Frederick Wiseman est un pionnier du documentaire; il a commencé avec Titicut Follies en 1967, où il pose sa caméra dans un hôpital psychiatrique. Son premier film de fiction, La dernière lettre, il ne le tourne qu'en 2002, et il y dépeint le génocide des juifs durant la deuxième guerre mondiale. Il s'est déjà intéressé au milieu de la danse avec Ballet, réalisé en 1995, qui plonge dans l'univers de l'American Ballet Theater. L'institution du Ballet de l'Opéra de Paris est bien différent, plus hiérarchisé. Il se montre fasciné par les dessous du bâtiment de l'Opéra Garnier, par la vue depuis son toit, et par les répétitions harassantes visant la perfection du moindre geste des danseurs et de leurs professeurs et chorégraphes.
Il me paraît important de noter que Frederick Wiseman n'en est pas exactement à son premier documentaire. C'est un choix que de ne pas faire intervenir de voix off descriptive, de ne pas non plus faire parler les protagonistes à la caméra. Il ne s'agit pas d'un témoignage, ni d'une recherche de faits répondant à une problématique. Frederick Wiseman s'insinue discrètement, et sa caméra est un œil, qui voit parfois de manière imparfaite, mais qui n'est jamais inquisitrice. D'où les longueurs de son film, qui aurait pu nécessiter quelques explications, ou du moins des titrages. Si l'on comprend facilement le cheminement, depuis le choix des danseurs aux répétitions, jusqu'aux représentations, ce qui le ponctue est parfois incongru; les transitions se font sur des plans fixes, photographiques, de couloirs vides, d'escaliers qui tournent, et de vues de Paris à toute heure. Ces derniers plans ont cependant ma bénédiction, car qui n'aurait pas pu être fasciné par les toits de la ville et ses rues grouillantes vus depuis un monument tel que l'Opéra Garnier?
Mais les interventions des costumiers, des balayeurs qui repassent l'endroit du décor et la salle de représentation, des fameuses ruches de l'Opéra, surviennent à des moments parfois inopportun. Lorsque l'on se concentre sur la danse et les relations entre les danseurs et leurs professeurs, l'accent est mis sur la dureté de l'exercice, sur la beauté de ces corps, cependant soumis et torturés, et qui ne dureront pas. Le film dans son ensemble apparaît décousu, mais se rattrape sur ces images d'un monde fascinant qui est celui des danseurs. Leur micro-société, hyper hiérarchisée, à la tête de laquelle règne Brigitte Lefèvre, directrice de l'Opéra de Paris, est un monde à la fois impitoyable et très doux. Car l'incroyable impression de facilité qui résulte du labeur fait presque oublier le travail de toute une vie qui est nécessaire pour y arriver.
La danse, le ballet de l'opéra de Paris
de Frederick Wiseman
avec Emilie Cozette, Aurélie Dupont, Dorothée Gilbert
sortie française: 7 octobre 2009
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