Friday, October 21, 2011

Diane Arbus, au Jeu de Paume

J'adore la photographie, et aime me renseigner à son propos. Cependant, même en appréciant la technique, j'ai du mal à me contraindre à suivre des règles, à les apprendre surtout. On apprend autant en ingurgitant des images de professionnels, et c'est pourquoi je me rends assez systématiquement au Jeu de Paume. Cette fois-ci, ce sont plus de 200 tirages de Diane Arbus qui y sont présentés sur les deux étages. Deux salles concluent l'exposition avec une chronologie de la vie de Diane Arbus, et quelques mots sur la technique qu'elle emploie - partie passionnante et souvent délaissée.



L'exposition se déroule sans chronologie, sans thème. Salle après salle, plus de 200 tirages sont sobrement encadrés de blanc. Apparemment sans queue ni tête, l'exposition met pourtant en valeur l'unité de la carrière de Diane Arbus. Les mêmes cadrages, en 6x6 dès 1962, qui laissent apparaître les bords de la pellicule; brinquebalants, parasités. Les mêmes détails, visages, sobres et natures, la même fascination envers certains sujets tels que les travestis, les phénomènes de foire, la multiplicité (triplés, jumeaux, siamois...), les nudistes,... forment un ensemble cohérent. Diane Arbus, sur sa courte carrière, est restée obsédée par ces personnages. Il semble qu'elle marche dans une ville de New York bizarroïde, peuplée de gens qui pourraient être vous, qui pourraient être moi, mais qui, dans leur spontanéité étrange, par un détail, ou transformés par l’œil de Diane Arbus, deviennent originaux et à part. Ils sont tous réunis là, ceux qui ne semblent pas bâtis pour la gloire.


Il y a des portraits de personnes plus connues. Ce sont des commandes, des demandes, de magazines le plus souvent. Comment réclame-t-on Diane Arbus, pour figer son portrait? Le résultat, on le sait, sera forcément bancal, forcément un peu bizarre. Elle photographie les stars et les parfaits inconnus de la même façon, dans des chambres d'hôtel, sur des couvre-lits fatigués. Le décor s'encombre d'une poignée de porte au premier plan, d'une encadrure, d'un tableau tombé à terre. Il prend plus de signification soudain que le sujet lui-même. Il témoigne d'une Amérique new-yorkaise dans les années 60, bien loin du rêve américain.


Ce n'est pas pour autant une œuvre misérabiliste que celle de Diane Arbus. Il y a une lumière dans ses photographies, et qui n'est pas seulement donnée par l'ampoule blafarde qu'elle apprécie toute nue. Les regards, sous des paupières tombantes souvent, sont interrogateurs. Ils semblent demander "pourquoi moi?" Leur candeur, ou leur désir de plaire à l'objectif, leur innocence ou le défi qu'ils lancent ne sont jamais miséreux. Certains portraits sont spontanés, d'autres obligatoirement posés. Quel genre de vie a pu avoir Diane Arbus pour se retrouver dans la chambre d'un couple forniquant sans scrupule devant elle pour se faire photographier? Les lieux qu'elle fréquente sont-ils tous peuplés de travestis, de chair sans pudeur, de poses suggestives?


Diane Arbus prouve qu'un artiste photographe avance dans le monde avec un filtre devant son regard. Il voit tout, mais ressortent nettement face à lui ses sujets de prédilection. Je suis restée plongée dans une biographie de l'artiste après l'exposition. Une douceur et une remise en question permanentes semblent émaner de cette femme dont les sujets peuvent être si dérangeants. Elle cherche à réunir ceux qui sont mis au ban de la société par leurs différences. Elle cherche l'unité dans la différence. L’œuvre de Diane Arbus que je découvre m'a donné un vrai coup au cœur.


Diane Arbus
au Jeu de Paume
du 18 octobre 2011 au 05 février 2012

1 comment:

paristempslibre said...

La photo que tu presentes mavait beaucoup marquee.
Jadore sesphotos, je les trouve inoubliables
Xo