Tuesday, April 26, 2011

La Pecora nera, d'Asciano Celestini

Nicola, né dans "les fabuleuses années 60", a été élevé par sa grand-mère. Son père était avare de mots, et Nicola ne le voyait qu'une fois par an, lors des vacances d'été, quand son père l'amenait chez ses frères, éleveurs de moutons. Sa mère, mourant à l'asile, il la voyait comme une étrangère; après sa mort, incapable à l'école, il fut placé à l'asile lui aussi, pour apprendre un métier. Depuis tout petit donc, Nicola a vécu là parmi les fous, et vers sa trentaine, y consacre toujours ses journées, sans qu'on sache s'il fait alors partie des fous ou des sains.

Voilà bien longtemps, trop longtemps que j'aurais du parler de ce film, vu en avant-première; et voilà que je ne publie sa critique qu'après sa sortie... Espérons au moins que cela éveillera la curiosité de certains et permettra au film de rester quelques semaines à l'affiche, ce dont on peut douter malheureusement tant les médias relaient peu ce genre de petite pépite de l'étrange. Asciano Celestini a l'habitude des documentaires, et réalise ici son premier long-métrage de fiction; il a beau s'être énormément renseigné sur les asiles psychiatriques en Italie, il oublie le ton professoral et réussit à raconter une histoire, tout imprégné qu'il était de connaissances sur son sujet.


L'histoire de Nicola oscille en permanence entre passé et présent, entre réalité et imaginaire, et perd merveilleusement le spectateur qui s'interroge sur la part de responsabilité des adultes dans l'internement d'un petit garçon et sur l'influence que cela a eu sur sa santé mentale. Un homme, enfermé avec des fous, devient-il fou, ou a-t-il des prédispositions? Et Nicola, petit garçon, est-il différent des autres au départ? Est-il le même que ses compagnons de cellule à l'arrivée? Le film joue sur ces interrogations sans apporter la réponse d'un seul coup, laissant peu à peu la réalité se dévoiler, toujours cachée derrière les fantasmagories d'un esprit sur le fil.


Le scénario de La Pecora nera mêle donc passé et présent, comme si le premier pouvait réellement expliquer le second - ce dont je ne suis pas tout à fait certaine. Le passage de l'un à l'autre se fait avec aisance, sans surdose d'explication - puisque l'idée est justement de rester dans le flou. Le parti pris d'une voix off extrêmement présente, qui laisse Nicola retourner sur sa propre vie, joue sur les redondances d'un texte ciselé. Les araignées, les femmes qui lèchent les hommes nus, la jolie Marinella, le café, les placards rangé et la poule et l'œuf scandent joliment l'enfance et la vie adulte de Nicola, comme des obsessions qui finissent par le submerger.


L'image qui accompagne cette narration nébuleuse est simple, dépouillée, à l'exacte opposé de la complexité de son personnage. En sachant que le réalisateur a été du côté du documentaire auparavant, il serait facile de qualifier ainsi son image. Mais il y met quelque chose de plus qu'une lumière sans artifice, une certaine sensibilité et une intelligence qui permet à l'image d'en raconter un peu plus.


La Pecora nera prouve donc le talent d'un réalisateur venu du documentaire, qui sait mettre de la poésie dans des histoires également.



La Pecora nera
d'Asciano Celestini
avec Asciano Celestini, Giorgio Tirabassi, Maya Sansa,...
sortie française: 20 avril 2011

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