Tuesday, January 11, 2011

Somewhere, de Sofia Coppola

Johnny, acteur entre deux tournages, séjourne à l'hôtel Marmont, à Los Angeles, et traîne de fille en fille, de fête en fête, de masseuse en balades en Ferrari, ennui parfois troué par une interview hystérique ou une séance de promo. Sa fille, Cleo, lui est parfois laissée quelques heures - de 5 à 7? Et soudainement, il se retrouve avec Cleo à plein temps, sa mère l'ayant abandonnée dans le couloir de l'hôtel, partie on ne sait combien de temps, parce qu'elle en avait besoin - de temps. Johnny s'autorise alors à virer les filles nues qu'il retrouve parfois dans son lit, et passe du temps avec sa fille.




La morale du film dit que Johnny est un adulte qui n'assume rien et ne prend aucune décision qui ne soit dictée par son téléphone - Marge, son agent, au bout du fil. Avec sa fille, onze ans, qui devient jeune femme, il grandit et découvre la fatuité de son existence d'acteur. Question profondeur, Sofia Coppola se prend au sérieux; la petite Cleo, c'est un peu elle dans son enfance, élevée dans une famille de cinéastes. Évidemment, le film n'est pas autobiographique. Mais Sofia Coppola, en mettant sa vie en scène, estime vraisemblablement que son film acquiert ainsi un certain crédit.


Je n'ai pas autant détesté Somewhere que je m'y attendais. Je prévoyais de voir "du Sofia Coppola", dont je n'aime pas spécialement le "style"; et Somewhere est en effet aussi prévisible que ce qu'il promettait. Cependant, si l'ennui y est visible de manière évidente, le rythme y est plutôt bon. On a l'impression de voir un film de deux bonnes heures sans longueur, alors que sa durée n'est que d'un bon classique de 90 minutes. Si Sofia Coppola s'était autorisé 30 petites minutes de plus, le spectateur, tout comme le personnage de Johnny, s'y serait profondément emmerdé.


Sofia Coppola a réussi à dépouiller son film au maximum. Les cadrages ne sont pas pompeux, voire fades; et la lumière et les costumes sont loin, bien loin du tapageur Marie-Antoinette, son précédent long-métrage. Tout respire donc, de manière très redondante, le désœuvrement total de Johnny. Le dépouillement est plutôt une qualité du film, quoiqu'on sente que Sofia Coppola jouait sur la carte de l'intimiste, et que cette nudité de l'image se voulait plus hype que simple. Néanmoins, ce changement est positif. Par contre, la concision n'est pas le fort de la réalisatrice, qui baratine beaucoup dans un vide absolu pour, au final, ne pas raconter grand chose d'extraordinaire. Certains prendront pour du génie cette manière de ne donner aucun contexte. J'ai l'impression pour ma part qu'elle n'a même pas imaginé au-delà de ce qu'elle montre. Il n'y a aucun support pour créer un lien avec la mère de Cleo, disparue sans complexe; pour comprendre Cleo, qui aime son père sans concession alors qu'elle ne le voit jamais, n'est pas dupe de sa notoriété, et s'aperçoit sans tristesse que Johnny ne s'est pas aperçu qu'elle faisait du patinage depuis trois années déjà; un vague "ami" (?) de Johnny est parfois là, sur un canapé. Le passé et l'avenir des personnages ne sont pas indispensables, mais des indices qui justifient leur présence ou leur absence soudaine à l'écran auraient été de bon goût.


Sofia Coppola ne réussit pas non plus dans l'humour, quoique la scène de remise de prix en Italie soit brusquement réussie de ce côté. Les stripteaseuses, que le public connaît pour les voir dans la bande-annonce depuis deux mois, sont plus ou moins touchantes, dans ce qu'elles ont de commun avec Cleo - la jeunesse, l'innocence et la jupette de patineuse -, mais faillissent malheureusement à remplir leur rôle comique doux-amer, trop présentes, pas assez aguicheuses, figées dans leurs mouvements d'acrobates sur leur barre de pole dance.


Pas totalement raté, Somewhere confirme toutefois que le talent de Sofia Coppola est parfaitement surestimé.


Somewhere
de Sofia Coppola
avec Stephen Dorff, Elle Fanning,...
sortie française: 05 janvier 2011

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