Tuesday, November 15, 2011

Contagion, de Steven Soderbergh

Beth revient de Hong Kong; avant d'arriver à destination, près de son mari et de son fils, elle fait escale à Chicago pour rencontrer son amant. De retour chez elle, elle tombe rapidement malade et décède; immédiatement après, son fils meurt également; son mari semble lui immunisé. D'autres cas se déclarent tout autour de la planète. Le docteur Cheever doit gérer la panique mondiale, et trouver rapidement un vaccin; tandis que certains cherchent le patient zéro, celui par qui tout aurait débuté, d'autres tentent sur place de mettre en quarantaine les patients infectés, pour éviter la propagation du virus. Alan Krumwiede, un  blogueur renommé, tente lui de décoder les non-dits du gouvernement et du Centre de Prévention et de Contrôle des Maladies pour informer le plus grand nombre.


Le buzz autour de Contagion avait débuté par quelques images, filtrant sur internet, d'un Jude Law changé en Mister Bibendum, dans un costume étrange de plastique gonflé autour de son visage, gants de cuisine scotchés à ses manches... Un petit peu fan de science-fiction, vous n'avez pas pu passer à côté. Et puis, Soderbergh est une légende, un grand nom du cinéma américain, depuis Sexe, mensonges et vidéo - que je n'ai pas vu -, Palme d'or en 1989. Le type est cependant aussi capable de réaliser Erin Brokovitch, film fort sympathique et fort conventionnel, une ribambelle d'Ocean's 12, 13, etc, du moment que ça rapporte, et le voilà aux manette d'un gros budget/énorme casting. Conclusion, il fait de la merde. Pas surprenant pour un sou, ne privilégiant aucun acteur aux dépens d'un autre, Steven Soderbergh a omis de regarder ce qui s'est fait de mieux avant, Blindness, de Fernando Meirelles, pour le citer haut et fort.


Les deux réalisateurs partent du même point de départ: un virus inconnu qui se propage à une vitesse démesurée, un gouvernement qui peine à trouver une solution et une population qui panique. Meirelles fait ensuite le choix judicieux de se placer du côté de l'humain, de s'attacher aux pas d'un personnage ou deux, de laisser des zones d'ombres pour mieux développer son sujet. Soderbergh, lui, s'éparpille dans une galerie de personnages tous plus clichés les uns que les autres, et sans point de vue, sans mise en scène. A part quelques choix qu'on pourrait vaguement qualifier d'artistiques, une monochromie de la lumière pour séparer les lieux et les personnages - du bleu, du vert, des couleurs froides et sales de préférence, pour bien souligner la maladie -, la caméra se pose à des endroits parfaitement convenus et bouge avec discrétion et platitude absolue. Un de mes cadrages préférés consiste à prendre en gros plan un écran - ordinateur, téléphone portable,... Au cinéma, c'est d'une banalité géniale. Pendant de longues secondes, on y a droit, au schéma moléculaire abstrait avec voix off détaillant ce que signifient les branches vertes, rouges et jaunes. Une séquence aussi caractéristique de ce dénuement d’intérêt du réalisateur pour sa mise en scène est celle d'une conférence de presse. Et voilà que je te filme le retour de la caméra du journaliste, avec l'interviewé, le Docteur Cheever en l’occurrence, dans le fond tout flou. Moche comme tout.


Cette absence de réalisation se retrouve dans un scénario sans parti pris. Tout le monde est un salaud: le gouvernement évidemment; le docteur Cheever, qui est pourtant bien gentil, donne des informations confidentielles à sa femme pour lui conseiller de quitter Chicago. Le journaliste-blogueur en quête de vérité est aussi un sacré salopard, qui enquête, certes, mais non sans se faire un peu de blé - quelques milliards. L'innocent papa qui perd femme et enfant devient tyrannique et paranoïaque, tout comme la population affolée qui dévalise les magasins. Il y a un ou deux autres docteurs, quelques personnages qui viennent se rajouter à la liste et enrichissent de pourriture les défauts de l'humanité toute entière. Pour passer de l'un à l'autre, pour raconter tout le monde, les malades et les docteurs, Soderbergh use des kilomètres de pellicule inutile et ajoute à ces ellipses un peu de musique, saupoudre de voix off explicative - le genre d'explications complexes dont on se fout -, fait mourir un ou deux personnages pour les larmes, évoque l'attaque terroriste parce que c'est à la mode,...


A tout vouloir réunir, le film n'évoque plus rien qu'une longue liste. Oubliez les détails, oubliez la vraisemblance, plus les sujets sont nombreux, plus rapides seront les séquences, et le spectateur n'aura pas le temps de s'interroger. Steven Soderbergh réussit à capter cependant un filon intéressant, mais sans doute au hasard de sa chorale de personnages. Le personnage de Jude Law, ce blogueur influent, transparent par nature, puisqu'il n'est pas censé gagner de l'argent avec sa manière de communiquer, s'oppose effectivement au gouvernement, qui, par tradition, se remplit les poches sur le dos du peuple. Les autorités cachent forcément la vérité; et le film semble démontrer que, au travers des nombreuses couches de hiérarchie, le travail est fait mais difficilement montrable au public, trop complexe. Il se trouve cependant que c'est à travers les études gouvernementales que le remède est finalement trouvé. Alan Krumwiede de son côté mène ses propres expériences sur lui, avale trois gouttes d'un médicament devant sa webcam et prouve directement son efficacité. Est-ce pour autant lui qui a raison? Lui qui sauve l'humanité? La réponse est négative. Cette question involontaire aurait pu être exploitée au maximum, au détriment de Kate Winslet, de Matt Damon, de Gwyneth Paltrow, de Mario Cotillard et de tous les autres acteurs bankable. On aurait alors eu une histoire, un sujet, un parti pris. Tel n'est pas le cas.



Contagion
de Steven Soderbergh
avec: Matt Damon, Laurence Fishburne, Jude Law,...
sortie française: 09 novembre 2011

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