Sunday, September 13, 2009

Cendres et sang, de Fanny Ardant

Judith est une femme forte, qui garde la tête haute. Mais ses trois enfants doivent se battre pour être respectés; ils vivent tous les quatre dans un petit appartement; et la vie n'est pas facile au milieu d'un voisinage hostile à la mère solitaire et à ses enfants étrangers. Judith ne veut pas revenir vers sa famille, torturée par des guerres de clans, pleine de batailles pour la fierté d'un nom et pour l'honneur d'une terre. Elle s'est exilée après l'assassinat de son mari, tué sous les yeux de ses enfants peut-être trop jeunes pour s'en souvenir précisément, mais qui gardent des séquelles de cette tragédie. Elle cède cependant à leur désir, et toute la famille se rend en Roumanie - quoique l'endroit ne soit jamais nommé... dans un pays de l'Est en tout cas - à l'occasion d'un mariage. Là-bas, les rites sont clairs et n'ont pas changé depuis le départ de Judith. Elle doit les respecter, et ses enfants doivent les apprendre rapidement. Car trois familles, aux terrains mitoyens, sautent sur le moindre faux pas pour régler leurs vieilles haines. Pashko, le vif, tête brûlée, ne résiste pas à répondre à la moindre provocation; Ismael, plus doux, se laisse entraîner par son frère; Mira, la petite dernière, sourde, et vivant dans son monde d'images rêvées, patine sans précaution sur des terrains glissants...




Fanny Ardant a travaillé son scénario avec Paolo Sorrentino, en se basant sur un roman d’Ismail Kadaré Eschyle ou le grand perdant. En ayant su ainsi s'entourer, son histoire touche à des choses fortes, au milieu de paysages ruraux, d'une terre qui porte les traces de sa sanglante histoire. Les secrets qui entourent ces familles, leurs traditions immuables, cette grand-mère au regard intraitable qui gère toute une famille d'une main de tyran, grand nombre d'éléments aident à fabriquer un contexte hors du commun. Ronit Elkabetz, actrice miroir à la réalisatrice avec sa voix rauque, son regard cerné de noir, sa grande force apparente et une éventuelle détresse sous-jacente, donne du crédit à la femme qu'elle incarne; Judith, refusant les intrigues familiales qui ont, jusqu'à son exil volontaire, dirigé sa vie, retourne vers les siens pour répondre à l'attraction sanguine qui attire ses enfants au plus près de leurs racines.


Fanny Ardant brise ainsi son image de femme bourgeoise, habituée aux grands appartement haussmaniens, pour se jeter dans une belle sauvagerie à l'opposé de tous les clichés qu'elle a incarnée dans sa carrière. Sa poésie est également palpable, dans les liens intenses qui unit Judith à ses enfants. C'est cette sensibilité qui fait faillir, aussi, la réalisatrice débutante. Si le scénario est fort, l'image est pleine de maladresses. Ces erreurs sont touchantes, car la volonté de faire du beau est là; mais la composition des cadres est parfois trop formelle, les personnages se pétrifiant au centre pour offrir les plus jolis clichés. Les personnages secondaires, plus naïfs que l'héroïne, semblent dirigés de manière un peu fade à côté de Ronit Elkabetz. Une course éperdue de chevaux furieux, se désirant tragique, en devient légèrement ridicule, par les clichés qu'elle utilise.


Si Cendres et sang n'est pas un film parfait, c'est certainement une jolie première, et qui a le mérite d'une sortie en toute discrétion malgré l'immense aura de sa réalisatrice.




Cendres et sang
de Fanny Ardant
avec Ronit Elkabetz, Abraham Belaga, Marc Ruchmann
sortie française: 09 septembre 2009



ps: quelqu'un sait pourquoi mon billet sur les séries de la rentrée a tout cassé ma mise en page?

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