n'est clairement pas présente.


Alors que les débuts du Bureau of Investigation sont de l'ordre du politique et que les méthodes de J. Edgar Hoover - fichage systématique, paranoïa du communisme, expulsion des citoyens non américains,... - trouvent des retentissements dans l'actualité des années 2000, Clint Eastwood choisit de ne traiter en détail que l'affaire Lindbergh, du côté des innovations techniques mises alors en place pour mener l'enquête. On s'attarde lourdement sur un improbable geek de la planche de bois, censé prouver la cause scientifique de ses recherches alors qu'il se démène bêtement en caressant du doigt des nœuds de bois, pour un résultat probant. Il me semble que c'est une erreur d'avoir laissé le scénario se concentrer sur tout autre chose que la vie publique de J. Edgar Hoover, alors que le contexte a forcément défini ses choix personnels. Il ne sera que brièvement évoqué ses relations avec les différents présidents des Etats Unis, avec le monde chatoyant des stars. On ne verra de lui que sa triste et pesante mère, et son amour platonique avec une secrétaire attachée malgré elle au bonhomme, et avec Clyde Tolson dont on ne comprend pas non plus l'affection.


J. Edgar Hoover ne mérite pas ces amours sans concrétisation. Même une simple amitié semble de trop pour lui. Qui, effectivement, peut vraiment trouver de bonne compagnie un homme que Clint Eastwood montre uniquement attaché à son travail de manière obsessive, ses fiches et ses rangements de maniaque, et qui vit fusionnellement avec sa mère jusqu'à la fin de celle-ci? La spontanéité de la jeune secrétaire peut vaguement faire comprendre son premier mouvement d'attirance, mais rien n'explique ensuite qu'elle reste pieds et poings liés à son bureau; un désir physique peut faire comprendre celui de Clyde Tolson, mais son ambition et sa joie de vivre ne collent pas avec sa soumission. Quant à la relation de J. Edgar Hoover avec sa mère, elle est poussive et s'analyse en trois plans sans avoir besoin de psychanalyste ni de s'attarder 137 minutes sur le sujet.



Abordé comme tel, J. Edgar Hoover est un personnage triste à mourir qu'on n'aime pas voir au cinéma. Son âme grisâtre est encore soulignée par une photographie du film tout en noirs profonds, qui dissimulent les traits grimés d'un Leonardo di Caprio efficace en jeune garçon, mais douteux sous son maquillage de vieil homme, avec son débit de paroles monotone et un regard que la post-production aurait du effacer un peu.


Ses derniers films ne sont pas du grand Eastwood tel que le réalisateur peut l'être, et l'a prouvé récemment avec Gran Torino ou Invictus. Eastwood a le style, l'élégance, du grand cinéma, mais se trompe parfois de sujet malheureusement.


J. Edgar
de Clint Eastwood
avec: Leonardo di Caprio, Naomi Watts, Armie Hammer,...
sortie française: 11 janvier 2012

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