Tuesday, February 28, 2012

Bullhead, de Michael R. Roskam

Jacky a repris l'entreprise familiale et sa tradition d'engraisser ses bœufs avec des hormones. Il s'apprête à collaborer avec un gros mafieux du milieu. A cette occasion, il recroise un ami d'enfance, aussi impliqué dans le trafic, et qui connaît son lourd secret, celui qui le fait consommer autant d'hormones que ses bêtes. Jacky prend peur, se renferme, hésite. Il ne le sait pas, mais ressent peut-être l'implication de son nouveau "collègue" dans le meurtre d'un policier enquêtant sur leurs manigances. Le passé de Jacky, l'enquête, les contrats, tout se mêle.


Le film passe plus ou moins inaperçu sur nos écrans, et pourtant, avec cette affiche marquante, et son pitch sombre, j'avais vraiment cru qu'il sortait tout droit du cerveau de producteurs américains prêts à faire un carton plein. Il n'en est rien et il y a en fait peu de communication autour de Bullhead, production belge intimiste. Etrange duel, entre canons mafieux et rétrospection personnelle d'un personnage marqué par l'enfance; on ne sait vraiment qui prend le dessus et finit par vaincre. Le scénario du film se mélange les pinceaux et ne réussit pas à équilibrer deux schémas différents.


Si on s'en tient au milieu décrit, manipulateur de gros sous et de substances chimiques, Bullhead souhaite être précis et surtout complet. D'un côté, les gangs importants tuent ceux qui se mettent dans leur passage; derrière, les policiers les traquent, en perdent le sommeil. Au milieu, il y a Jacky, petit brigand, qui fera les frais des erreurs des autres. Le système est ratissé, mais on reste tout de même du côté des méchants, en se concentrant sur le trafic d'hormones plus que sur sa désintégration et l'enquête policière. Les enjeux financiers de cette organisation reste néanmoins flous, laissant la place à la personnalité de Jacky, qui entre dans le jeu à ce moment-là...


Et le personnage possède une telle force qu'il happe littéralement toute sorte d'intrigue qui ne se rapporterait pas à lui. La complexité des rapports entre gros et petits mafieux, police et criminels, est donc de trop, même si ce sont ces rapports qui font ressurgir du passé les blessures de Jacky. Il est exposé à l'écran comme l'un de ses bêtes qu'on ne voit jamais; parqué dans une salle de bain, entre quatre murs et sans soleil; cloîtré là et piqué, gonflé aux hormones qu'il s'injecte jusqu'à finir par ressembler à un bœuf. Sous cette montagne de muscles cependant, c'est le silence qui domine, et une douleur qu'on découvre peu à peu, en se plongeant dans son enfance. Revoir Jacky petit garçon, c'est intégrer un choc - mmh... concrètement - et prendre de plein fouet la construction d'un homme. Dans sa petite ville, dans ses champs, et dans un contexte brutal, s'est bâti Jacky, désillusionné, dépendant et pourtant fragile et plein de douleurs.


D'un côté la sensibilité et un corps de brute, de l'autre, une mise en scène plus classique opposant gangsters et flics. L'ambiance qui lie deux intrigues est résolument belge, pour autant que cela signifie quelque chose. Le cinéma belge possède cette lumière douce, campagnarde et un peu grise parfois, nuageuse. Elle semble perdu dans ses souvenirs, propice à la tristesse et aux mystères. Voyez donc In Bruges, film britannique qui a su capter cette atmosphère, ou les films de Bouli Lanners... On y trouve également cette pointe d'excentricité, qui ne nous parle peut-être qu'à nous, Français, à cause d'un accent qui nous est inhabituel. Je préviens juste, sans me moquer, car les rires fusaient parfois à un moment gênant, ceux où l'on hésite entre le rire et la tragédie, et je ne sais pas si c'est l'absurdité soudaine de la situation, ou un accent, qui entraînait une réaction de la salle.


Au-delà de ces hésitations à la française, le film reste en demi-teinte, joliment coloré de mélancolie et tout en retenu du côté de Jacky, poussif et maladroit quand il tente le classicisme d'un polar.


Bullhead
de Michael R. Roskam
avec: Matthias Schoenaerts, Jeroen Perceval, Jeanne Dandoy,...
sortie française: 22 février 2012

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