J'adore Sempé depuis que je suis toute petite, bien éduquée par mon papa super fan (ou super lobotomiseur de cerveau qui m'a mis tous les bouquins du Petit Nicolas dans les mains, ainsi que tous les grands livres d'illustration de Sempé, et aussi les éditions poche). J'ai d'ailleurs toujours autant de tendresse pour Marcellin Caillou, un des personnages imaginaires de la littérature auquel je m'identifie le plus au monde. Et puis j'ai aussi travaillé sur la saison 01 de la série du Petit Nicolas, dont on n'entend pas parler du tout durant l'exposition Paris croque Sempé à l'Hôtel de Ville. J'étais persuadée que cette exposition se terminait en mars 2012, en fait, pas du tout, c'est le dernier jour aujourd'hui, je donne des conseils toujours après la bataille. Si vous avez le courage d'affronter la foule... Allez-y donc. Sinon, c'est toujours l'occasion de se replonger dans les bouquins de Sempé.
C'est dommage qu'elle se termine, parce que je l'ai trouvée drôlement chouette, l'expo Sempé croque Paris. J'y étais en semaine, en matinée, et j'ai été étonnée de la foule qui s'y pressait. Maintenant que j'y pense, c'est probablement dû à la date limite qui approchait. Du coup, j'en suis déjà presque nostalgique, et j'ai envie d'y refaire un tour, ce qui ne sera plus possible. On commençait à l'étage, avec les premiers dessins de Jean-Jacques Sempé. A l'armée, très jeune, juste après la Guerre, il crayonnait dans ses cahiers de cours; on retrouve également ses premiers dessins sur ses blocs de papier alors qu'il était courtier en vins. Son trait est déjà celui qu'on lui connaît, caractérisé par sa grande épure et cette touche d'humour qui n'est pas de la caricature mais touchante de vérité. Il signe alors quelques dessins du nom de DRO (draw en anglais...) dans le journal Sud-Ouest Dimanche. Quittant Bordeaux pour Paris, il habite dans le 18ème arrondissement et rencontre le dessinateur Chaval.
L'exposition présente ses premières publications, quelques planches du Petit Nicolas né pour le journal belge Le Moustique; il rencontre René Goscinny en 1952, alors qu'il a juste 20 ans. On voit ensuite des planches déjà tournée vers la société ouvrière, les comptoirs de bistrot, et qui paraissent dans Le Rire, Noir et Blanc, Ici Paris, France Dimanche, Paris Match, et plus tard Le Figaro, L'Express, Télérama ou Le Nouvel Observateur. Le trait de Sempé a peu changé depuis cette époque. Il a calmé ses couleurs et restreint ses outils à la plume, l'encre de Chine et l'aquarelle principalement. Ses sujets d'actualité sont criants de vérité et très tendres. Monsieur Lambert, cet ouvrage sur lequel l'exposition s'étend ensuite, montre l'évolution de ses préoccupations: du 18ème arrondissement à la rue du Dragon dans le 6ème - c'est l'époque du Café de Flore, des clubs de jazz, d'un quartier St Germain qui voit ses rues emplies de François Sagan, Jacques Tati, Simone Signoret, Jacques Prévert, Brigitte Bardot,... - et du bistrot chez Picard au modernisme de la France, on voit Sempé prendre avec humour sa propre ascension sociale.
Il dépeint autant les petites gens, qu'il rit des bourgeois. L'exposition continue en mêlant pêle-mêle certains de ses ouvrages illustrés - les grands, qu'on connaît, parus chez Denoël, Rien n'est simple, Tout se complique, etc... et aussi d'autres, dont on a moins connaissance, des histoires comme celles de Marcellin Caillou: L'histoire de Monsieur Sommer, en collaboration avec Patrick Süskind, ou Raoul Taburin. Dans ces ouvrages, les thèmes de prédilection de Sempé sont mis en exergue. C'est la solitude de certains dans la foule, ou les habitudes de chacun parmi les autres. Que ses personnages soient isolés ou regroupés, il accorde toujours de l'attention à l'humain, dans ce contexte urbain qu'il conçoit si parfaitement, parcourant la ville à bicyclette.
La ville de Sempé, c'est aussi New York, et une partie de l'exposition montre notamment ses nombreuses collaborations avec le journal The NewYorker. Sempé est l'un des rares Français à avoir dessiné autant de couvertures pour ce magazine réputé. L'exposition est parfois agrémentée d'anecdotes, comme celle de cette poule "idiote " en 2006:
La création, c’est un mystère, c’est du travail. Un jour, j’ai eu envie de dessiner une poule. J’ai commencé par poser quelques couleurs puis je suis allé boire un verre avec une amie. Je lui ai dit : “J’ai dessiné une poule. Je vais la donner au “New Yorker”. Elle me dit:“Tu es fou?” Eh bien! Je l’ai envoyée au NewYorker et ils l’ont publiée en couverture.
On se rend compte, au cours de cette généreuse exposition, de la diversité de Sempé et de sa constance aussi: certains dessins reviennent, quasiment inchangés, comme si le dessinateur avait toujours cherché la meilleure manière de transcrire sa pensée. Des enfants parcourent l'exposition, aussi charmés que les adultes. C'est un poussif de dire que Sempé est inter-générationnel, mais voilà, c'est aussi un fait établi! Ses dessins traversent le temps sans prendre une ride.
Sempé croque Paris
à l'Hôtel de Ville
exposition gratuite jusqu'au 11 février 2012
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