Un vieux berger crache ses poumons en emmenant ses bêtes paître. Heureusement, contre une bouteille de lait, une vieille femme lui donne la poussière de l'église balayée et bénie pour calmer ses douleurs. Le petit paquet précieusement conservé tombe de la poche du berger; il meurt, un chevreau naît. Le chevreau bêle innocemment. Il doit trouver sa place dans le troupeau. Lors de sa première sortie dans les collines, il s'égare, et trouve refuge entre les racines d'un immense pin. Il ne survivra pas. Le pin connaîtra lui aussi une destinée spéciale.
Quatre "personnages", si on peut appeler ainsi ces forces de la nature, muettes et soumises aux caprices des humains et de l'univers, vivent et meurent dans les bras les uns des autres. Lorsque l'un s'éteint, l'autre s'ébranle et la caméra tourne autour de lui. Dans ce petit village où les processions christiques sont de mise, où la ferveur mystique semble dominer le quotidien, un rite païen semble prendre place. L'âme se réincarne dans un chevreau, un arbre ou un morceau de charbon. Un chien entend à l'avance la mort qui s'invite. Sans parole, la transmission s'opère et on contemple, comme une évidence, la nature qui vit.
Je suis une citadine pure souche, l'herbe mouillée et les oiseaux m'énervent. Et pourtant, j'ai vu dans ce silence à l'écran quelque chose qui m'a touchée. Il faut dire que le réalisateur ne se contente de pas d'observer passivement. Il fait dire à l'écorce que le temps passe, aux escargots qu'ils ont de l'humour. Il n'a cependant pas besoin de mots pour raconter, et il laisse les situations souvent burlesques divertir. C'est ce qui fait de Le quattro volte un film dans lequel on ne s'ennuie pas un seul instant, malgré des abords pas faciles. Le manque de dialogues, le sujet, les personnages principaux semblent être autant de choses contraignantes pour le spectateur qui préfère souvent l'action, les explications, les blagues faciles. On s'émeut plus facilement pourtant devant ce comique de situation, et un petit chevreau bêlant et cabriolant raconte bien plus de choses qu'un être humain braillard.
Michelangelo Frammartino parle donc de la nature, mais aussi d'une Italie miséreuse, où l'on vit en communion avec le dieu chrétien comme avec les dieux païens, avec la terre et les animaux. On me signale que l'action se déroule en Calabre, région du sud de l'Italie, la plus pauvre de ce beau pays pourtant développé. L'agriculture et l'élevage sont ses principales ressources, et le quotidien des habitants d'un petit village est donc parfaitement intemporel; ils vivent aujourd'hui comme ils vivaient hier, et leur situation n'est pas prête de changer.
Voilà un dernier film de 2010 qui prolonge l'année en beauté; 2011 s'annonçant triste comme tout côté cinéma, je suis heureuse de rester un peu dans le passé.
Le quattro volte
de Michelangelo Frammartino
avec: Giuseppe Fuda, des chèvres, des arbres,...
sortie française: 29 décembre 2010
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