Wednesday, October 13, 2010

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, de Woody Allen

Helena voit sa vie aller à vau-l'eau. Son mari, après quarante ans de vie commune, la quitte. Elle trouve réconfort auprès d'une voyante, indéniablement positive. Sa fille ne croit pas vraiment à cette thérapie, mais enfin, si cela lui fait du bien... Évidemment, elle préfèrerait ne pas l'avoir sur le dos tout le temps, mais c'est sa mère qui paie le loyer! Tandis que son mari bave sur la jolie voisine d'en face, qu'il mate par la fenêtre, Sally succombe peu à eu au charme de son patron; la vue de son père, Alfie, remarié avec une pute blonde qui a son âge, deux fois sa longueur de jambes et trois fois la grosseur de ses seins, la pousse encore à mettre son mariage avec Roy écrivain raté, en danger. Helena, quant à elle, diffuse les paroles de sa voyante, et vit dans son monde d'illusions.

Des vies partent sérieusement en cacahuète, dans le dernier Woody Allen. Et chacun s'acharne dans sa déception, tapant toujours plus sur les nerfs de son partenaire, de son entourage. Un peu cynique, ce thème tente une excursion du côté de l'humour noir, alternant scènes de désarroi et blagues potaches, incluant pour la plupart Charmaine, prostituée blonde et naïve. Ces efforts me font à peine sourire, mais le réalisateur montre tout de même un réel engouement pour l'absurde, moins évident que dans certains de ses premiers films mais plus présent que dans un Match Point, ou dans un Whatever works. Au final, comme nous l'assène la voix off, au cas où notre cerveau n'aurait pas capté le message, il vaut peut-être mieux vivre dans nos rêves que dans la réalité. Moi, du moment qu'il y a un message, je ne trouve pas cela mauvais. Mais enfin, Woody Allen prend-il à ce point les spectateurs pour des imbéciles pour assener son discours de manière aussi évidente?


Woody Allen est égocentrique, on le lui pardonne souvent. Quant il se met en scène, ses gesticulations peuvent être drôles; ses prises de parole face caméra font partie de son personnage. Dans Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, Woody Allen ne fait pas l'acteur; mais il ne peut s'empêcher de s'adresser directement au spectateur, pour expliquer sa démarche, souligner son propos, expliquer ses images. La voix off - le discours du narrateur/réalisateur - ouvre le film, le conclue, et intervient pour passer d'un personnage à l'autre - procédé simpliste pour éviter de trouver une astuce de scénario, de réalisation ou de montage pour faire passer une ellipse de temps ou un changement de lieu. En plus de cela, le générique début du film utilise la chanson When you wish upon a star (Pinocchio). Voyez vous même:

When you wish upon a star
[...]
Fate is kind

Quand vous priez la bonne étoile
[...]
Le destin est clément

D'un bout à l'autre, le message est ressassé, par la musique, la voix off et, évidemment, par les histoires de vie des personnages. Un tout petit peu lourdaud à mon goût.


S'il y a un fond - qui saute au visage, mais qui donne indéniablement un bon point à ce réalisateur encensé -, la forme ne contribue pas à la renommée de Woody Allen; ou alors, pour de mauvaises raisons. J'ai l'impression qu'il est de bon ton d'apprécier cette mise en scène uniquement pour sa signature, alors qu'elle cumule les effets de mauvais goût. Les transitions sont largement aidées par la voix off ainsi que par de longs fondus enchaînés ennuyeux. Le réalisateur ne cherche en effet pas à lier les évènements, et n'a pas non plus le cran de sauter de l'un à l'autre en cut. La musique, comme souvent chez Woody Allen, est jazzy, illustrative, cartoonesque; elle comble les moments de déplacement, et donne un drôle d'effet bonhomme au film.


Quelques scènes valent le déplacement cependant, grâce au jeu d'acteur et un peu plus de sobriété de mise en scène. Ainsi, Sally avouant enfin son attirance à son patron, alors qu'elle sait que celui-ci, après peut-être un instant d'attraction partagée, couche finalement avec une de ses amies, est enfin une scène savoureuse. Les réponses du patron, maladroites, incongrues, face à la candide franchise d'une Sally qui n'a plus rien à perdre sont servies par un simple champ/contrechamp qui fait mouche, et grâce aussi au jeu dépouillé d'Antonio Banderas et de Naomi Watts.


Un message pas inintéressant, un ou deux moments de grâce; voilà ce qu'il faut retenir du cru 2010, gâché un surplus de mise en scène Woody-Allen-ienne.


Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu
de Woody Allen
avec Naomi Watts, Josh Brolin, Anthony Hopkins
sortie française: 6 octobre 2010


ps: l'affiche française est nettement plus jolie que l'affiche américaine... Parce qu'on est plus sexy?

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