Tuesday, January 18, 2011

Incendies, de Denis Villeneuve

A l'ouverture du testament de leur mère par son ami et patron Jean, notaire de son état, Jeanne et Simon Marwan apprennent l'existence d'un frère, d'un père, et de leur obligation de les retrouver tous les deux pour avoir accès aux derniers mots de leur mère pour eux, et pour pouvoir placer sur sa tombe une plaque à son nom. Les jumeaux réagissent différemment; alors que Simon reste au Canada, fulminant d'une douloureuse colère, Jeanne part sur les traces de leur mère au Moyen-Orient. Jeanne et Simon ont été élevés au Canada; Jeanne découvre donc un univers totalement différent, une culture, et aussi le passé de sa mère, son propre héritage, dont elle n'avait pas la moindre idée.


D'une pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, Denis Villeneuve écrit un film qui se déroule sur plusieurs continents, et dont les silences sont pleins d'explications. J'ai l'impression d'être enchantée par des films qui se déroulent entre deux époques, ces derniers temps. Après Dans ses yeux, Incendies alterne également, avec autant de maîtrise mais d'une manière toute différente, un passé douloureux éclairé par un œil neuf, à une époque plus contemporaine. Denis Villeneuve joue sur la ressemblance entre la mère et la fille, et laisse leurs langues - l'une parle l'arabe, l'autre le français avec un fort accent canadien -, leurs univers - un paysage dévasté pour l'une, apaisé pour l'autre - et des détails - un foulard sur les cheveux, des écouteurs dans les oreilles,... - faire office d'indices de temps. Tout en lenteur, il laisse la chance au spectateur de s'imprégner de son image et d'intégrer ces menus indices pour se situer dans l'histoire.


On pourrait lui reprocher cependant la facilité de certaines étapes de l'histoire, identifiées en lettres de feu à l'écran, alors que le propos et le rythme du film sont suffisamment clairs pour la compréhension de l'espace et du temps. Ce choix artistique justifie cependant le titre du film, Incendies, ainsi renforcé par la typographie. Quoiqu'il en soit, je trouve personnellement que le découpage en chapitres est tout à fait superflu, mais je pardonne ce choix contestable au réalisateur, qui livre tout de même un film presque parfait.


L'accent canadien, honte à moi, a tendance également à me sortir de la narration, mais on ne peut pas en tenir rigueur à un réalisateur qui a pour seule faute sa nationalité! Incendies est un film "coup de poing" comme on dit, à la fois instructif et touchant. L'action se déroule entre le Canada et un pays du Moyen-Orient, peu importe lequel. Ce qui compte, c'est la culture, les montagnes et la sécheresse du climat; Daresh est une ville imaginée, qui pourrait se trouver au Liban (pays natal de Wajdi Mouawad), en Jordanie (pays où le film a été tourné), ou ailleurs. Il a beau ne pas se fixer en un point précis, Incendies est un film hautement politique, qui plonge au cœur d'une guerre trop souvent répétée, deux jeunes adultes qui se pensaient loin de ce monde.


La réalité cuisante de la guerre, associée à une découverte plus intime, celle d'un passé chargé et d'une identité. Jeanne et Simon, jumeaux, réagissent chacun à leur manière à l'annonce de l'existence d'un frère, de la présence d'un père. Sans crise de larme, sans trop d'ampleur, la force de leurs émotions se lit néanmoins à merveille, avec subtilité. Lubna Azabal et Mélissa Désormeaux-Poulin sont les actrices à retenir de ce film. Délicates et fortes, elles sont des femmes meurtries, reconstruites, fières et frêles.


Incendies est un film qui marque, par sa mise en scène soignée et la délicatesse de son propos pourtant très fort.



Incendies
de Denis Villeneuve
avec Lubna Azabal, Mélissa Désormeaux-Poulin, Rémy Girard,...
sortie française: 12 janvier 2011

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