Saturday, September 11, 2010

Benda Bilili!, de Renaud Barret & Florent de la Tullaye

Renaud Barret et Florent de la Tullaye n'en sont pas à leur premier voyage au Congo; c'est même le troisième film de ces baroudeurs qui souhaitent plus que tout à offrir une image juste de la capitale du pays, Kinshasa, ville d'une pauvreté quasi totale. Ils prévoyaient de filmer l'art de rue; ils ont rencontré le staff Benda Bilili!, groupe de paraplégiques. Leur aventure a duré cinq années et les a mené autour de l'Europe dans une tournée des festivals musicaux.





Benda Bilili se présente comme un documentaire; équipe réduite à deux personnes, caméras légères, contact direct. Mais on classe tout de même ce film dans la catégorie grand cinéma, parce que les deux réalisateurs racontent avant tout une histoire, leur histoire, et celle de leur rencontre avec des gens plein d'espoir malgré la misère qui sévit partout autour d'eux, et la maladie qui s'est abattue sur eux. Le staff Benda Bilili! se déplace dans des chaises-vélos, dont ils activent les pédales à la main. Leurs guitares n'ont qu'une seule corde. Ils chantent le malheur et l'optimisme malgré tout. Ils chantent l'espoir d'une réussite, malgré les chaises roulantes, malgré le ventre vide, malgré tout.



L'aventure a duré cinq ans; de temps en temps, une voix off vient combler les mois de retour en France, les ellipses inévitables. Mais le reste du temps, c'est la rue qui prend la parole. En lingala, bien entendu, langue nationale que les réalisateurs ont appris pour communiquer facilement avec leurs acteurs. Ca commence comme une jolie rencontre, un docu un peu orchestré. Et puis, la chance et les efforts et les rencontres se mettant de leur côté, Renaud Barret et Florent de la Tullaye fabriquent une aventure passionnante. Le staff Benda Bilili! s'enrichit de la présence de Roger, jeune prodige à l'oreille alerte et juste, qui joue sur une corde d'un arc fabriqué avec une bouteille de lait; le groupe enregistre un album, le feu les sépare, la passion de la musique les réunit et enfin, le talent les emporte vers l'Europe.


L'inattendu périple est joyeux, comme tout le reste. Dans mon fauteuil rouge, devant tout cet optimiste, et cette musique entrainante, je me suis endormie. Attention, pas de malentendu: j'ai passé une semaine d'au moins cinquante heures, dont une bonne nuit blanche de travail - je commence à raconter ma vie, je suis une blogueuse, une vraie, haha. Alors j'ai fermé les yeux avec bonheur, portée par le son de l'optimisme, de l'espérance. La musique et les éclats de voix suffisent à faire ce film, un grand moment de joie.


Il ne faut cependant pas oublier que le portrait de Kinshasa, s'il est plein d'entrain, est aussi juste. La misère est montrée, chichement et sans fard. Les enfants philosophent gravement sur le monde en-dehors du Congo, sur cette Europe rêvée, sur des billets qui changeraient leur vie. Ils discutent de Dieu aussi, montrant naïvement Adam et Eve du doigt. L'un d'eux dit "j'ai connu cette époque, on mangeait à notre faim, tout était merveilleux. Et puis, d'un jour à l'autre, tout a changé.". La candeur de ces gamins tranche avec leur vie difficile. Il ne se passe pas une journée sans qu'une bagarre n'éclate; ils forment sur des morceaux de carton. Roger, le jeune prodige, représente la quintessence de cette jeunesse miséreuse. Comme tous, il rêve de succès. Il se bat pour rapporter à sa famille la nourriture dont elle a besoin. Moi, petite Européenne chanceuse, j'ai peur qu'il se perde dans le succès, qu'il prenne goût à l'argent, qui lui semble couler à flots ici. Mais Roger prend le partie de Benda Bilili!. L'orchestre, dirigé par ses vieux sages, passe un tel message de tolérance et d'altruisme, qu'on ne peut se perdre dans les vanités.


Benda Bilili! est une ode à la générosité. Une modestie, une belle musique, font un grand film, que la Quinzaine des réalisateurs, cette année à Cannes, a bien remarqué.


Benda Bilili!, de Renaud Barret & Florent de la Tullaye
avec le staff Benda Bilili!
sortie française: 08 septembre 2010

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