Monsieur Hire est surveillé de très près par un détective, enquêtant sur un meurtre. Il a tous les bons atouts d'un coupable: personne ne l'aime vraiment, les chiens aboient sur son passage, il vit reclus, sans amis, sans attaches. Monsieur Hire, au centre de ses investigations, n'a pourtant d'yeux que pour sa jolie voisine et se soucie guère de ce que l'on pense de lui. Depuis sa fenêtre, il observe Alice, qui passe sa jeunesse auprès de son petit ami, Emile. Soudain, Alice remarque le manège de Monsieur Hire. De l'effroi à l'exhibitionnisme, ils entament une étrange relation depuis leurs appartements respectifs, et se croisent aussi dans la cour de l'immeuble.
Entre thriller à ambiance sombre, teinté de noir par cet étrange personnage sans prénom, misanthrope probablement psychopathe, et drame sentimental, on aborde encore un tout autre aspect de la filmographie éclectique de Patrice Leconte. Le réalisateur fait un remake d'un film de Julien Duvivier avec Michel Simon, Panique, lui-même adapté d'un roman de Georges Simenon, un maître du roman policier français, Les fiançailles de Monsieur Hire. Il semblerait pourtant que Patrice Leconte et Patrick Dewolf, les deux scénaristes, soient repartis du roman plutôt que du script du film pour écrire leur scénario. La progression lente de ce dernier met les décors, minimalistes pourtant, au premier plan, ainsi que les cadres qui jouent d'effet de cadre dans le cadre, simplissimes et terriblement efficaces, et une lumière ombrée, qui troue l'obscurité. La mise en scène est condensée en peu de lieux, en de beaux cadrages dramatiques, une vraie réussite.
Mais ce qui donne son côté troublant à Monsieur Hire, c'est l'interprétation de Michel Blanc. Son visage rond et livide, son regard passant de la méchanceté acariâtre à la douceur désespérée de l'amant sûr du dédain de celle qu'il convoite, est d'une justesse et d'une précision qui font honneur à l'acteur. Il lui suffit de peu pour faire passer les sentiments, d'un geste précis, et d'un mouvement de paupières. Figé le plus souvent, il reste en admiration béate devant Alice, qui le paralyse, pour s'autoriser des mouvements d'humeur envers tous les autres. Sa voix douce répond avec lassitude aux questions du détective. Et il sublime son personnage quand enfin, il approche Alice, lui parle, et se confie.
Sandrine Bonnaire, qui ne me revient généralement pas, est ici supportable, sobre, et si fatale à Monsieur Hire qu'elle en devient belle. C'est le deuxième film que cadre lui-même Patrice Leconte; et ce qui donne des plans d'une lourdeur incroyable dans Voir la mer - ces interminables clichés de la nuque, d'un bout de bras, d'un sourire, etc... de Pauline Lefèvre - est d'une finesse remarquable, peut-être encore un peu timide, dans Monsieur Hire et dans la description d'une femme attirante. Son personnage, de jeune fille apeurée, lentement évolue vers une forme plus adulte, plus femme, plus sournoise. Tout le film possède cette dynamique changeante, cette évolution permanente des personnages d'une forme vers une autre. Le drame se joue tandis que le thriller se noue, jusqu'au final, qui manque malheureusement d'intensité malgré cette belle progression.
Mais la tragédie qui clôt le film, si elle n'est mise en scène que médiocrement - trop de simplicité pour une scène qui aurait demandé bien plus de force -, se suffit en elle-même pour conclure que Monsieur Hire est une des grandes réussites de Patrice Leconte. Je pense avoir fait le tour des films de ce réalisateur, que j'avais vraiment envie de voir; d'autres que ceux dont les liens sont dans cet article vous paraissent-ils assez intéressants pour compléter mon petit tour de la filmographie de Patrice Leconte?
Monsieur Hire
de Patrice Leconte
avec: Michel Blanc, Sandrine Bonnaire, André Wilms,...
sortie française: 1989
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