Thursday, November 3, 2011

Le procès, d'Orson Welles

Kafka publie Le procès en 1925; en 1962, Orson Welles adapte ce roman et en fait un des chefs-d’œuvre du cinéma. Joseph K. est réveillé, dans la pension où il loge dans la chambre attenante à celle de Melle Burstner, par des policiers venus lui signaler qu'il est arrêté. De la salle d'audience à la chambre de son avocat, en passant par les bureaux où il travaille, il erre sans connaître la raison de ce procès mais souhaitant à tout prix s'en débarasser.


Je ne pourrai certainement pas parler du Procès sans faire un cours magistral, rassemblant mes souvenirs d'école et mon ressenti lors du re-visionnage de ce film. Voici donc simplement quelques notes foutraques, avec l'envie de vous faire découvrir ce film incroyable, pas dépassé pour un sou, et qui a marqué l'histoire du cinéma. D'abord, sachez que quelques salles à Paris proposent de redécouvrir ces pépites en noir et blanc, ces films intemporels qu'il faut avoir vu, ce qu'on appelle les classiques. Le Champo en fait partie; salle agréable, pas de publicité, et une sélection variée. Pour votre information, dans ce coin du 5ème arrondissement, les salles de cinéma indépendantes pullulent: le Reflet Médicis, le Cinéma du Panthéon, la Filmothèque du Quartier Latin, le Nouvel Odéon,... Si une envie de cinéma vous prend, venez à toute heure, il y aura forcément un chef d’œuvre prêt à débuter.


Pour en revenir au Procès, sa longévité tient en beaucoup de choses, mais je mettrai en avant la force de son propos. Évidemment, en s'appuyant sur un roman de Kafka, on trouve la matière à un scénario dense. Orson Welles simplifie alors sa mise en scène, utilise des procédés évidents, afin d'enfermer son personnage dans un monde étrange; Joseph K. est physiquement aussi disproportionné que son accusation est injustifiée. Il se sent coupable, sans savoir pourquoi: ses mots s'entrechoquent, ses mouvements s'emballent. Pris dans la machine de la Justice, il s'enfonce dans des couloirs, des procédures, un engrenage sans fin. Le scénario, la réalisation, les mots, les gestes, tous les éléments s'accordent dans un bel ensemble pour ironiser autour de l'idée d'un régime totalitaire.


Qui, aujourd'hui, réussit cette adéquation de l'idée et de l'image? Quel réalisateur est suffisamment fin pour faire passer un message politique, sans dénoncer comme un documentaire, sans mettre les pieds dans le plat et crier "j'accuse"? Honnêtement, qui ose ce genre de scénario de nos jours? Je n'en vois pas un à la fois délicat et ironique, assez talentueux et assez couillu pour réussir ce mix. Ne vous attendez pas à recevoir une leçon rébarbative en regardant Le procès. C'est avant tout un film qui emporte son spectateur dans une narration rythmée. L'air de rien, c'est aussi le genre de film qui s'imprime, auquel on repense et sur lequel on réfléchit, qu'on voit et revoit avec chaque fois un niveau de lecture différent. On s'attarde sur un prologue, et sur la conclusion, racontés en off par Orson Welles. On observe Joseph K. et les femmes qui lui tournent autour, toutes plus envoûtantes les unes que les autres. On ne regarde que la caméra, qui crée des illusions dignes d'Escher. On écoute l'histoire, le son froid et angoissant. On saisit l'ensemble d'un coup d’œil, pour attraper sans l'analyser le génie d'Orson Welles.


J'ai vaguement regardé hier soir, pendant quelques trente minutes peut-être, le téléfilm qui passait sur France 2, La mauvaise rencontre, réalisé par Josée Dayan, et avec Jeanne Moreau, histoire de revoir l'actrice, des années plus tard. J'aime bien Jeanne Moreau, son je-m'en-foutisme, sa décontraction. Elle et Josée Dayan sont des femmes qui ont grandi avec un cinéma spectaculaire vu de maintenant, celui qu'on apprend à l'école, celui qui tentait, essayait, osait tout. Le téléfilm était plutôt joliment réalisé, simple, sobre, efficace. Le thème lui était coincé dans une autre époque, rêveuse, un temps où les jeunes garçons pouvaient ressembler à Rimbaud, s'enthousiasmaient pour un cinéma plus âgé qu'eux, et passaient leur temps libre dans des salles sombres, pas pour revoir le dernier Spielberg, mais pour philosopher autour de Welles, Truffaut, où je ne sais qui. L'intrigue de La mauvaise rencontre était donc complètement dépassée, ennuyeuse. Mais j'ai été touchée un instant par cet amour du cinéma, ces références incessantes, cette image d'un monde et de la jeunesse qui ne vivraient que pour le cinéma.


D'une réalisation d'Orson Welles à Josée Dayan, il y a un gouffre, évidemment. Mais la seconde, par la mémoire qu'elle a du premier, raconte exactement ce que je souhaite faire passer: le cinéma "d'avant" est celui qui doit marquer celui d'aujourd'hui, autant dans la manière de réaliser des cinéastes que dans la manière de regarder des spectateurs.


Ne ratez pas en ce moment, sur ce thème, la rediffusion dans pas mal de salles de Métropolis, de Fritz Lang, et l'exposition sur son œuvre à la Cinémathèque Française. On en reparlera certainement.

 
Et je vous rappelle que vous avez jusqu'à ce soir minuit pour participer au concours et gagner des codes VoD pour Une séparation


Le procès
d'Orson Welles
avec: Anthony Perkins, Romy Schneider, Jeanne Moreau,...
sortie: 1962

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