Monday, May 2, 2011

Animal kingdom, de David Michôd

Josh a toujours été tenu éloigné de la famille de sa mère, mais quand celle-ci meurt d'une overdose d'héroïne, il se retrouve propulsé dans un univers de braquages, banditisme et de drogue. Rejoignant sa grand-mère et ses fils, Josh observe sans s'y intégrer les traques inlassables, la persistance de Nathan Leckie, inspecteur à démanteler cette famille de voyous. Josh, nouvel élément dans ce monde abrupt, semble faire accélérer les choses, et, même s'il n'a l'air qu'un observateur discret, prend une place de plus en plus importante, jusqu'à avoir le pouvoir de faire basculer sa vie et celle de sa famille d'un côté ou de l'autre.


Ce premier long-métrage d'un Australien qui, non content de réaliser, a scénarisé son film, surprend par l'incroyable traitement, tout en douceur, flous et musiques d'ambiance, qui, a priori, colle mal au sujet. Se concentrant sur un personnage principal taciturne, assis gauchement sur un canapé, bringuebalé par les évènements, le film ne sombre jamais dans les codes d'un genre. Lorsqu'on aborde habituellement le grand banditisme, les coups de feu rythment l'action, et les rebondissements se font dans le sang. Il y a de l'hémoglobine, des fusils, de la drogue et des hommes qui meurent, mais Animal kingdom se déroule comme dans la tête un peu brumeuse de Josh, indécis, spectateur inquiet de sa propre vie. L'image se trouble souvent, comme pour cacher les atrocités; la musique, stridente au départ, surréaliste, prend soudain un aspect concret et devient aboiement, crissement de criquets. David Michôd contrôle parfaitement son sujet, et ne le laisse jamais déraper.


Josh est incarné par un jeune inconnu, James Frecheville, dont l'allure robuste permet de montrer à la fois un adolescent un peu gauche, et un potentiel truand en devenir. L'acteur n'arrêtera certainement pas sa carrière ici, propulsé qu'il devrait être par ce rôle. La fratrie qui l'entoure est elle composée d'acteurs connus et reconnus, à commencer par Guy Pearce, inspecteur furieux et obstiné, et figure éventuelle d'un père absent pour Josh; ce dernier trait est subtilement inclus, montré par les lieux dans lesquels se retrouvent l'inspecteur et Josh - souvent une chambre, au réveil - et par l'accent paternel des conseils que l'adulte tente de faire entrer dans la tête de l'enfant déjà grand. La mère, elle, est plutôt bien présente, non pas dans ce cadavre éteint qu'on découvre au premier plan du film, mais dans Smurf Cody, la grand-mère de Josh, terriblement envahissante et impossible à haïr complètement; fascinante, poudrée, choucroutée, Smurf entoure ses fils d'affection et semble reporter sur eux son désir profond de faire du mal. En apparence, elle est parfaitement inoffensive et aimante; mais on perçoit chez elle une nature psychopathe d'autant plus malsaine qu'elle est fichtrement bien dissimulée.


La force brute de ses fils s'oppose à cette apparente délicatesse; c'est Smurf qui les a fait ainsi, les éduquant comme des bêtes enragées que les hommes peuvent se permettre d'être; Craig, Darren, Baz et Pope ont chacun leur caractère de brute épaisse, dévoués à leur mère, sauvages quand il s'agit de protéger leur famille. Josh doit alors trouver sa place, non seulement dans une société où s'oppose gentils et méchants, flics et bandits, mais aussi au sein de cette tribu. Josh n'est qu'un gamin, pas vraiment pris en considération dans un monde ni dans l'autre; il devient adulte au cours de cette confrontation, et son choix ultime surprendra les uns comme les autres.


Violence latente, ambiance sourde et maîtrise de la mise en scène; Animal kingdom est un premier film absolument réussi.



Animal kingdom
de David Michôd
avec James Frecheville, Guy Pearce, Jacki Weaver,...
sortie française: 27 avril 2011

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