Monday, October 17, 2011

The artist, de Michel Hazanavicus

L'acteur hollywoodien du moment, c'est Georges Valentin. Sur les écrans, il sauve toutes ces dames, avec classe, humour et décontraction. Dans les journaux, il charme tout autant et rapporte gros à son producteur. Dans la vie, accompagné de son compagnon, le chien-acteur Uggy, il gère avec bonhomie le déclin de son couple et la fortune qui lui sourit. Georges croise brièvement Peppy Miller, jeune et jolie fan qui se lance dans le cinéma. Sa carrière d'actrice explose avec le parlant, et elle est soudainement en tête d'affiche, tandis que Georges tombe aux oubliettes.


Cannes 2011 ravi, critiques unanimes, et The Artist, film muet, présent partout autour du globe... J'ajoute mes compliments, petite goutte d'eau dans l'océan d'enchantement dans lequel est tombé le public tout comme les journaux. Il faut dire que ce pari osé, d'un film en 4/3, entièrement orchestré, avec quelques cartons titres pour trois dialogues, en noir et blanc, est réussi. L'histoire se déroule à merveille, troublante de simplicité. Et si j'avais peur de m'ennuyer, pour avoir tout découvert à la bande-annonce, montée comme un court-métrage, il n'en est rien. L'histoire ne concerne pas un couple, ou alors pas celui qu'on croit; les carrières de Georges et de Peppy se déroulent en parallèle, et leur relation est bien chaste. Peppy est merveilleusement laissée de côté, surgissant juste aux moments opportuns, et on se concentre sur Georges et son chien, leur gloire, leur déclin.


Écrit avec justesse, empli de petites références, de clins d’œils permanents, et subtilement drôle, The Artist se joue du son pour donner du sens à sa narration. On ne sait plus si c'est le cinéma qui est muet, ou si c'est son personnage principal qui ne parle pas et vit dans un écran plutôt que dans le monde réel. En témoigne ce rêve qui résonne dans la tête de Georges... Le duo explosif de Jean Dujardin et de Bérénice Béjo fonctionne à merveille.


C'est donc une voix enthousiaste de plus pour Michel Hazanavicus. Je vote pour le muet, en général. Le cinéma français possède cette caractéristique agaçante, issue du théâtre et de la littérature, de la jolie langue française qui sait tout dire, pourvu qu'on ait les bons mots. Il faut parler, parler encore, expliquer l'image, qui pourrait pourtant s'en passer. Prend-on les spectateurs pour des imbéciles, ou a-t-on trop peu confiance dans le talent des réalisateurs? Il faut toujours rajouter l'explication à l'image qui se suffit à elle-même. Dans le dessin animé, cela se traduit souvent par une réflexion de type "ouaah, ce paysage est merveilleux!" alors que les personnages entrent dans un décor nouveau et merveilleux, donc, alors que le cadre large et un coup de violon disent la même chose. L'image et le son sont redondants. Le muet, en supprimant ces doublons, permet de s'appuyer uniquement sur l'image. On s'oblige à trouver le cadre juste, le geste qui fait mouche, pour raconter, au lieu de sauver ce qui peut l'être ou ce qui n'a pas besoin de l'être en rajoutant un dialogue.


Chapeau l'artiste.


The Artist
de Michel Hazanavicus
avec: Jean Dujardin, Bérénice Béjo, John Goodman,...
sortie française: 12 octobre 2011

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