Thursday, November 10, 2011

Love and bruises, de Lou Ye

Hua étudie depuis peu en France, attirée dans le pays par un amant connu à Shangai; mais ce dernier, de retour chez lui, trouve moins exotique cette relation et y met un terme. Hua erre dans Paris et rencontre, par hasard, Matthieu, qui la drague, l'emmène déjeuner, la viole. Leur relation part de là, et Hua encaisse, par amour, d'être montrée, trimballée de boîtes de nuit en petits délits, par Matthieu. Le garçon oscille entre fierté et jalousie, désir et tendresse. Il veut Hua pour lui tout seul, mais la jeune femme a un passé lourd d'amant, et lui-même n'est pas vierge de toute trahison ni de mensonges.


Le cinéma chinois, méconnu en France, s'autorise une sortie en salle lorsqu'il intègre, d'une part, un décor parisien, et d'autre part, un jeune acteur français qui se cherche après son succès dans le film de Jacques Audiard, Un prophète. Love and bruises, produit en France, fait néanmoins une sortie extrêmement discrète. M'attirent a priori dans ce genre de film le regard étranger porté sur Paris, mais aussi le thème de la relation passionnelle, souvent mieux traitée en Asie qu'en Europe; on lie souvent passion et violence, on met en scène des pratiques sexuelles malsaines histoire de bien montrer que le désir diffère de l'amour. Love and bruises propose d'intégrer de la tendresse, et de décrire avec énormément de pudeur une relation qui démarre au quart de tour, sur une agression physique.


Que de jolies promesses, et rien n'est tenu. Paris d'abord, est filmé aux bons endroits. J'adore voir les métros dans toute leur saleté, les rails et les gares, qui foisonnent dans le film de Lou Ye. Il situe son action dans les quartiers nord -  à part quelques incursions rive gauche près du marché de la Place Monge, mais sans qu'on ne reconnaisse le bourgeois 5ème arrondissement. Un de mes lieux préférés à Paris est sans doute situé entre le 18ème et le 19ème arrondissement, dans les jardins d'Eole. Il profite de ce lieu d'exception pour poser sa caméra. Cependant, il tient cette dernière à l'épaule. J'ai en horreur cette manière de filmer, qui souligne la présence d'un œil inquisiteur, qui donne mal au cœur et à la tête. Tout près de ses personnages, il les découpe, les prend par petits bouts. On ne voit jamais un horizon, qui, pourtant, avec cette présence des trains et l'idée de la Chine lointaine, aurait pu s'étendre plus loin que les appartements sales dans lesquels le réalisateur nous traîne, de Paris à la banlieue.


Ces appartements par ailleurs, décrédibilisent les étudiants ou travailleurs occasionnels que sont les personnages, Hua ou Matthieu. La première déménage sans vergogne de chez un amant, pour un petit deux pièces; le second vit également dans un immeuble sale de Paris, et possède un pied-à-terre en banlieue. La galère n'est pas pour eux. Je m'intéresse ces temps-ci aux prix du marché parisien, que voulez-vous. Et je peux vous assurer qu'on ne trouve pas facilement en claquant dans les doigts un toit, aussi pourri soit-il. Le réalisateur avait besoin de chambres où unir ses amants; il en trouve trois, voire plus, et ne se pose pas la question de la réalité. L'image est documentaire, la lumière brute, mais l'idée de la vie parisienne totalement invraisemblable.


Le manque de cohérence s'étend jusque dans la relation, qui est au cœur du film de Lou Ye. La jeune femme chinoise a trop de secrets, enchaîne les amants sans raison. Pas vraiment d'amour, mais beaucoup de tendresse; du désir physique, mais pas vraiment de passion. La relation de Hua avec Matthieu commence par un viol; si la jeune femme avait aimé cette agression, elle aurait redemandé des coups, ce qui n'est pas le cas. On poursuit donc par un amour véritable; que vient alors faire la jalousie de Matthieu? Et Hua, femme indépendante, partie de Chine pour un pays étranger, se soumet au joug de son amant. On hésite sans cesse, et on finit par se perdre entre les décisions contradictoires des personnages, injustifiées.


Pour rajouter à la confusion, ou pour pallier à ce manque d'harmonie, le réalisateur ajoute sans cesse des éléments; il rajoute un homme, puis deux, dans la vie de Hua; des amis qu'elle ne voit jamais, des connaissances dont elle ne fait que rarement preuve; il ajoute une femme, un enfant, dans la vie de Matthieu; des sentiments que ses actes démentent, une confiance trompée par la jalousie. Le film se termine dans une apothéose d'incohérences, entre Shangai, Paris, une cité de banlieue française, des passés et des présents,...


Tahar Rahim n'a pas encore trouvé sa voie, Lou Ye s'égare dans une ville qu'il ne connait pas, et le spectateur s'ennuie.



Love and bruises
de Lou Ye
avec Corinne Yam, Tahar Rahim, Jalil Lespert,...
sortie française: 02 novembre 2011

2 comments:

Mingou said...

Je suis entièrement d'accord avec toi. Manque de cohérence, opacité des personnages, absence d'émotion... C'était très décevant.

Fanny B. said...

@MM
Fiou, je suis contente de n'être pas seule à penser cela. Avec les critiques positives que j'avais lues, et qui m'avaient encouragée à aller voir Love and bruises, je ne m'attendais pas à une telle déception, et je me suis demandée où est-ce que les critiques avaient été chercher le positif dans ce film...