Tuesday, December 4, 2012

Mauvaise fille, de Patrick Mille

Louise a été élevée par son père, chanteur de rock reconnu partout où il passe, après avoir fui, toute petite, une mère qui la laissait poireauter devant l'école, et participer à ses soirées hippies où chacun forniquait, buvait du champagne et se piquait en toute impunité et dans la joie. Jeune femme, Louise est enfin indépendante. Elle apprend dans la même journée qu'elle est enceinte, ce qui la ravit autant que son compagnon, et que sa mère est gravement atteinte d'un cancer en phase 4. Elle n'arrive alors pas à lui annoncer sa bonne nouvelle, comme si l'enfant à venir avait un pouvoir sur la maladie.
 

A la lecture de ce petit résumé, je me rends tout de suite compte de l'erreur du film: on a les bases de relations intéressantes entre deux personnages féminins. Louise aime sa mère, malgré que cette dernière se soit assez peu, ou mal, occupée d'elle, et Alice, interprétée par Carole Bouquet, est une femme mûre qui est restée une adolescente, peu consciente, ou refusant volontairement d'accepter la mort. La maladie, elle l'assume et la porte plutôt bien. La mort, elle, n'est pas évoquée. On ne sait cependant rien de ce qui s'est passé entre l'époque ou la petite Louise a appelé son papa et fait ses valises pour vivre avec lui, et ce moment où, jeune femme émancipée, elle gère seule sa vie. Logiquement, Louise ne devrait pas avoir beaucoup vu Alice; pourquoi alors cet attachement féroce qui reste? Si Louise a continué à passer du temps auprès de sa mère, pourquoi l'en avoir si violemment montré la séparation dès l'enfance? Dans les deux cas, le problème du film, la difficulté d'avouer une grossesse, n'a pas vraiment de sens.


La construction du film participe à la confusion. Les séquences, désordonnées, donnent une faible approximation des relations, non seulement entre la fille et la mère, mais aussi entre la fille et son compagnon - Arthur Dupont, que je suis à chaque fois surprise et ravie de retrouver à l'écran - qu'on ne voit jamais dans leur quotidien. Il est alors presque aussi compliqué pour le spectateur que pour Alice, de croire à une grossesse toujours cachée, sauf lorsque le ventre de Louise devient si rond qu'elle ne peut que le montrer. Les temps s'emmêlent, la progression en dents de scie de la maladie n'aide pas à savoir si on approche de la fin ou si on revient en arrière, et les mini-séquences qui composent le film viennent abruptement fragmenter la narration.


Pourtant, dans ces petites scènes, on perçoit la sensibilité du réalisateur, qui capte de très beaux moments portés par la comédienne Izia Higelin. J'ai été voir ce film, en partie par curiosité envers cette actrice, dont on crie partout qu'il va pleuvoir sur elle une pluie de récompenses, qu'elle est la révélation du jeune cinéma féminin français. Je conçoit parfaitement cet engouement, car Izia Higelin, malgré le peu de construction de son personnage, réussit à faire passer de très belles émotions. Avant tout, cette "fille de" dans la vie, qui est aussi plutôt bien lotie dans le film - "fille de" grand rockeur, et d'une mère qui ne manque pas d'argent, ayant voyagé, heureuse en amour et dans son travail, qui est d'ailleurs plutôt glamour, elle est dans une boîte d'édition plutôt que dentiste, voyez-vous. Bref, j'arrête la parenthèse avant de reprendre ma phrase dont on a perdu le sens. Louise, malgré son existence privilégiée, est ultra sympathique, et cela est dû à la bouille irrésistible d'Izia Higelin, comme à sa force fragile absolument franche. Ses larmes parfois, ses rires surtout, ses angoisses, donnent de très jolis moments au film.


Mais ces instants sont fugaces et il faut savoir les percevoir, entre deux incompréhensibles sautes, d'humeur ou de caméra. Dans son ensemble, le film donne surtout une sensation bancale de timidité d'un réalisateur pas assumé.


Mauvaise fille
de Patrick Mille
avec: Izia Higelin, Carole Bouquet, Bob Geldof,...
sortie française: 28 novembre 2012

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