Monday, October 25, 2010

Le bal des actrices, de Maïwenn

Une réalisatrice, elle-même comédienne à ses heures, souhaite filmer la vraie vie des actrices, leurs ambitions, leurs fragilités; elle veut faire exploser leur carcan de glamour et proposer un documentaire réaliste. Pour cela, elle contacte ses amies, et des femmes qu'elle n'a jamais rencontrées: Maïwenn et sa petite caméra suivent donc le quotidien de Mélanie Doutey, extatique, Marina Foïs, obsédée par son physique, Linh-Dan Pham, dont les parents ne sont pas fiers, Muriel Robin, qui a du mal à se détacher de son rôle de rigolote, Charlotte Rampling, dont l'air calme dissimule la peur de vieillir,...
Maïwenn est une actrice/réalisatrice assez discrète, et dont on voit assez peu le lien de parenté avec Isild Le Besco; elle reste dans l'ombre, surgissant ici et là sur des projets qui l'emballent, après avoir passé des années à écouter sa mère qui l'a projetée dans le monde du cinéma assez tôt, pour ne pas décrocher de grands rôles. Maïwenn  a conservé l'amour des histoires, et se démarque bien plus par sa réalisation fantasque que par son jeu dans des blockbusters - Léon, Le cinquième élément, Haute tension, Les parisiens,... Son premier long-métrage était également un faux documentaire dont elle tenait le premier rôle, une sorte d'autobiographie mensongère d'une jeune révoltée. Le bal des actrices conserve cette idée, jouant largement des images d'actrices connues, et de l'image de réalisatrice de Maïwenn, pour décrire leur univers comme s'il était vrai, alors que tout le film est convenablement scénarisé. L'idée est un peu dérangeante, et voir Karin Viard, toujours sympathique, incarner une actrice à l'ego sur-dimensionné, qui assure que le monde du cinéma français ne peut contenir tout son talent, est perturbant; qui sait, il y a sans doute une part de vérité dans chaque rôle... Maïwenn a d'abord convaincu les actrices, et a ensuite écrit le scénario en fonction, et pour chacune inventé un rôle qui se base sur ce que Voici et Gala disent d'elles. Ainsi, Julie Depardieu cultive à l'extrême son air à côté de la plaque, de petite fille grandie trop vite, Estelle Lefebure est pleine d'auto-dérision, alors que la réalisatrice ne voit pas en elle une actrice, et rien qu'un support à crèmes de beauté, et Romane Bohringer vend des téléphones portables pour gagner sa vie et espérer qu'on se souvienne d'elle pour jouer dans un grand film.


Le film, documentaire à la caméra DV tenu par Maïwenn, peut apparaître un peu brouillon au premier abord. Cependant, l'organisation du scénario est assez brillante, comme on s'en rend compte au fur et à mesure que les minutes tournent. Maïwenn pioche d'abord parmi ses amies; ces dernières, finalement, évoluent dans un petit univers, et les rôles sont proposées au unes, aux autres, qui se croisent, de loin ou de près. Ces recoupements finissent par élaborer un véritable scénario, plutôt que de laisser Maïwenn errer au gré de ses envies. Le désir de bébé de Julie Depardieu recoupe le besoin de religiosité de Mélanie Doutey; le refus de casting à Marina Foïs trouve des échos dans la course éperdue de Romane Bohringer vers Yvan Attal, dans l'espoir de passer un le test; et Karol Rocher trimballe sa rage de réussir dans le restaurant même où Mélanie Doutey refuse de prendre le rôle que lui offre Yvan Attal, qui saisit alors la petite serveuse au passage, lui refilant sa chance,...  Entre documentaire et fiction, on se perd tout de même un peu. La caméra tenue par la réalisatrice devrait être la seule, mais elle l'éteint, parfois, dans les moments les plus émouvants, et une autre caméra, de film celle-là, dissimulée au spectateur, prend le relais. Il est étrange que ces moments où Maïwenn est alors "au naturel" sont les plus proches de la fiction.


Maïwenn fait parler ses actrices, les fait se dévoiler par des mensonges, et fait donc passer son propre message. Que nous dit-elle alors sur les actrices? Elles sont des femmes comme les autres, avec, peut-être, des sensibilités plus à fleur de peau que les autres. Leurs envies, leurs déceptions, leurs colères et leurs joies sont tous des sentiments trop difficiles à contenir, catalysés par une caméra, qui leur offre enfin un peu de repos. Leurs secrets doivent éclater au grand jour, sous les flashs des paparazzi, ou ici, sous forme de chansons. Chaque personnage a son moment de gloire, seul face à la caméra, pomponné, parfait, avec une ribambelle de danseurs pour centrer le regard sur lui et lui seul. Ces excursions du côté de la comédie musicale sont soudainement éclairés, mis en scène de manière léchée, et les déplacements ne sont plus dus au hasard. Le mix des deux réalisations est réussi, et ces chansons replacent très justement le film dans son contexte, celui de la fiction.


Je pourrais encore parler du second rôle de Joey Starr, de ce que Maïwenn nous raconte plus de sa vie que de celles des actrices, et de son auto-critique/auto-dérision face à cela; au-delà d'un film, Le bal des actrices est surtout une bizarre expérience, à vivre si on est vraiment curieux, au risque de passer à côté avec indifférence.



Le bal des actrices
de Maïwenn
avec: Jeanne Balibar, Romane Bohringer, Julie Depardieu, Mélanie Doutey, Marina Foïs, Estelle Lefebure, Linh-Dan Pham, Charlotte Rampling, Muriel Robin, Karole Rocher, Karin Viard,...
sortie française: janvier 2009

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