Tuesday, August 31, 2010

Poetry, de Lee Chang-Dong

Mija élève seule son petit-fils dans une petite ville de province en Corée du Sud. Elle aime soigner son apparence, les fleurs, et suivre le cours de ses pensées vagabondes. Alors qu'elle s'inscrit à un cours de poésie, et cherche l'inspiration dans l'observation des arbres et de la nature autour d'elle, elle est prise avec cinq autres parents dans une affaire de suicide. Chaque famille essaie de récupérer une jolie somme pour dédommager une mère de la perte de sa fille, qui s'est jetée dans le fleuve par désespoir, après avoir subi pendant des mois les abus de six jeunes garçons, dont le petit-fils de Mija.




Entre réalité et onirisme, Mija est donc bien dépourvue. Elle, qui ne cherche qu'à voir la beauté dans toute chose, est confrontée à un difficile cas social, à un viol en communauté, et à l'éducation de son petit-fils qu'elle n'a plus vraiment l'âge d'élever. Le film et son rythme de croisière, d'observation passive et lente, met la réalité de côté pour s'intéresser plutôt à la poésie. Du poème coréen à toutes les sauces, sucrée ou salace, des fleurs "rouges comme le sang", un long fleuve qui s'écoule,... On s'ennuie de ce paysage plutôt banal (pour la Corée) que nous montre Lee Chang-Dong, qui se repose uniquement sur le regard enamouré de Mija pour en expliciter la beauté du détail. Cette poésie n'est pas franchement excitante, et son renouveau est vainement véhiculé. La mort de cet art est annoncé, et on ne croit pas à sa renaissance. Une femme du cours de Mija écrit et lit ses inepties à un public amateur et conquis; un policier en civil tourne en dérision les poèmes et ne profite de l'audience que pour raconter des lubricités; quant au professeur de poésie, il énonce des banalités qui trouvent preneurs auprès de dilettantes tels que Mija.


La réalité aurait été bien plus passionnante. Cette affaire de suicide, qui inquiète des parents, soucieux des retombées médiatiques sur leurs enfants coupables, ne semble avoir que peu de prise sur Mija. Bien entendu, elle ne comprend pas le geste de son petit-fils. Mais, mis à part un accès de sauvagerie qui la pousse à faiblement hurler, désespérée, sur le garçon caché sous ses draps, elle n'agit pas, perpétuellement plongée dans ses contemplations. Cela montre-t-il une face intéressante de la société coréenne, qui serait si prude qu'elle n'oserait confronter les générations autour du sujet de la sexualité? Le réalisateur ne semble cependant que peu concerné par une critique sociale. J'ai passé mon ennui devant le film à me demander ce qu'allaient devenir ces gamins, auxquels aucun reproche n'est fait; à m'interroger sur les sentiments de la mère de la fillette morte, prête à compenser sa perte par une jolie somme. Les parents n'ont en effet qu'un seul but, celui de réunir l'argent qui effacera le viol et la mort. Les billets réunis, l'histoire sera enterrée et les parents pourront reprendre leur vie et oublier. Quid des enfants coupables? Rien.


Intervient aussi dans le film ce "président" infirme, radin, dont s'occupe tous les deux jours Mija. Se présentant comme une ancienne tombeuse de garçons, la femme âgée démontre ainsi sa capacité à tenir encore sur ses jambes, à s'activer comme une jeune fille. Je vous laisse imaginer le moyen employé pour réunir la somme imposée par la communauté de parents. Cela implique une scène malsaine, qui n'a pourtant que peu d'impact sur le caractère flasque de Mija. De la même façon que les autres parents, que les garnements dont ils sont les géniteurs, peu importe le moyen du moment qu'on peut continuer à vivre en toute tranquillité.


Bien loin du charme lyrique d'un Joon-ho Bong (qui a aussi réalisé The Host, monument fantastique), du réalisme d'un Ounie Lecomte, de la féroce absurdité d'un Kim Jee-Woon (Le Bon, la Brute et le Cinglé), de la force d'un thriller de Hong-jin Na, de la grandeur d'un Park Chan-wook (Old Boy), sans parler de Kim Ki-duk (Time, Locataires)... leur compatriote Lee Chang-Dong fait lamentablement baisser le niveau d'un cinéma sud-coréen en plein boum. Un prix du scénario au Festival de Cannes pas franchement justifié.


Poetry
de Lee Chang-Dong
avec Yoon Jung-hee, David Lee, Kim Hira,...
sortie française: 25 août 2010

No comments: