Friday, May 24, 2013

Le passé, d'Asghar Farhadi

Ahmad revient d'Iran pour divorcer officiellement d'avec sa femme, à Paris. Depuis leur séparation, ils se donnent peu de nouvelles. Ahmad ne sait pas qu'il débarque en plein chaos: Marie veut se remarier, avec Samir, que sa fille déteste; si son autre fille vit bien la situation, le fils de Samir, lui, a du mal à comprendre, d'autant que sa mère à lui est bien vivante... dans le coma cependant, après une tentative de suicide manquée. Ahmad se retrouve au milieu de cette famille en recomposition, sans lien avec personne, autre que l'attachement qu'il a un jour porté à Marie.

Asghar Farhadi a été une révélation de ces dernières années, avec Une séparation. Il est un cinéaste thérapeute, et plonge au coeur des problèmes actuels du couple, et de la société. La famille à laquelle il s'attache cette fois-ci est moderne et simple: mille fois, elle a implosée, et ses membres se sont réunis, pour se détacher de nouveau. Le réalisateur jongle entre trois personnages principaux: deux femmes, Marie et sa fille, et un homme entre elles deux, Ahmad. Ahmad, le médiateur, n'est défini que par ce rôle. Il n'a pas d'histoire autre que celle vécue avec Marie, et sa vie en Iran est lointaine, tant par la distance que parce qu'elle n'est pas racontée. Les vies de Marie avec Samir, ou leur vie commune, plutôt, prend toute la place. On en apprend les débuts, la rencontre, on espère avec eux un avenir possible.


La jeune Lucie imagine un futur sombre pour sa mère et son petit ami. Cette peur de voir de nouveau sa famille éclater fait grimper toutes les tensions. Lucie garde en elle ses ressentiments, mais son angoisse silencieuse permet aussi aux membres de sa famille de s'interroger sur eux-mêmes: sont-ils certains de leurs décisions, valent-elles la peine d'être soutenues, au risque de voir Lucie brisée? Ahmad, placé en témoin, possède le même oeil que celui du spectateur: il tente de dénouer les fils et d'apaiser tout le monde. 


Comme dans Une séparation, un petit geste, dissimulé par Lucie, canalise le déroulé du scénario. Ca aurait pu être un geste sans conséquence, mais l'avenir, finalement, dépend de ce qu'elle cache. A partir de ce moment-là, on perd le fil. Trop de personnages, qui ne se parlent pas et réduisent à néant toute tentative d'avancée, trop de disputes, et trop de coupables: Lucie prend la responsabilité des cris et des pleurs; puis ça retombe sur le dos d'Ahmad, pour revenir entre les mains de Marie et de Samir... Il n'y a évidemment pas de véritable coupable, et chacun a sa part de torts, mais finalement, du côté du spectateur, on finit par voir le mal partout et dans chacun; aucun des personnages ne s'envole vraiment pour permettre d'expier pour les autres.


Dans ce foutoir, il reste une manière de filmer unique d'Asghar Farhadi. Il réussit à créer un décor aussi alambiqué que sa situation, et fait pourtant ressortir clairement les visages et les tourments de ses personnages dans une image chargée, surdécoupée par des cadres de portes, de fenêtres, interrompue par une table, un pot de peinture renversée à enjamber. Une sensation de chaleur et de proximité se dégage de ces images, tout autant qu'une bizarre impression d'avoir à faire de l'ordre... un petit coup de balai dans le scénario, peut-être?



Le passé
de Asghar Farhadi
avec: Bérénice Béjo, Ali Mosaffa, Tahar Rahim,...
sortie française: 17 mai 2013

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