Maria Enders est en route pour accepter un prix pour celui qui l'a découverte vingt ans plus tôt; elle doit ensuite rejoindre l'auteur et cinéaste à Sils Maria où il vit loin des mondanités. Wilhelm Winkler se donne la mort juste avant la cérémonie. Dans la douleur du deuil, Maria accepte un rôle qu'elle ne sent qu'à moitié et s'installe à Sils Maria, dans la maison de l'auteur, pour répéter le rôle de la pièce qu'elle a joué à 18 ans. Sauf que cette fois, elle fait face au rôle de la jeune Sigrid et interprète Helena, une femme d'âge mûr conduite au suicide par Sigrid. Maria se fait accompagner, comme toujours, de sa jeune assistante...
... et la réalité rejoint facilement la fiction. Maria Enders a du mal à accepter son âge et à passer à autre chose, cet autre chose étant un rôle de femme mûre, sur scène et dans la vie. Alors elle rit trop fort, elle a des emportements et des mouvements brusques. Mais elle a de l'expérience, même sans le vouloir, elle réfléchit ses rôles, s'investit. C'est une excellente actrice, c'est ce que toute actrice devrait faire avant un rôle. C'est Juliette Binoche avec son énergie, sa force d'actrice et son talent énorme.
Face à elle, Valentine, sa jeune assistante, prend son travail au sérieux et donne son opinion, parfois naïve mais toujours franche. Sa jeunesse lui dicte ses paroles et elle abandonne parfois son rôle pour aller flirter avec les garçons sous l'oeil un peu jaloux de son employeuse. Bref, Juliette Binoche est Maria Enders, qui est Helena et Kristen Stewart est Valentine qui est Sigrid. Si Olivier Assayas avait assumé d'enfoncer des portes ouvertes, il aurait aussi mis plus de tension sexuelle entre ses actrices mais curieusement, à part quelques gestes maladroits, la transgression ne vient pas.
Celle qui doit reprendre le rôle de Maria Enders jeune dans la pièce de Wilhelm Winkler n'a que quelques scènes et ce peu de présence à l'écran démontre le manque de consistance du personnage. Il fallait une Sigrid et Chloë Grace Moretz, était sans doute dans le coin. Celle qui trouble Maria Enders est Valentine; une deuxième Sigrid, l'ingénue Jo-Ann Ellis, n'est qu'un pâle doublon.
Les trois actrices donnent tout ce qu'elles ont. Juliette Binoche est comme d'habitude formidablement belle et s'offre entièrement; Kristen Stewart, dont je n'ai jamais vu aucun film, joue tout en retenue et donne à son personnage des caractéristiques extrêmement subtiles (on sent la grosse bosseuse qui s'investit physiquement même dans les détails); Chloë Grace Moretz est une charmante égoïste, qui prend parfaitement toute la place sur l'écran alors que son rôle est ridicule.
Tant de talents et un scénario brutal, une mise en scène sans inspiration (hello! le plan trop long sur l'herbe sèche qu'on sait qu'il va revenir plus tard tant sa banalité le rend curieux) détruisent le bel investissement des actrices. Sils Maria m'a vaguement rappelé cette règle n°14 énoncée par Kai W. dans une vidéo de Digital Rev:
la vidéo complète ici, c'est hilarant: clic clic
Olivier Assayas se focalise sur les différentes versions de lecture de la pièce et du film: et si Helena et Sigrid n'étaient qu'une seule et même personne? Et si Maria Enders et Valentine ne faisaient qu'une également? Et si Sigrid était Jo-Ann Ellis, alors la femme de son amant serait aussi Helena? Et si Sigrid ne mourrait pas et disparaissait simplement dans la montagne? Tous ces schémas sont simplistes. J'aime quand je dois réfléchir (un peu) à propos d'un film, pas qu'on me l'offre décortiqué, cuit et prémâché et qu'on n'y rajoute rien parce que les entrelacs des possibles théories semblent suffisantes pour faire une histoire.
Sils Maria
d'Olivier Assayas
avec: Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz,...
sortie française: 20 août 2014
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