Wednesday, March 31, 2010

Tout ce qui brille, de Géraldine Nakache et Hervé Mimran

Ely et Lila sont les meilleures amies du monde, comme deux sœurs. Elles partagent les mêmes rêves, notamment celui de sortir de leur banlieue parisienne de Puteaux. Leurs économies passent dans de jolies chaussures à talons hauts. Pour le taxi, elles économisent: un mot de passe, et elles courent à contresens dans la rue; aucun chauffeur ne les rattrape. Alors qu'elles se font refouler à toutes les entrées de boîtes de nuit, faute de connaître le videur, Lila trouve le moyen d'entrer par une porte dérobée. Une fois à l'intérieur, la jeune fille cherche à s'intégrer; elle croise un joli garçon et laisse Ely en plan. Ely, elle, perd  le goût du jeu à l'intérieur de la boîte de nuit. Elle sort, attend sa copine dehors. C'est là qu'elle intervient pour récupérer le sac d'Agathe... La jeune femme vit avec sa petite amie et le fils de cette dernière dans un appartement immense, agrémenté d'un dressing gigantesque. Ely est vite dépassée par cette richesse, et, si elle désire la comprendre, souhaite avant tout la gagner sans mentir; Lila de son côté, se débarrasse de son image de banlieusarde, et se voit déjà vivre en princesse avec Maxx qu'elle vient de rencontrer.






Loin des clichés, la réalisatrice et actrice crée un véritable parfum d'amitié et offre un sérieux backround à ses personnages. Au-delà d'une simple histoire de conte de fées, il y a aussi une complicité qui se fissure, deux jeunes filles qui grandissent, et des histoires de famille réellement fortes. Alors certes, la banlieue de Puteaux semble sympathique; pas de burqa qui traîne, pas de frère violent qui se ne se sentirait pas respecté par sa sœur à cause d'une jupe trop courte, pas de bandes qui traîne. La solidarité est plus présente, les familles unies et les emmerdeurs se contentent d'être présents sous la forme d'une vieillarde radoteuse, ou d'un jeune homme qui s'ennuie et qui appelle tous les passants depuis sa fenêtre. L'accent est mis sur l'écart ressenti par Ely et Lila, "à dix minutes". Au loin, elles aperçoivent Paris, ses lumières, ses magasins, ses rues immenses. Chez elles, entourées des barres HLM, elles se sentent engoncées, promises aux mêmes destins que leurs parents. Les liens dans leur cité sont trop étroits, et, comme tous les adolescents, Ely et Lila rêvent avant tout de s'émanciper.


Leurs différentes façons d'y arriver les divisent. Lila est prête à tout; Ely se laisse tenter, mais, plus réaliste, et refusant finalement de mentir pour accéder à un monde qu'elle sait ne pas mériter, cherche une voie plus en accord avec ses principes. Leur amitié se déchire. La réalisatrice sait tisser, dès le début, des liens très fort entre ses personnages, que tout le monde reconnaît comme deux sœurs. Il y a les complicités évidentes, les rires, les gestes de l'une vers l'autre; il y a aussi de menus détails, des habitudes inexpliquées mais qui sont là, tellement implantées depuis des années qu'elles sont naturelles aux personnages et au spectateur aussi, qui vient pourtant de connaître Lila et Ely. La délicatesse de la réalisatrice est de distiller la juste information à la bonne dose et au bon moment. Ely est folle de son père, qui le lui rend bien; leur désaccord muet et douloureux s'exprimera sans cris, et sans larmes, mais est pesant; Lila écrit à son père, parti au Maroc, et est folle de joie à chacune de ses réponses; mais tandis que sa mère s'affaiblit à toujours l'aimer, toujours l'attendre, et à retourner sur le lieu de leur rencontre tous les vendredis soirs, Lila doit subitement faire le deuil de ce père lointain et qui ne reviendra jamais.


Les deux jeunes filles sont riches d'un passé affectif, jamais lourdement expliqué, toujours subtilement introduit. De même, les personnages secondaires sont joliment peints, jamais noirs ou blancs. Chacun a sa part de mystère, sa part d'apparence, ses mensonges et ses injustices, ses délicatesses et sa sensibilité. Agathe, son amie Joan, et Maxx, côté seizième arrondissement, sont certainement des gens plein aux as et qui n'ont que faire de leur argent et de leur vie; mais Agathe a l'élégance de ne pas montrer du doigt les mensonges lorsqu'elle les reconnaît; Joan semble, pourtant jeune, avoir vécu ce qu'une jeune femme ne devrait pas encore avoir connu; Maxx ne se joue pas de Lila, et sa lâcheté est celle de tout homme qui se trompe sans vouloir se l'avouer. L'élément humoristique est introduit par le personnage personnage de Carole, entier et franc, grande gueule qui tire finalement son épingle du jeu grâce à son honnêteté.


Subtil, le film n'oublie pas évidemment de faire rêver, avec néanmoins cette pointe d'amertume qui montre bien que la réalisatrice maîtrise son sujet et a les pieds sur terre.


Tout ce qui brille
de Géraldine Nakache et Hervé Mimran
avec Leïla Bekhti, Géraldine Nakache, Virginie Ledoyen,...
sortie française: 24 mars 2010

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