Tuesday, March 15, 2011

Never let me go, de Mark Romanek

 Kathy est maintenant, à l'âge de 28 ans, une Accompagnatrice. Replongeant dans son enfance, elle se rappelle comment elle en est arrivée là, depuis son éducation stricte et protégée au sein du pensionnat de Hailsham où elle a grandi avec sa meilleure ami, Ruth et le jeune Tommy, garçon perturbé et attirant. Les trois enfants ont grandi pour former un étrange triangle amoureux, bancal, au sein duquel Ruth et Tommy forment un couple peu accordé. Ce qui les relie tous trois, c'est la perspective d'un destin commun: ils ont été conçus par clonage, et élevés dans le but de faire don de leurs organes jusqu'à ce qu'ils décèdent; jusqu'au bout cependant, ils gardent l'espoir de retarder cette mort par la preuve d'un amour véritable.


Au premier abord rebutée par l'esprit romantique qui plane sur ce pitch, j'ai été néanmoins attirée dans la salle de cinéma par une atmosphère de science-fiction autour du thème du clonage et d'expérimentations médicales. La présence de Carey Mulligan, jeune actrice propulsée sur le devant de la scène par Une éducation était aussi un atout. Au final, peu de SF, beaucoup de romance, et une Carey Mulligan toujours excellente mais dont le rôle diffère peu de ceux qu'elle a l'habitude d'avoir; bref, une déception.


Le scénario, développé sur la base d'un roman du britannique Kazuo Ishiguro, situe l'action non pas dans le futur, mais se construit sur le passé de Kathy, comme un immense flashback. Le monde aurait alors connu un autre destin que celui que l'on connaît aujourd'hui dès les années 1900. On retrouve donc, plutôt qu'une ville ultra-moderne, des voitures volantes ou des créatures à trois bras, une campagne omniprésente, de vieux tapis usés, des boiseries qui grincent. A la fois intemporel et passéiste, le décor crée une ambiance certainement plus propice aux chagrins qu'à  l'excitation d'une médecine révolutionnaire. Dans les dialogues, on retrouve ce scénario de science-fiction dissimulé derrière des termes simples agrémentés d'une majuscule - sur les sous-titres, la majuscule est bien là, mais elle s'entend aussi dans le ton de la voix - telle qu'Accompagnateur, Donneur, Original, etc... On ne saura jamais à quoi ces termes se réfèrent exactement, tout comme il nous saura impossible de définir si cette évolution médicale est un bien ou un mal.


Les enfants élevés à Hailsham ne connaissent pas leur destin, mais même une nouvelle professeure les regarde d'un air de dégoût et de pitié mêlés. Une fois grandis, les organes sur pattes sont jetés dans la nature sans interdiction de fumer, boire du café ou faire un tour de karting ou l'amour sans préservatif, comme si leur éducation protégée les empêchait de dégrader leurs précieux corps. Kathy, Tommy et Ruth demeurent timidement patauds, tout en philosophant sur leur condition de médicaments vivants. Ils refusent leur destin et ne tentent rien pour s'y soustraire, souffrant en silence, comptant sur l'amour pour les sauver, alors que même l'amour qu'ils font est faussé. Les personnes qu'ils croisent les regardent avec ce même air de pitié comme s'ils allaient mourir demain, et ne refuseront cependant pas d'être transplantés et sauvés si un accident leur survient. Quel intérêt y a-t-il à faire grandir des clones puis les jeter dans le monde, si tous les rejettent et les regardent d'un drôle d'air? Autant les garder dans des usines, les élever en batterie, et dans un décor aseptisé, ça aurait tout de même plus de gueule sur l'écran de cinéma.


A l'hôpital, c'est la même atmosphère fade et usée qui domine, sans médecins pressés, sans désinfection, sans ouate pour ces organes qui vont servir à en sauver d'autres. Les non-dits, les les demi-mots sont étouffants, les larmes refoulées de chacun lassants... Never let me go joue trop le mystère et finit par ne plus avoir de propos, juste des visages angoissés et tristes.



Never let me go
de Mark Romanek
avec: Carey Mulligan, Andrew Garfield, Keira Knightley
sortie française: 02 mars 2011

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