Thursday, September 30, 2010

Simon Werner a disparu..., de Fabrice Gobert

Une banlieue parisienne, un lycée comme les autres, des élèves prêts à passer le bac; rien de spécial dans cette bourgade aisée, si ce n'est la disparition de Simon Werner. La cause la plus plausible est la fugue. Cependant, lors de la soirée d'anniversaire de Jérémie, qui fête ses 18 ans, Clara et Luc découvrent un corps dans le bois d'à côté. Cette soirée qui tourne au drame est le point de départ et le point d'arrivée du film; à partir de cette première séquence, on remonte le temps et on suit Jérémie, la jolie Alice, et tous les autres... Jusqu'à découvrir l'origine des disparitions de Simon, et de deux autres élèves de la classe de Jérémie.


On m'avait vendu ça comme une version "à la française" d'Elephant, le film à l'atmosphère feutrée, étrange, de Gus Van Sant. En passant entre des mains françaises, l'idée de départ a été totalement corrompue, piétinée, et on se retrouve avec Plus belle la vie au cinéma - la série de Fr3, oui oui. Tout les pires travers du cinéma américains y passent, des clichés adolescents du teen-movie de base au cri flippant made in Cleverland dans les bois. Le mixage du film est taillé à la hache, et me rappelle vaguement les travers d'une série policière; en parlant de série d'ailleurs, revoilà aussi mes flash-back favoris qui, déjà pas forcément heureux sur un format télévisé, ressemblent à moins que rien sur du long-métrage. Les acteurs, débutants, sont clairement... inexpérimentés donc. Je vous en mets encore? Développons ces horreurs point par point; cela dit, je vous préviens, j'ai tellement passé un mauvais moment devant ce film que j'ai du mal à organiser mes pensées; ça va être brouillon.


D'abord, certes, j'avais placé la barre un peu haut, à côté de Gus Van Sant. J'aurais dû me renseigner, et m'attendre à ce qu'un type qui compte à sa filmographie un court-métrage et de la réalisation de série française ne fasse pas un film d'exception tout de suite. S'inspirant de faits arrivés durant son adolescence, Fabrice Gobert ne fait pas preuve de beaucoup d'imagination et replace, d'une, le contexte dans les années 90, et de deux, le lycée dans un décor reconnaissable, celui d'une high school à l'américaine. Les blousons se portent donc courts, les cheveux, longs, et on écoute de la musique avec un bon vieux walkman. C'est intéressant, mais cette contextualisation n'a aucun autre intérêt que celui d'être au plus près des souvenirs du réalisateur, et de donner un air un peu désuet aux personnages. Quant au décor, qui ressemble assez peu à un lycée "de base" français, c'est sans doute pour que nos yeux, habitués aux couloirs des écoles américaines, s'y retrouvent tout de même. Ça permet aussi aux personnages de déambuler en papotant.


Car les adolescents adorent les bruits de couloir. C'est d'ailleurs une ingénieuse ficelle que tire allègrement Fabrice Jobert. Les dialogues sont dignes de Rimbaud "hé, au fait... y'a Simon qui a disparu"; "tiens, j'y pense... y'a Rabier qui fait des trucs chelou dans son labo"; "vous avez des nouvelles de Bidule? y'a Machin qui dit que...". Ces jolies conversations ont, certes, l'accent de la vérité - les jeunes, de nos jours, parlent effectivement ainsi -, mais cela ne donne pas grand chose au cinéma. Les phrases s'enchaînent sans trop se suivre, suivant les méandres des esprits adolescents, et sont ponctuées de blagues plus ou moins drôles - les jeunes, de nos jours, ont un humour limité. Non contents d'être inélégantes, les conversations ne s'interrompent pour ainsi dire jamais. De couloir en salle de classe, elles se poursuivent, à peine suspendues par une heure de cours qui commence, se termine aussitôt par un bruit de sonnerie, et se continuent dans le couloir suivant.


Nos ados se traînent donc de salle en salle, et leurs voix en pleine mue ne cessent d'alimenter tous les ragots. Ces voix énervantes, dans lesquelles on sent poindre l'acné, donnent une vague idée du charisme des jeunes acteurs. Jérémie, aussi nommé Hulk parce qu'il s'énerve sur un terrain de foot, est le héros de cette histoire. Suite à une dispute, il utilise ses béquilles tout du long du film. Autant vous dire que les déplacements de couloirs sont très longs. Question son, pour continuer sur le sujet, la musique est signée Sonic Youth, et teintée de Noir Désir; dit comme ça, ça aurait pu être bien. Et bien elle meuble les transitions, et se stoppe brutalement pour qu'on entende parfaitement la réalité. Je n'ai jamais entendu autant de jeans dont les jambes, en marchant, se frottent autant dans un joli bruit de denim. Le monteur son a dû avoir des consignes ultra strictes à ce sujet.


Je vous ai vaguement parlé des acteurs. J'y reviens une seconde - j'avais prévenu que ce post serait désorganisé - pour évoquer l'équivalent de la reine du bal du lycée, Alice. Non seulement je la note d'un zéro sur son minois, mais son regard inexpressif ne rehausse pas sa supposée beauté. Le cliché de la high school à l'américaine tape encore: d'un côté, la "jolie" fille sur laquelle tous les garçons bavent; de l'autre, Jérémie, la star de l'équipe de football. Passons. La construction du film s'organise en flash-back, jusqu'à la soirée d'anniversaire de Jérémie, qui ouvre le film - tiens, encore un américanisme assez nul, la grosse fête dans toute la maison que les parents ont abandonné à leur bien-aimée descendance. Comme dans Elephant, on suit les évènements à travers les yeux de différents personnages, jusqu'à ce climax passionnant. Quinze jours avant, une vingtaine de jours avant, etc etc. Cette construction ne fait pas mouche, toujours élaborée sur le même rythme, lent, paresseux, d'adolescents nonchalants. Les faux-semblants qu'ils trimballent avec eux ne cassent pas la baraque, et on n'est pas surpris de découvrir que l'un, qui paraît cool via le regard de l'autre, ne fait véritablement qu'entretenir les apparences. Grande nouvelle, les adolescents sont en vérité mal dans leur peau et ont des problèmes qu'ils dissimulent.


Cette construction oblige à placer quelques éléments clés pour se repérer dans le temps, et recouper ainsi les points de vue de chacun. Ces éléments sont des phrases importantes - "Bardier va être viré, y'a un type qui l'a sucé dans son labo", élégant -, des découvertes majeures - un jeune garçon se révèle être homosexuel, chocking! -, des claquements de porte, etc etc. Le réalisateur compense le manque de subtilité par le nombre élevé de ces éléments clés. Cela accentue encore les redondances des actions, et on prie pour qu'un nouveau chapitre ne nous ramène pas encore une fois dans le temps, alors qu'on approche du climax.


Le dénouement aurait pu au moins surprendre. Fabrice Gobert ne brille toujours pas par son originalité, et la chute est digne de la rubrique faits divers du Parisien.


Simon Werner a disparu...
de Fabrice Gobert
avec Ana Girardot, Jules Pelissier, Laurent Delbecque,...
sortie française: 22 septembre 2010

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