Tuesday, May 24, 2011

Le gamin au vélo, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Cyril possède une foi absolument indéfectible en son père qui l'a pourtant laissé dans un foyer, et qui ne semble pas vouloir le retrouver; il a déménagé, a même vendu le vélo de son fils. Mais Cyril met toute son énergie dans l'amour qu'il lui porte et se lance inlassablement à sa recherche. C'est Samantha qu'il trouve, et qu'il adopte comme tutrice. D'abord se servant d'elle pour arpenter la banlieue dans laquelle vivait son père, il hésite, s'attache, la met à l'épreuve en bravant sa confiance.



Enfin je réussis à voir un film des frères Dardenne! Récompensés deux fois à Cannes, j'avais tenté de regarder Rosetta, L'Enfant... Mais leur caméra à l'épaule tressautante m'avait retourné les intestins. Oui, je suis une petite chose fragile. Le gamin au vélo garde cette esthétique particulière aux frères Dardenne, proches de leur sujet, le suivant, alors que ce gamin, pris par l'énergie de son espoir - oui, c'est une belle phrase -, court à toute vitesse, se précipite en avant, roule et chevauche son vélo pour avancer, chercher, sans jamais s’essouffler  ni s'arrêter. Les frères Dardenne sont dans une banlieue de province, campagnarde, avec sa place, ses terrains de football déglingués, ses enfants dans la rue, sa pharmacienne, sa boulangère, sa coiffeuse, enfin ces voisins que tout le monde connaît. Et pourtant ils réussissent à ne pas salir leur cinéma, à ne jamais ressembler à un téléfilm bon marché. Ces dites petites gens sont simples, et même pas sublimés non plus, mais pris à leur juste valeur.


Leurs personnages sont bien écrits, certainement, mais également joliment interprétés. Cécile de France, la jolie découverte de L'auberge espagnole de Cédric Klapisch, s'était décrédibilisée dans toute la suite de sa carrière, de Quand j'étais chanteur à Au-delà. Dirigée par Jean-Pierre et Luc Dardenne, elle reprend de la superbe, légèrement défraîchie, vieillie, terriblement sobre. Leur coiffeuse sortie de nulle part, alpaguée par un gamin, conquise, et lui offrant ses bras et sa confiance sans lui poser de questions, déborde d'un amour compréhensif, un peu prudent, et sans faille. Pas de psychologie de comptoir, ou d'explications superflues. Le message de tendresse se suffit à lui-même, et l'aide et la compassion partagée par Cécile de France à travers son personnage réussissent à toucher et le spectateur et le petit Cyril.


La boule d'énergie qu'est le petit garçon est également parfaitement dosée. L'hyperactivité qu'il décharge, impulsée par son ressentiment envers les adultes, est compensée par l'envie qu'il met à tout de même retrouver leur confiance. Il cavale, dévale, de son foyer au salon de coiffure, du salon de coiffure - la sécurité offerte - à la forêt - le risque d'y mal tourner -, en passant par la station service - ce lieu de passage qui le fait basculer d'un extrême à l'autre. Son père, vite expédié, lâche, se tient dissimule quant à lui dans une sombre ruelle, cloîtré dans la cuisine d'un restaurant dont il ne sort jamais. Cette disposition de lieux facilement reconnaissables, et peu abondants, permet de mettre comme des murs à la course incessante de Cyril.


Délicat dans sa réalisation, interprété avec justesse, le dernier film des frères Dardenne mérite la Palme de la modestie sans naïveté.


Le gamin au vélo
de Jean-Pierre et Luc Dardenne
avec: Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Rénier,...
sortie française: 18 mai 2011

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