Friday, May 8, 2009

Still Walking, de Kore-Eda Hirokazu

A l'occasion de la commémoration de la mort tragique d'un enfant et d'un frère, une famille japonaise se réunit pour évoquer son souvenir. Se retrouvent dans la grande maison parentale les deux enfants restants, Ryota et Chinami, accompagnés de leurs conjoints respectifs et de leurs enfants. La réunion est à la fois joyeuse et chaleureuse, dominée par le festin préparé par la mère, et pleine de tensions. Le père, taciturne, est déçu que son second fils n'ait la vocation médicinale; le fils, Ryota, n'ose pas avouer à son père ses problèmes de chômage, et en oublie de prendre en compte le malaise de sa femme, dont il est le second mari, et de son beau-fils; la fille, Chinami, tempère ces malaises; mais elle aussi à en tête de s'installer avec son mari, effacé, et ses enfants, adorables mais bruyants, dans la maintenant trop spacieuse maison de ses parents. Quant à la mère, peu soucieuse de ces animosités, elle ne cesse de nourrir toute sa petite famille et semble la plus touchée émotionnellement par la disparition maintenant lointaine de son fils aîné.


Cette grande assemblée oscille entre le bonheur de se retrouver tous ensemble et le poids que cela représente. Chacun, en effet, tâche de faire bonne figure et de montrer sa réussite, dissimulant les problèmes. Tout comme une société japonaise qui balance entre modernité (la famille recomposée de Ryota, la réalité du monde du travail trop étroit,...) et tradition (le repas excessif de la mère qui réunit sur la table toutes les spécialités préférées de chacun, l'entêtement du père à vouloir voir un de ses descendants lui succéder dans sa chaire de médecin, le rendez-vous autour du souvenir d'un mort et le recueillement,...), les personnages hésitent entre deux états. Une famille se doit de rester unie et le rendez-vous semble indispensable malgré les tensions.


Cette famille et les nombreux non-dits, les dissimulations, les mensonges discrets et les propos sous-jacents; ainsi que les amitiés, les souvenirs joyeux, l'éducation commune, pourraient aussi bien être représentatifs de n'importe quelle famille occidentale. Ce sont les gestes qui diffèrent. Sans être documentaire, le film fourmille de détails du quotidien japonais, comme la balade lente du père, l'occupation effrénée des femmes à la cuisine, le repas abondant, assis, ou la course de la mère après un papillon qui pourrait contenir l'esprit de son fils décédé. Le réalisateur n'oublie pas la pointe d'humour, qui dénote un certain mépris, dissimulé sous une façade mielleuse et bienveillante, des parents, qui invitent chaque année le petit garçon dont la vie a coûté la mort de leur fils, dans le seul but de se soulager en voyant son inconfort et son malaise.


Le tout est également filmé à l'opposé de nos repères occidentaux. Chaque plan est lent, fixe, doux, et reste immobile pour permettre à l'oeil d'observer tout, et de repérer chaque détail. A mille lieux d'une réalisation forçant le regard à se poser sur tel ou tel objet, manipulant le spectateur pour lui faire saisir immédiatement et en peu de temps une intention, Kore-Ida Hirokazu fait participer l'oeil et l'esprit du spectateur en lui laissant une chance de saisir lui-même la finalité de chaque cadre. On est alors pris par la poésie de ce qu'il raconte. Le spectateur peut profiter de chaque pause pour rêver et mettre en parallèle sa propre situation avec celle des personnages, ou pour simplement admirer les couleurs resplendissantes du Japon.


Le thème et le rythme du film en rebuteront sans aucun doute plus d'un; il faut néanmoins tenter de saisir la beauté d'une telle douceur et son univers de non-dits.




Still walking
de Kore-Eda Hirokazu
avec Hiroshi Abe, Yoshio Harda, Kirin Kiki,...
sortie française: 22 avril 2009

2 comments:

leJournaldeChrys said...

J'avais adoré Nobody knows!!!!

Fanny said...

Oui, pareil! D'ailleurs, cette scène de l'affiche où la famille marche sur la route me rappelle certaines images de Nobody knows, où le frère emmène sa petite soeur dont les chaussures "pouètent"... Même mélancolie, même justesse...